Rokhaya Pauline Ndiaye est l’initiatrice de RAFET (beauté). A travers ce projet, l’étudiante en arts graphiques veut lutter contre le body shaming en sensibilisant les jeunes et en les accompagnant vers une meilleure estime d’eux-mêmes.
Entretien
Pouvez-vous nous parler de cette initiative ?
J’ai décidé de lancer RAFET pour lutter contre le body shaming et encourager l’acceptation de soi. RAFET, c’est bien plus qu’un simple projet, c’est un combat social. C’est une initiative qui célèbre la diversité des corps et prône l’acceptation de soi. Nous luttons contre le body shaming en sensibilisant les jeunes et en les accompagnant vers une meilleure estime d’eux-mêmes. RAFET est un projet caritatif qui vise à apporter du soutien psychologique, émotionnel et social aux victimes de discriminations liées à leur apparence physique. Et chaque étape de mon parcours m’a menée à RAFET. J’ai suivi des études en arts graphiques et numériques, ce qui m’a permis d’explorer l’univers de la création et de l’image. En parallèle, j’ai obtenu un diplôme d’esthéticienne, car j’ai toujours eu un intérêt pour l’art de mettre en valeur chaque personne. J’ai aussi travaillé en tant que monitrice de collectivité éducative, ce qui m’a donné une réelle sensibilité aux problèmes que rencontrent les jeunes, notamment le manque de confiance en soi. Enfin, mon expérience en tant qu’animatrice, MC et voix-off m’a permis d’avoir une voix qui porte et de l’utiliser pour sensibiliser et inspirer. Toutes ces expériences, combinées à mon histoire personnelle, ont fait naître RAFET, un projet qui, je l’espère, changera des vies et les mentalités.
Lire aussi: Remarques blessantes sur le physique : « Body shaming », le fardeau du corps (1/2)
Avez-vous justement une histoire particulière avec cela ?
Oui, et c’est ce qui rend ce combat personnel. Enfant, j’étais en surpoids et j’ai été victime de moqueries, d’humiliations et même de violences. J’ai connu la douleur du rejet, à l’école comme dans la société. Les insultes, les coups, le regard des autres ont laissé des traces profondes. À tel point que j’ai tenté de me briser le bras pour ne plus aller à l’école, puis j’ai fait plusieurs tentatives de suicide. On me critiquait même sur mon nez, ce qui m’a poussée à le percer moi-même, dans un acte de réappropriation de mon image. Mais j’ai survécu. Et aujourd’hui, j’ai transformé cette souffrance en force. RAFET est né de cette volonté de faire en sorte qu’aucun enfant, aucun adolescent, ne traverse ce que j’ai vécu.
Quelles sont les actions entreprises ?
Nous avons déjà lancé le projet avec une cérémonie d’ouverture et un panel à Ejicom, suivi d’une table ronde avec Talk to Me à Consortium Jeunesse Sénégal. Actuellement, nous organisons des visites dans les écoles et universités pour sensibiliser les jeunes au body shaming et les aider à s’accepter. D’autres actions sont prévues à savoir une masterclass qui réunira 300 personnes pour approfondir la réflexion sur l’acceptation de soi, des shootings photos pour représenter toutes les morphologies, couleurs de peau et conditions physiques (albinos, personnes en situation de handicap, etc.), une randonnée pédestre, où toutes les silhouettes seront célébrées dans un cadre sportif et inclusif et un dîner de gala pour clôturer en beauté ces six mois d’engagement intense. Nous sommes au début de cette aventure, et nous avons besoin du soutien de tous pour faire de RAFET un mouvement incontournable.
Quelles sont vos perspectives ?
Mon rêve, c’est que RAFET dépasse les frontières du Sénégal et devienne un projet international. Je veux que cette initiative change les mentalités, influence les discours publics et inspire des lois contre le body shaming. À court terme, nous comptons élargir nos sensibilisations à d’autres régions du pays, créer un réseau de soutien psychologique pour les victimes, mettre en place des ateliers de revalorisation de soi à travers l’art, la mode et le coaching en image. À long terme, mon objectif est de faire de RAFET une fondation avec des programmes d’accompagnement dédiés. Nous voulons bâtir un monde où chacun se sent légitime dans son corps, sans avoir à se justifier ou se cacher. Je crois fermement que la beauté ne se définit pas, elle se vit. Et RAFET est là pour nous aider à la vivre pleinement.
Par Arame NDIAYE