Premier Khalife de Maodo, Serigne Babacar Sy, a marqué de son empreinte l’histoire religieuse et sociale du Sénégal. Héritier spirituel de son père Seydi El Hadji Malick Sy, il a su asseoir la continuité de la Tarîqa et initier les premiers dahiras, devenus aujourd’hui des piliers de solidarité, d’éducation et de développement.
« Borom bonnet carret bi » (l’homme au bonnet carré) comme on le surnomme n’est plus à présenter aux Sénégalais. Le guide spirituel a laissé un héritage éloquent qui traverse les générations. Le fils de Seydi El Hadji Malick Sy n’était pas seulement connu pour sa mise bien soignée et son diastème contrastant avec son teint d’une noirceur éclatante. Né à Saint-Louis en 1885, il est surtout connu pour sa grande érudition, son humilité, et son rôle dans la diffusion de la Tidjaniyya. Il a continué l’œuvre de son père et a fondé les dahiras, des groupements de formation religieuse, pour adapter l’enseignement islamique aux réalités de son temps.
Serigne Babacar Sy a baigné dans l’environnement de son père, Seydi El Hadji Malick Sy.Le milieu déterminant l’individu, c’est tout naturellement qu’il chaussera les babouches de « l’homme au parasol ». En 1922, à la mort de Seydi El Hadji Malick Sy, il lui succéda à tout juste 37 ans. Il a poursuivi l’œuvre de son père, s’assurant de la stabilité spirituelle et sociale de la confrérie.
Premier à porter le titre de khalife
Respectueux des lois de Dieu comme de celles des hommes, imbu de culture islamique, « Cheikhal Khalifa » est le premier au Sénégal à avoir porté le titre de Khalife Général des Tidianes. Son autorité est reconnue par tous les Moukhaddam qui voient surtout, en sa personne l’héritier de la Baraka du vénéré El Hadj Malick. « Borom bonnet carré bi » a su, par sa sincérité et sa foi, se forger un destin de meneur d’hommes. En continuation logique de son père, Serigne Babacar Sy a su imposer son respect, sa sagesse et les dons que Le Tout Puissant lui avaient voués. Tel son homonyme, Seydinâ Abu Bakr, « Cheikhal Khalifa » donna, par la constance de son action, les gages d’une continuité.
Si Maodo avait été l’artisan d’une islamisation par décentralisation, Serigne Babacar Sy relèvera, à son tour, le défi de la perpétuation et de l’ancrage géographique et social de la Tarîqa ; ayant été celui qui mit sur pied ces cadres de socialisation confrérique avec des déclinaisons multidimensionnelles, socioprofessionnelles, territoriales du quartier à la région en passant par la ville et les plus petits villages.
Initiateur des dahiras
Serigne Babacar Sy a été le premier à créer les « dahira ». Il initia cette première organisation religieuse dans un seul but : organiser la solidarité entre les fidèles. Pas pour des célébrations ostentatoires ou pour une quête de prestige. Mais pour que personne, au sein de la communauté, ne soit seul face à la difficulté. Ces clubs mystiques avaient pour but de participer à la formation des adeptes de la religion. Le premier est le « Dahiratoul Kiraam » de Dakar.
Les « Dahiras » sont des entités à vocation éducationnelle, de solidarité, d’entre aide, de fraternité en Islam, qui, de nos jours, sont des milieux de culture, d’éducation et de formation islamiques.Cette approche a vite fait de s’imposer comme un outil performant au service de l’Islam au Sénégal et ailleurs. De sorte qu’ils sont devenus des structures d’expression religieuse, culturelle et sociale, voire de développement économique. Car des activités y afférentes sont menées dans les « Dahiras » qui de plus en plus se muent en Organisations communautaires de base (Ocb).
Hormis son action éducative, culturelle, spirituelle, Seydy Aboubacar Sy (Rta) s’était fait distinguer dans tout ce qui contribuait au développement national qui, du reste, relève de patriotisme, tel qu’enseigné par le Sceau des prophètes, Seydina Muhammad (PSL) qui nous dit : « aimer son pays (le construire) est un acte de foi ».
Serigne Babacar Sy n’est certes plus de ce monde mais il restera à jamais le premier révolutionnaire de la Tariqa et celui qui marquera plusieurs générations de par son intelligence, son éloquence et son éternelle élégance.
Arame NDIAYE