Aujourd’hui, c’est la fête de la Tabaski. Et comme chaque année, certains en profitent pour se faire un maximum d’argent. À côté des vendeurs de tissus et des tailleurs, il y a les dépeceurs occasionnels qui profitent également de la fête du mouton pour se remplir les poches.
Quand arrivent les événements festifs, il ne faut pas avoir l’âme moutonnière. Et afin d’éviter de tomber dans des activités prisées par la majorité, certains ont trouvé une astuce : utiliser le bouche-à-oreille pour faire savoir qu’ils peuvent venir dépecer le mouton contre rémunération. Et quand ils tombent sur une famille dont les chefs sont soit absents, soit dans l’incapacité d’accomplir le sacrifice eux-mêmes, ils en salivent d’avance à l’idée de proposer leurs services.
En ce samedi, jour de Tabaski au Sénégal pour la majorité, c’est l’occasion rêvée pour ces bouchers occasionnels. Ibrahima, qui a fait de cette activité son gagne-pain pour deux jours (la Tabaski est célébrée vendredi et samedi au Sénégal, NDLR), touche le jackpot. « J’ai l’habitude d’égorger les moutons, les poules et autres animaux depuis que je suis jeune. Je ne veux pas me vanter, mais je peux dire que je suis un expert. Je profite donc de mes talents pour me faire de l’argent et amortir les dépenses effectuées pour cette fête », sourit-il.
Cet homme de 37 ans, qui a appris à manier le couteau aux côtés de son géniteur, se fait quelques sous. « Ce que je gagne ? Cela dépend des clients. Je peux demander 5 000 francs CFA par mouton à ceux que je connais. Mais pour d’autres, en fonction de la taille du bélier, je peux toucher 10 000 ou 15 000 francs CFA par tête », soutient-il.
Par souci d’organisation et d’efficacité, certains ont trouvé une autre astuce : le travail en équipe. Ils s’organisent en groupes de deux, trois, voire quatre, et enchaînent les maisons. Puis, à la fin de la journée, ils se répartissent l’argent en parts égales.
L’occasion fait le larron
Vêtu d’un short qui arrive à peine aux genoux et d’un tee-shirt qui, dans une autre vie, a sans doute été blanc, Souley tient un couteau dans chaque main. Il frotte les lames pour les aiguiser. Le contact produit un son strident, alors qu’à côté, deux béliers sont attachés, ignorant sans doute le sort qui les attend. Le « boucher », aidé par ses clients, sépare les deux animaux pour qu’aucun ne voie le sort réservé à l’autre. Magnanimité ou simple précaution pour ne pas affoler la bête ? Qu’importe : Souley s’occupe du premier, puis du second, en quelques minutes. Ensuite, il s’attaque au dépeçage. Ses lames séparent parfaitement la peau de la chair, avec une précision presque machinale. « On dirait que vous avez fait ça toute votre vie », plaisante un garçon d’une quinzaine d’années. Souley sourit pour valider la blague du gamin, avant de rétorquer : « Pourtant, toi aussi tu peux faire ça. Il suffit de t’entraîner. »
Sa besogne accomplie, Souley encaisse 20 000 francs CFA. « Certains peuvent facilement sortir 20 000 francs de leur poche. Mais pour moi, c’est presque le gros lot. Je n’ai pas de travail fixe. Donc, jouer les bouchers me permet d’assurer ma survie pour les prochaines semaines. Et là, j’ai encore d’autres clients qui m’attendent dans les quartiers environnants », confie-t-il. Les deux couteaux en main, il remercie ses clients et prend le chemin des prochains moutons à dépecer. Comme quoi, chacun peut trouver son gagne-pain les jours de Tabaski. Enfin… sauf le mouton, peut-être.
Oumar Boubacar NDONGO