Le magal de Porokhane, célébré ce jeudi 6 février, est un événement religieux unique au Sénégal, étant le seul dédié à une femme. Chaque année, il attire des milliers de disciples venus rendre hommage à Sokhna Mame Diarra Bousso, mère de Serigne Touba Khadim Rassoul. Retour sur la vie exceptionnelle de cette dame, figure centrale de la confrérie mouride.
À la différence des autres magals de la communauté mouride, celui de Porokhane ne suit aucune date fixe. Il est célébré à une période variable, choisie par la famille de Serigne Mouhamadou Bassirou Mbacké, avec l’accord du khalife général des Mourides. Ce Magal est l’occasion de rendre hommage à la Sainte Mère de Serigne Touba, Khadimou Rassoul.
Née Mariama Bousso en 1833 à Golléré, petite localité du Fouta, elle descend d’une lignée chérifienne, remontant à l’Imam Hassan, fils de Ali. Sa famille, à la fois maternelle et paternelle, était reconnue pour son savoir en sciences coraniques et sa piété. Sous l’autorité de sa mère, Soxna Asta Wallo, elle acheva, à l’âge de 14 ans, la rédaction de son premier Muçhaf (copie du Saint-Coran). Bien que sa vie ait été courte (33 ans), elle rédigea plus de 40 copies du Coran, sa calligraphie étant très prisée.
Appelée « Diaratoullah » (la protégée d’Allah), Mame Diarra Bousso incarna la piété pure. Son amour et son respect pour Allah étaient inébranlables, et elle pratiquait de nombreux actes surérogatoires. Selon Abdallah Fahmi, chercheur en sciences islamiques et talibé mouride, sa piété familiale et conjugale étaient des modèles pour ses contemporains.
Les familles Bousso et Mbacké, originaires de Mauritanie, se sont installées successivement au Fouta puis dans le Baol, jouant un rôle clé dans la propagation de l’islam au Sénégal. Mame Diarra, en particulier, marqua profondément Serigne Touba, contribuant à son éducation et à son parcours spirituel.
Sokhna Mame Diarra Bousso fut la deuxième épouse du marabout Momar Anta Sali Mbacké, et elle est particulièrement vénérée par les Mourides. C’est son petit-fils, Serigne Mouhamed Bachir Mbacké, père de l’actuel khalife général, qui découvrit sa tombe. Selon Abdallah Fahmi, Serigne Mouhamed Bachir, accompagné d’un berger, retrouva l’emplacement de son tombeau. Par la suite, il demanda à Serigne Moussa Ka de rester dans le village, où les conditions de vie étaient particulièrement difficiles. Il fit construire des habitations, donnant ainsi naissance à la ville de Porokhane. Ce développement fut poursuivi par la famille de Serigne Bassirou, et Serigne Mountakha acheva l’urbanisation.
Le Magal de Porokhane met en lumière le rôle fondamental de la femme dans l’islam, un rôle souvent sous-estimé dans les récits traditionnels. Célébrer Sokhna Mame Diarra Bousso, c’est honorer la place primordiale des femmes dans le monde musulman et leur contribution à l’éducation spirituelle et religieuse.
S. GUEYE