Les violentes manifestations du mercredi 16 février 1994 survenues en marge du rassemblement de la Coordination des forces démocratiques (Cfd), une coalition de l’opposition, regroupant cinq partis politiques et dirigée par le leader du Parti démocratique sénégalais (Pds), Me Abdoulaye Wade, ont officiellement couté la vie à 06 policiers et un civil.
16 février 1994-16 février 2025 : 31 ans que le Sénégal, dans sa longue marche vers la démocratie et l’Etat de droit, a vécu des événements tragiques. Lors d’un rassemblement sur les Allées du centenaire 06 policiers et un civil ont perdu la vie. Pris au piège des manifestants qui parvinrent à déjouer le plan en escalier mis en place pour les contenir, les forces de l’ordre ne purent résister à leur furie. Ainsi, six policiers ont été tués dans leur véhicule, un car « Saviem » stationné sur le Boulevard à hauteur du Rond-point du siège de l’Agence nationale de la Banque centrale des Etats de l’Afrique (Bceao), angle 11 Médina rebaptisé « Place El Hadj Mansour Mbaye », fut incendié et complètement calciné. Une scène macabre que ce corps du Groupement opérationnel de Dakar (God) d’intervention de la police n’a jamais enregistré depuis sa création.
Par devoir de mémoire, une stèle a été érigée dans l’enceinte du Camp Abdou Diassé pour immortaliser ces vaillants serviteurs de la Nation avec la mention : « Morts pour : le maintien de l’ordre public et la défense des libertés publiques ». On enregistre aussi, selon la version officielle, un civil tué à l’arme blanche. Il y a eu aussi des dizaines de blessés et près de 150 personnes, parmi lesquelles une centaine de membres du mouvement de la « Dahiratoul Moustarchidina Wal Moustarchidaty » dont Serigne Pape Malick Sy. Des leaders de l’opposition, ont été arrêtées à Dakar et dans d’autres villes comme Saint-Louis et Thiès les 24 et 25 février 1994 ; près de 10 jours après la marche violente et inculpées d’atteinte à la sûreté de l’Etat. La rencontre a été organisée à l’initiative de la Coordination des forces démocratiques (Cfd) regroupant 5 partis politiques de l’opposition d’alors. Ce fut un rassemblement autorisé par l’autorité administrative à la rue 25-angle Boulevard Général De Gaulle, en plein mois de Ramadan pour manifester contre la politique d’austérité économique suite à la dévaluation du franc Cfa.
La manifestation conduite par Me Abdoulaye Wade et appuyée par les disciples de la « Dahiratoul Moustarchidina Wal Moustarchidaty » fortement mobilisés, et dont le responsable moral, Serigne Mouhamadou Moustapha Sy, était condamné le 14 janvier 1994 à un an de prison pour troubles de nature à discréditer l’Etat pour avoir dénoncé publiquement, lors d’un meeting du Pds, les trois crises qui symbolisaient, selon le guide religieux, le régime du président Abdou Diouf. Il ne sera libéré que le 12 septembre 1994 suite à une grâce présidentielle. Au décompte final de cette journée noire où le Sénégal a frôlé le chaos institutionnel, le bilan matériel et humain fut très lourd, en plus des nombreux blessés graves.
Dans un communiqué publié le mercredi soir, le gouvernement a « condamné énergiquement ces actes de vandalisme qui ne peuvent en aucun cas déstabiliser les institutions et annoncé que les auteurs seront recherchés, arrêtés et punis ». Selon un rapport intitulé « Arrestations massives et torture », la section sénégalaise de « Amnesty International » estime que « près de 150 personnes ont été arrêtées en février 1994 et inculpées d’atteinte à la sûreté de l’Etat ». L’arrestation de parlementaires est marquée par la violation de procédures judiciaires relatives à l’immunité parlementaire. En effet, le 18 février 1994, Me Abdoulaye Wade et Landing Savané – respectivement secrétaires généraux du Pds et du Parti africain pour la démocratie et le socialisme (Pads) – ont été arrêtés à leur domicile par la police. Au cours des jours suivants, un troisième député, Pape Oumar Kane du Pds, et deux autres militants du même parti ont également été incarcérés à la prison centrale de Dakar. Les cinq ont été inculpés d’atteinte à la sûreté de l’Etat… A la faveur d’une grâce présidentielle, les leaders arrêtés seront libérés quelques mois plus tard après avoir entamé une grève de la faim. Toutefois, à la date d’aujourd’hui, il n’y a toujours pas de coupable.
Mamadou lamine DIEYE