À l’heure où certaines localités du pays sont confrontées aux inondations, les habitants de la cité « Tawfekh Yaakar » dans la commune de Tivaouane Peulh s’inquiètent. Installés dans la zone depuis 2012, pour la plupart, ils avaient bénéficié du projet de recasement des personnes impactées par les inondations durant les années 2007-2008. À présent, l’absence d’infrastructures routières et d’assainissement accentue l’enclavement de la cité ainsi que les risques d’inondations.
Sous un soleil ardent, le bus de transport en commun dénommé « Tata » arrive au marché Tivaouane Peulh. Le ciel encore éclatant tente de se démettre de quelques bulles de nuages prêtes à tomber sur terre à tout moment. Malgré l’intensité des rayons du soleil, l’on croirait qu’il n’a pas cessé de pleuvoir sur la commune. Le bus de la ligne 81 prolonge la route du marché, destination cité Tawfekh (plus connue sous l’acronyme cité Socabeg).
Une partie de la route Tivaouane Peulh-Namora est dans un état de délabrement avancé. Le véhicule est secoué dans tous les sens. Mais le calvaire est à son comble quand le bus prend la direction « Tawfekh Yaakaar ». L’on se croirait bien être dans l’une des localités situées aux extrémités du pays, prêtes à la découverte. Le bus roule à juste une trentaine de kilomètres de Dakar, ce 24 août 2025. Il vogue sur des routes latéritiques impraticables. « Vous voyez, c’est ce que nous endurons tous les jours et en toute période. Les routes sont difficiles », s’indigne Khadija Baldé, une résidente de la cité Tawfekh assise en face du receveur.
Après un trajet chaotique, la grosse caisse blanche atteint la cité Tawfekh. Il est constitué de 8 quartiers d’après Ousmane Ndiaye, délégué d’un des quartiers baptisé « Marième Faye Sall ». À l’entrée de la cité jusqu’à l’extrémité des champs, le sol rouge contraste avec les habitations modernes de toutes dimensions. Des maisons R+2, R+3 bordent de grandes rues bien dégagées. Malgré la largeur des rues, aucune canalisation ni infrastructure n’est visible. La cité Tawfekh ne dispose pas de routes goudronnées ni de système d’assainissement comme la cité Apix, située de l’autre côté de Tivaouane Peulh.
M. Ndiaye a indiqué que le processus de recasement des sinistrés des inondations de 2007-2008 devait aboutir en 2016 avec la construction d’infrastructures nécessaires et d’un système d’accès à l’eau et à l’électricité. Toutefois, ajoute-t-il, aucun de ces différents projets n’a abouti. En outre, le délégué de quartier a informé qu’en 2018, après un point de presse, la cité a pu obtenir un marché et une brigade de gendarmerie ainsi qu’un arrêt des paiements pour les maisons de relogement social.
L’absence d’assainissement pourrait être une source d’inondations d’ici 10 à 15 ans, remarque Abdoul Aziz Diop, informaticien de formation. Présent à la quincaillerie en face de l’unique pharmacie de la cité, il déclare : « Vous avez vu par vous-même comment sont les quartiers. Au fur et à mesure que la localité s’agrandit, nous aurons des problèmes d’inondations comme les autres endroits puisque nous ne disposons pas de réseau d’assainissement. Enclavement, défaut d’assainissement, insécurité… Si tous les espaces vides sont construits, l’eau n’aura plus de chemin, donc nous aurons des problèmes d’inondations comme Thiaroye, et l’État sera obligé de réfléchir à nouveau sur un autre endroit où nous reloger ».
Alors que leurs maisons sont envahies par les eaux de pluie, un projet de relogement à Tivaouane Peulh est mis sur pied par l’État du Sénégal. « J’habitais à Boune. C’est en 2013 que je suis venu ici à cause des inondations », déclare Mame Iba Niang, occupé à couper des bois de sapin éparpillés sur la table de travail. Derrière lui, lit-on sur un tableau cloué au zinc faisant office de mur : « Menuiserie… ». « Vous voyez l’eau, elle n’entre pas encore dans les quartiers, mais elle stagne ici », fait-il constater.
Son atelier de menuiserie fait face à une flaque d’eau rougeâtre qui s’étend au milieu du chemin. Ainsi, sous un regard fixe, un bus en commun de la ligne 81 traverse la route avec peine. Au manque criant d’infrastructures routières et d’assainissement de la cité Tawfekh s’ajoutent un déficit d’éclairage public et le problème d’insécurité. Selon M. Ndiaye, 5 à 6 quartiers n’ont pas d’éclairage public alors que des poteaux sont bien installés depuis belle lurette. C’est l’exemple du quartier Unité 3, pointe du doigt Abdoul Aziz Diop.
Résidant dudit quartier, il argue : « Tout est lié. Celui qui n’a pas un éclairage public ne peut pas avoir une sécurité. Celui qui n’a pas une route, une accessibilité, ne peut pas avoir une sécurité. Celui qui n’a pas un assainissement ne peut pas avoir une sécurité. Parce que quand les inondations arrivent, c’est le manque de sécurité totale qui s’installe ». Sur le plan sécuritaire donc, la situation n’est guère plus reluisante. À la sortie du bureau du commandant Sow de la Gendarmerie de la Cité Tawfekh, un jeune garçon d’une vingtaine d’années, de taille mince et des menottes aux mains accompagné d’un gendarme, attire les regards.
C’est à cause de l’insécurité que cette brigade a été installée dans la zone, a déclaré le chef de la brigade. Des cas d’agressions, de vols, ainsi que des jeunes qui s’adonnent à la consommation de drogue sont récurrents d’après les habitants rencontrés. Mais, ils affirment que les cas d’agressions ont diminué depuis l’ouverture de la brigade de Gendarmerie.
Aïda GUEYE