Mansacounda et Julescounda sont des quartiers nés pendant la présence française dans le Boudié. Le premier abritait les résidences des colons, tandis que le second Julescounda accueillait les travailleurs du Fort et des maisons de commerce. La grande majorité des populations du Pakao estiment que Julescounda émane du nom de Frédéric Jules Laugar, un missionnaire décédé et enterré dans ce quartier. Une confusion que Aminata Rose Diallo relève souvent à chaque occasion.
En cette fin d’après-midi, la route principale qui mène au marché central de Sédhiou est peu grouillante de monde. Les quelques petits commerces implantés sur les abords sont ouverts, profitant des rares acheteurs. Vers la partie ascendante de la seule route goudronnée, une poignée de jeune réunie autour du thé, discute à haute voix, de tout et de rien. Cette voie est le trait d’union entre les quartiers de Julescounda (sud) et celui de Dagorne (nord) aujourd’hui plus connu sous l’appellation de Mansacounda (chez l’autorité en mandingue). « Le quartier Mansacounda ou Dagorne était uniquement habité par les blancs du Fort Pinet Laprade et leurs proches. Quant à Julescounda, il était occupé par ceux qui étaient venus travailler pour le Fort », explique Aminata Diallo. Julescounda qui s’étend jusqu’à l’ancien village Pacoboor abritait aussi un cimetière militaire à l’époque de la colonisation. « Il y avait beaucoup de sépultures. Quand on était encore jeune élève, on s’aventurait à lire les écritures inscrites sur les pierres tombales », se souvient Rose Diallo, qui se bat au quotidien pour la préservation des vestiges coloniaux.
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Aujourd’hui, presque toutes les tombes ont disparu. La seule encore visible demeure celle de Frédéric Jules Lauga. Un jeune missionnaire évangéliste, décédé à Sédhiou à la suite d’une maladie. Il avait 21 ans. Pour la majorité des habitants de Sédhiou, c’est son nom que porte le quartier Julescounda. « En fait, seul Jules Laugar avait de la lumière chez lui. Les gens allaient étudier là-bas. Et quand ils s’y rendaient, ils disaient on va chez jules ‘’ en mandingue Julescounda’’ c’est comme cela qu’est né le nom du quartier », confie Ibrahima Dembélé, habitant à quelques encablures de l’ancien cimetière colonial. Cependant, Aminata Rose Diallo rejette cet avis, ayant travaillé sur l’histoire de l’installation des Français dans le Boudié. Enseignante d’histoire à la retraite elle précise que le nom Julescounda vient en réalité du patronyme de Jules Rapet, un mulâtre représentant la Maison de commerce Grifon. « Le nom Julescounda est antérieur à Frédéric Jules Lauga à qui on veut donner la paternité de ce quartier. Il est tout récent lui », insiste-t-elle. « Les Mandingues qui fréquentaient ce point de commerce disaient : « Mbi ta Sounoucounda » pour dire je vais chez jules ou encore je vais dans la boutique de Jules. Et c’est ainsi que le nom est donné au quartier Julescounda », explique Aminata Rose Diallo. Au dela de l’histoire et des significations, le quartier Julescounda est confronté à des défis de développement. Il ne bénéficie d’aucun investissement visant à le moderniser alors que les sites et vestiges qui s’y trouvent, pouvaient favoriser l’attraction des visiteurs ou servir de prétexte pour développer le tourisme. Malheureusement, ils sont en train de disparaître un à un. « Vous voyez ce bâtiment à étage, c’est une ancienne maison de commerce. L’ancien président Macky Sall y résidait alors qu’il était jeune travailleur à Sédhiou. L’édifice a aussi abrité, l’inspection départementale, le palais de justice, le centre social pour la formation technique des jeunes filles», constate avec amertume, Cheikh Tidiane Diédhiou, un enseignant. Une boutique de denrée est installée dans cette ruine. Le propriétaire est sommé de quitter le lieu à cause du risque imminent d’effondrement.
Jonas Souloubany BASSENE (correspondant)