Les premières fouilles archéologiques menées à Thiaroye ont livré des résultats édifiants sur les victimes enterrées, selon le Pr Moustapha Sall. Le président de la sous-commission Archéologie a assuré que les premières sépultures exhumées confirment l’existence de victimes du massacre du 1er décembre 1944 avec des traces de violences multiples.
« Les résultats des fouilles tests sont extrêmement encourageants », a déclaré, hier, le Pr Moustapha Sall, président de la sous-commission Archéologie, lors de la conférence de presse du Comité de commémoration du massacre de Thiaroye. Les fouilles archéologiques menées sur le site du cimetière militaire confirment que les tombes ne sont pas symboliques comme certains l’avaient soutenu, « il existe bel et bien des sépultures », dit le Pr Sall. « Les hypothèses de cénotaphes, autrement dit de tombes vides, ont été levées », ajoute-t-il. Lors de la campagne archéologique menée sur le site du camp Thiaroye, les chercheurs se sont penchés sur une question essentielle : les 34 tombes identifiées comme celles des tirailleurs massacrés le 1er décembre 1944 correspondent-elles réellement aux victimes de cette tragédie? « Compte tenu du temps limité qui nous était imparti, nous avons opté pour un sondage test », explique-t-il. Ce sondage a porté sur un échantillon de 202 tombes, dont le premier lot de 34 avait jusque-là été présenté comme celui des victimes. Un second lot de 84 tombes a également été examiné, tandis que d’autres emplacements restaient exclus du périmètre initial. Les chercheurs, poursuit le président de la sous-commission Archéologie, ont concentré leurs analyses sur les 34 tombes supposées abriter les restes des tirailleurs, en prenant comme repère un élément témoin, le « bava », censé indiquer le lieu d’inhumation. Une coupe transversale a été réalisée sur trois rangées : trois tombes dans la première, deux dans la deuxième et une dans la troisième. Pour l’archéologue, l’objectif de cette démarche était de vérifier les hypothèses avancées auparavant. « Les premiers résultats se révèlent extrêmement encourageants et ouvrent la voie à une meilleure compréhension de la topographie réelle du lieu d’inhumation », analyse-t-il.
Des violences sur les corps des victimes
Le chercheur informe que les investigations ont aussi mis en évidence la coexistence de plusieurs pratiques d’inhumation. « Le cimetière, est un réceptacle de plusieurs pratiques d’enterrement qui peut traduire plusieurs types de massacres », remarque-t-il. Certaines victimes ont été enterrées à même le sol, d’autres dans des coffrages en bois, dont les traces demeurent visibles dans le sol bien que « biodégradables ». Selon M. Sall, les premières fouilles confirment également que les corps découverts sont complets : « Ce sont des sépultures primaires, les individus ont été enterrés entiers, mais certains membres manquent, preuve que les corps ont été déposés déjà mutilés. Pour qui c’est une côte qui manque, pour d’autres, le ventre, etc. » Poursuivant, Pr Moustapha Sall, a dévoilé que l’équipe prévoit désormais d’approfondir les recherches par des analyses anthropologiques et génétiques afin d’identifier les victimes. Selon lui, l’enjeu est de taille car permettant d’établir la vérité scientifique sur l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire coloniale. « Nous allons poursuivre avec des études d’Adn, car le contexte de conservation le permet. Nous pourrons alors déterminer qui ils étaient et compléter la cartographie du site grâce à un radar de sol », a annoncé le chercheur. Ces travaux, selon lui, ouvrent une perspective nouvelle pour comprendre l’ampleur du massacre. «Chaque squelette raconte une histoire de violence. À partir de ces fouilles, nous commençons à poser d’autres problématiques sur le lieu exact des exécutions, les méthodes employées et l’identité des victimes», a terminé Pr Moustapha Sall.
Souleymane WANE