Le noyau dur, compact et solidaire de la famille sénégalaise n’est plus ce qu’il était auparavant. Aujourd’hui, selon les personnes interrogées dans les rues de Dakar sur cette question, la solidarité familiale semble avoir disparu. L’argent, la conjoncture et l’individualisme sont autant de facteurs qui fracturent les liens de sang. Toutefois, pour d’autres, cette fraternité reste bien vivante.
Comme dans la plupart des pays africains, les sociétés vivent autour des familles élargies, qui forment des blocs solides et un écosystème favorable à l’épanouissement de chaque membre. Cependant, il est à noter qu’aujourd’hui, pour certains, ce n’est plus le cas.
« La solidarité familiale n’existe plus de nos jours. Avant, les gens au sein d’une même famille s’aimaient. Les pères de famille avaient une certaine responsabilité et les femmes étaient aussi soumises de telle sorte qu’on se soutenait tous à la maison », confie le vieux Sogui Dia, retraité, rencontré à Dakar, à quelques mètres du ministère de l’Intérieur. Assis à l’ombre d’un arbre bordant la rue, habillé d’un jallabé blanc, il poursuit : « De nos jours, au sein des familles, chacun s’occupe de ses propres problèmes. On peut être des mêmes parents et ne pas s’entraider. On ne se soucie même pas de nos propres frères et sœurs. Pire, même si l’on tombe malade, personne ne nous aide. Les gens préfèrent maintenant soutenir leur belle-famille plutôt que leur propre famille. C’est vraiment désolant, car c’est ce qui conduit à la dislocation des familles. Nous ne sommes plus soudés. »
À l’instar du vieux Sogui, Mané Diop, la soixantaine passée, reconnaît que le noyau familial au Sénégal commence malheureusement à se disloquer. « Avant, on allait rendre visite à nos parents de temps en temps. Maintenant, les temps sont tellement durs que nous sommes tous obsédés par la dépense quotidienne. Nous sommes guidés par notre désir de choses matérielles, au point de ne même plus nous préoccuper de nos propres frères. Or, c’était tout le contraire pour nos parents, qui n’étaient pas aussi attachés au luxe. C’est la conjoncture qui l’exige », renchérit cette vendeuse de fruits au marché Sandaga.
Mariages, baptêmes et décès : les seuls moments de retrouvailles
Tous obnubilés par la quête du profit au détriment de la préservation des liens familiaux, Mère Mané, comme l’appellent ses habitués, souligne que les seuls moments où les familles se réunissent maintenant sont lors des cérémonies familiales telles que les mariages, les baptêmes ou les décès. « Sinon, chacun se préoccupe de comment entretenir sa famille au quotidien », note-t-elle en rangeant ses cartons de fruits vides un à un.
Contrairement au vieux Sogui Dia et à Mère Mané, Lamine Diop, lui, soutient que la solidarité familiale existe toujours au Sénégal. « Pourtant, les gens restent solidaires au sein des familles sénégalaises. Tout dépend des parents, car ce sont eux qui tracent la voie que les enfants doivent suivre. S’ils inculquent des valeurs telles que la solidarité, le partage, l’entraide, la sympathie…, les enfants vivront ainsi, même après le départ de leurs parents », témoigne ce natif de Dakar, principalement de la rue Lamine Gueye. « Personnellement, au sein de ma famille, nous vivons en paix. Nos enfants se connaissent, et même nos petits-fils. C’est un héritage familial que nous préservons jusqu’à aujourd’hui. De temps en temps, nous organisons des réunions familiales, des moments de retrouvailles qui nous permettent de renforcer nos liens de sang », précise-t-il.
Mariama DIEME