Des tribunes bondées du champ de courses aux cercles d’intellectuels de Dakar, Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Maktoum a laissé une empreinte indélébile sur la conscience sénégalaise. Décédé en 2017, ce petit-fils de Seyyid El Hadji Malick Sy ne fut pas seulement un guide spirituel de la confrérie Tidiane ; il était un visionnaire, un homme d’affaires et un conférencier hors pair qui a su, tout au long de sa vie, bâtir des ponts entre la spiritualité et la modernité.
Dès son plus jeune âge, il s’est distingué par une érudition rare. À 16 ans seulement, il a publié son premier ouvrage, « Les Vices des marabouts », un texte percutant qui dénonçait les dérives au sein de la communauté religieuse. Cette audace a posé les bases de son rôle de réformateur. En 1950, il a fondé la « Causerie Musulmane Instructive » et lancé le journal « L’Islam éternel », offrant une plateforme de dialogue où il abordait des thèmes avant-gardistes, comme la relation entre l’islam et le socialisme.
Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy n’a jamais limité son action à la sphère religieuse. Fondateur du Parti Socialiste Sénégalais (PSS), l’un des premiers du pays, il a milité activement pour ses idéaux. Son engagement politique lui a valu des séjours en prison en 1959 et 1963, des épreuves qu’il a transformées en inspiration. C’est en détention qu’il a écrit l’un de ses plus célèbres poèmes, « Fa Ilayka ».
Loin d’être un mystique reclus, il était aussi un homme d’affaires avisé, devenant notamment actionnaire majoritaire de la Sococim, la seule cimenterie du pays à l’époque. Cette réussite matérielle illustre sa conviction que la foi et le travail ne s’opposent pas, mais se renforcent mutuellement pour le bien de la société.
De 1998 à 2011, chaque année, le Mawlid, organisé aux Champs de était le théâtre de l’une des rencontres les plus attendues du pays. Sur l’estrade, Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Maktoum, sa voix puissante et son érudition légendaire, captivait des foules immenses. Loin des sermons traditionnels, ses conférences étaient de véritables leçons d’histoire, de sociologie et de philosophie, où il revenait inlassablement sur le thème de l’unicité de Dieu.
L’intellectuel et l’homme d’action
Pour lui, la foi n’était pas une fuite du monde, mais un moteur pour l’action. Il exhortait ses disciples à être des acteurs de la réforme sociale et économique, rappelant que l’Islam est une religion de progrès et de labeur. Cette philosophie, qui conciliait l’intellect et la spiritualité, a séduit une jeunesse musulmane éduquée et en quête de sens. Il les a incités à « rénover les méthodes de pratiques religieuses » plutôt que de rester dans la passivité.
Fils de Serigne Babacar Sy et petit-fils d’El Hadji Malick Sy, Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al Maktoum a reçu une formation religieuse d’une grande profondeur. Mais son parcours ne s’est pas limité aux cercles religieux. En 1950, il fonde la « Causerie Musulmane Instructive », une des premières associations culturelles islamiques du Sénégal, et lance le journal « L’Islam éternel ».
Homme d’affaires avisé, il a également été un acteur clé du secteur privé sénégalais et a même occupé des fonctions diplomatiques. Son engagement politique et social montrait qu’il croyait profondément en l’importance d’agir sur le monde pour le transformer. En tant que Khalife général de la confrérie Tidiane, il a continué à prêcher un islam ouvert, tolérant et en harmonie avec les autres religions.
Son héritage demeure celui d’un homme qui a su incarner l’équilibre : entre la tradition et la modernité, la spiritualité et l’intellect, la foi et l’action. Il a laissé derrière lui une génération de fidèles et d’intellectuels inspirée par sa vision d’un islam dynamique et pertinent pour le monde d’aujourd’hui sous la conduite de son fils et héritier Serigne Moustapha SY Al Maktoum qui perpétue le mawlid au Champs des courses de Tivaouane ainsi que son heritage.
Cheikh Tidiane NDIAYE