Ils ont été nombreux les Sénégalais à pousser un ouf de soulagement après la décision du ministre de l’Intérieur et de la Sécurité de suspendre jusqu’à nouvel ordre la couverture sécuritaire des combats de lutte sur toute l’étendue du territoire sénégalais.
Cette mesure est consécutive aux scènes de violences et de vandalisme ayant entraîné, une fois de plus, mort d’homme suite à un combat de lutte avec frappe. Une situation déplorable qui fait perdre à la lutte traditionnelle ses lettres de noblesse. Il a été démontré que la lutte avec frappe génère une certaine déviance et une spirale de violence à l’origine d’énormes dégâts. La décision du gouvernement sénégalais de marquer un temps d’arrêt offre dès lors une bouffée d’oxygène aux populations.
Celles qui habitent aux alentours de l’Arène nationale jubilent en attendant la mise en œuvre de mesures salvatrices. Il arrive, en effet, que des activités soient mises aux arrêts ou au ralenti quelques heures avant le démarrage d’un combat de lutte. Du coup, le coup de sifflet du ministre de tutelle va éliminer, à coup sûr, le stress qui s’emparait des esprits en de telles circonstances. Les mots du ministre de l’Intérieur résonnent fort.
« Je trouve inadmissible que les gens perdent la vie dans des conditions extrêmement difficiles ». Il a réussi à soulager les populations, mais il va devoir s’attaquer à un autre mal endémique : la furie des hommes sur les routes. Elle est en train de créer une véritable saignée à Dakar. La vitesse de la croissance démographique notée dans la capitale sénégalaise, avec un renforcement du parc automobile, aurait induit une cacophonie indescriptible sur les différents axes routiers. Tous reconnaissent qu’une mauvaise conduite des hommes au volant, soutenue par l’indiscipline des chauffeurs, des motocyclistes, des « pousse-pousse » et des charretiers assombrit le tableau.
Le même scénario s’offre dans d’autres régions du pays. Tous s’arrogent le droit de jouer avec la vie d’honnêtes citoyens. Loin de se contenter de signer leur arrêt de mort, ils réduisent les espérances de vie des populations. Elles se sentent en sursis, chaque jour, sur les routes. On roule à vive allure, on se livre des courses folles, on fait fi des règles établies par le Code de la route, on se drogue avant de prendre le volant au vu et au su de tous, et puis aucune sanction…. Le « Matey » va crescendo malgré les alertes et les cris de cœur des populations sur toute l’étendue du pays. Impuissantes, elles sont contraintes d’accepter ce diktat de chauffeurs indisciplinés et insolents. Confrontées à un manque de moyens de locomotion et un difficile accès dans certaines zones, elles subissent, malgré elles, l’insolence de ces chauffards qui dictent leur loi en toute impunité. La route semble réveiller leur instinct d’assassin, de briseur de carrière et d’espoir.
Ils n’en ont cure de la mise en danger de la vie d’autrui, ils n’en ont cure également si la plaie est béante chez leurs victimes et leurs proches, si certaines familles portent difficilement les stigmates du deuil. Ils continuent de tuer sur les routes malgré les mesures de coercition. Ce genre d’individus qui amputent des membres et abrègent des vies semblent être dépourvus du sens civique. Comme si la vie de l’humain n’a aucune valeur à leurs yeux. Depuis des années, il est remis sur la table sur la nécessité de faire un « ndeup salvateur » et d’engager des discussions fécondes entre les différents acteurs intervenant dans le secteur. Mais l’arbre à palabre n’a pas encore produit de résultats tangibles, voire satisfaisants, aux yeux des populations. Or, les experts sont formels : la discipline demeure le substrat de la réussite pour tout pays qui aspire à émerger. Avec l’avènement du nouveau régime porté par des jeunes, les Sénégalais, dans leur majorité, espèrent que le vent du changement insufflé va assainir le secteur routier.
En prenant l’option de ne pas s’inscrire dans une logique électoraliste, l’État entretient l’espoir de tout un peuple qui souhaite un coup de balai sur les routes…
Par Matel BOCOUM
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