Mbacké et Touba, deux villes intimement liées par l’histoire et la foi. Entre elles circule un mode de transport bien particulier : les véhicules dits « Mbacké–Touba ». Populaires, accessibles et ancrés dans la mémoire collective, ils font aujourd’hui face à de nombreux défis, entre vétusté, conditions de travail précaires et routes dégradées.
MBACKÉ – Les véhicules « Mbacké–Touba » se distinguent par leur arrière transformé en cabane pouvant accueillir jusqu’à douze passagers. Ce modèle, selon la mémoire locale, remonte à l’époque du troisième khalife général des mourides, Serigne Abdou Lahad Mbacké, qui l’avait remis au goût du jour après une première initiative soutenue par Serigne Fallou Mbacké, son prédécesseur. « Malgré les résistances de l’époque, Serigne Fallou avait permis aux chauffeurs de s’installer et de travailler », rappelle Fallou Sylla, ancien conducteur devenu commissaire aux comptes du regroupement. Sur le trottoir, sac à la main, Ngoné attend son véhicule pour rejoindre le marché Ocass de Touba. Comme elle, des milliers de commerçants et de travailleurs empruntent chaque jour ces voitures bondées. Leur principal atout : la rapidité et un prix fixe de 100 FCfa, déterminé par les autorités et les acteurs du secteur. Des conditions de travail précaires « Ce tarif ne doit pas être augmenté », insiste Khadim Thioub, vice-président du regroupement des chauffeurs. L’organisation compte 334 membres, dont seulement 130 véhicules circulent quotidiennement.
Chaque jour, les chauffeurs versent 500 FCfa de taxes à Touba et 300 FCfa à Mbacké, contribuant ainsi à l’économie locale. Derrière cette utilité sociale se cache pourtant une réalité plus dure. « Le travail est difficile. Nous n’avons ni contrat ni sécurité », déplore Serigne Mbacké Diagne, chauffeur. Beaucoup passent leur vie à conduire sans jamais devenir propriétaires de leur véhicule. Les salaires, compris entre 30.000 et 60.000 FCfa par mois, suffisent à peine pour vivre décemment. À cela s’ajoute l’insécurité : contrôles fréquents, risques d’arrestation, absence de protection sociale et de perspectives à la retraite. Autre obstacle majeur : l’état des routes. Entre la mairie de Touba et la station Elton de Mbacké, le trajet est devenu presque impraticable, surtout en saison des pluies.
« Beaucoup de chauffeurs évitent ce tronçon », explique Fallou Tambédou, chauffeur. La baisse de fréquentation durant l’hivernage, période où la population se consacre à l’agriculture, accentue encore la crise. Face à ces difficultés, les acteurs du secteur réclament une réforme en profondeur. « Nous voulons des véhicules modernes pour répondre aux besoins des usagers, surtout des élèves », plaide Khadim Thioub. Les chauffeurs, eux, se disent prêts à s’adapter à de nouveaux modèles, plus sûrs et plus confortables. Tous appellent l’État et les bailleurs de fonds à soutenir la modernisation de ce transport devenu vital pour la population. Au-delà de l’axe Mbacké–Touba, l’enjeu est plus large : améliorer les conditions de travail, sécuriser les revenus et moderniser les infrastructures. La refonte de ce secteur pourrait inspirer d’autres villes sénégalaises confrontées aux mêmes défis de mobilité urbaine et périurbaine.
Par Birane DIOP (Correspondant)