Il n’est certes pas une obligation religieuse, ni un des piliers du ramadan, mais le sukëru koor (littéralement : sucre du ramadan), tradition sénégalaise, s’est imposé dans la société aussi bien chez les dames que chez les hommes. Ces derniers, à chaque mois de jeûne, s’acquittent de ce devoir envers leur belle-famille et leurs parents et, cela, malgré la conjoncture.
Au Sénégal, le don du sukëru-koor n’est pas uniquement réservé aux femmes. En cette période de ramadan, les hommes aussi déboursent des montants parfois conséquents pour honorer cette tradition sénégalaise. « C’est des sommes qui peuvent différer en fonction de la conjoncture ou des prévisions. Parfois, c’est de l’argent qu’on donne, parfois des paniers « ndogu » (pack alimentaire) accompagnés d’une petite somme. L’essentiel est qu’on respecte cette tradition et voilà, c’est presque devenu une habitude, pour ne pas dire quelque chose qui s’impose à nous », confie Cheikh Diakité, un fonctionnaire marié depuis plus de 12 ans. Interpellé sur l’enveloppe qu’il débourse chaque mois de ramadan, notre interlocuteur indique que pour sa belle-famille, il décaisse jusqu’à 50 000 Fcfa et le même montant est alloué à ses propres parents. « Si on donne des paniers de « ndogu », on peut donner peut-être à chacun 10 000 Fcfa ou 15 000 Fcfa en plus. Au minimum, c’est quasiment une enveloppe de 100 000 Fcfa qu’il faut dégager pour le sukëru-koor », rapporte-t-il.
Si Cheikh se donne autant de peine pour satisfaire ses parents et sa belle-famille pendant le ramadan, c’est parce que, dit-il, ces derniers « ont eu à lui rendre service directement ou indirectement durant l’année ». Donc, pour lui, ce geste est une sorte de reconnaissance à leur égard.
A l’instar de Cheikh, Mamadou Diaby Mbaye ne rate pas l’occasion de renforcer les liens avec sa belle-famille pendant le mois de ramadan. « Moi, je le donne à ma belle-famille juste pour raffermir nos liens. Toutefois, ce n’est pas obligatoire. Il arrive aussi que je donne de l’argent à ma femme pour qu’elle puisse donner le sukëru koor. L’essentiel est qu’elle le fasse juste dans le but de souder la famille et non pas pour du voyeurisme », avoue cet homme de tenue. Parce qu’actuellement, poursuit M. Mbaye, avec la tournure qu’a prise le phénomène, c’est devenu une sorte de « concurrence » entre les belles filles. « Certaines vont jusqu’à donner des parures en or. Alors qu’à la base ce n’est pas le principe. Car, le sukëru koor n’est pas une obligation. Ce n’est pas un des piliers du ramadan. On doit normalement, le donner aux nécessiteux, particulièrement nos voisins et de préférence, cela doit être des vivres. Mais, au Sénégal, les gens pensent que le sukëru-koor c’est uniquement aux belles familles. Or, tel n’est pas le cas. Ce n’est pas ce que nous recommande la religion », se désole ce père de famille.
Même s’il perpétue cette tradition grâce à ses parents, Pape Ousmane, lui, note qu’il le fait aussi par obligation sociétale. « Je donne le sukëru koor parce que j’ai vu mes parents le faire. Ce qui m’a le plus marqué c’est qu’une année, mon père a même offert un poste téléviseur à ses beaux-parents en guise de sukëru koor. Donc, je fais pareil pour mes beaux-parents, et à ma grand-mère paternelle. Mais, je le donne juste par feeling. Il y a même une année, où cela m’a exaspéré et je n’ai rien fait. Et actuellement, avec la conjoncture ce n’est pas évident. Mais, je suis obligé de le faire », fait savoir ce jeune marié trentenaire.
Mariama DIEME