Le 8 mars est désormais une date symbolique, célébrée partout dans le monde comme la Journée internationale des droits des femmes. Cette journée, officiellement reconnue par l’Organisation des Nations unies (Onu) depuis 1977, est un moment de réflexion, de sensibilisation et de mobilisation pour les droits des femmes, l’égalité des sexes et la justice sociale. Mais si ce 8 mars s’inscrit dans un cadre global, il mérite d’être réinterprété, notamment dans le contexte sénégalais.
En effet, au Sénégal, une autre date, le 7 mars, revêt une importance particulière et doit être mise en lumière : celle de la commémoration du « Talatay Nder » (le mardi de Nder). Le 7 mars 1820, un événement tragique mais héroïque eut lieu dans ce village situé dans la région du Walo. Des femmes, des Linguères, se sacrifièrent en s’immolant par le feu pour sauver l’honneur de leur communauté, refusant de se soumettre à l’humiliation. Elles se sont battues, non seulement pour la préservation de leur dignité et de leur liberté, mais aussi pour l’indépendance de leur territoire, dans une résistance farouche face à l’oppression. Cet acte de bravoure, profondément inscrit dans la mémoire collective, n’a pas encore été célébré à sa juste mesure, comparé à la célébration mondiale du 8 mars. Pourtant, « Talatay Nder » incarne des valeurs de résistance, de dignité et de courage qui résonnent bien au-delà de l’histoire locale. Ce sacrifice est d’une portée symbolique indéniable.
Il rappelle que, loin des célébrations mondialisées de la Journée des femmes, l’histoire sénégalaise recèle des récits puissants de femmes qui ont payé de leur vie pour la liberté et l’honneur. Heureusement, il est constaté que certaines voix influentes réclament de plus en plus la mise en avant de cette journée du 7 mars, considérée comme plus authentique dans le cadre de la lutte des femmes sénégalaises. En effet, en rendant hommage à ces héroïnes, notre pays affirme une vision propre de l’émancipation féminine, loin des représentations importées qui peuvent parfois être réductrices.
Le 8 mars, bien qu’il symbolise un combat global pour les droits des femmes, doit coexister avec une reconnaissance locale, fondée sur la spécificité de l’histoire et des luttes du pays. Aujourd’hui, des institutions comme l’Assemblée nationale ont commencé à porter cet héritage en commémorant, hier, l’événement et en rendant hommage aux courageuses dames.
Ce geste doit se généraliser. À Dagana, la statue de Ndatte Yalla, dernière reine du Walo, rappelle la noblesse de cette résistance féminine. Érigée à la place de l’indépendance, cette statue est un monument vivant de la mémoire historique et culturelle du Sénégal. Ce lourd héritage doit alors être préservé. Mais au-delà de la commémoration, il est impératif que ce village mythique, cœur de la résistance des femmes du Walo, reçoive l’attention qu’il mérite. Aujourd’hui, Nder, comme bien d’autres localités, semble en proie à l’abandon. Selon un reportage de Le Soleil Digital, cette région est laissée à elle-même, oubliée par les autorités, malgré son importance historique et symbolique.
Si l’État ne prend pas de mesures concrètes pour préserver et valoriser ce patrimoine, cette mémoire collective risque de disparaître avec les années, tout comme d’autres endroits qui ont joué un rôle crucial dans l’histoire du pays. Ainsi, la commémoration du « Talatay Nder » ne doit pas se limiter à un acte symbolique ponctuel. Il doit s’inscrire dans une dynamique de préservation et de valorisation de l’histoire locale. Au-delà des discours, il est nécessaire de mettre en place des politiques publiques et des projets de développement qui permettront de maintenir vivantes ces mémoires. Il en va de la dignité de notre histoire, de l’avenir des femmes sénégalaises, et de la construction d’une société plus juste et plus égalitaire. salla.gueye@lesoleil.sn