Originaire de Bargny, Oumy Gueye alias OMG s’est imposée dans un milieu longtemps dominé par les hommes. Entre punchlines engagées, combats pour l’égalité et initiatives sociales, la rappeuse fait rimer musique et militantisme, tout en inspirant une nouvelle génération d’artistes féminines
« Le milieu détermine l’individu », dit-on. Assurément. La trajectoire de Oumy Gueye, plus connue sous le nom d’OMG, en est la parfaite illustration. Son histoire avec la musique a commencé en voyant sa sœur et son oncle rappeur à l’œuvre. C’est justement dans ce genre musical qu’elle s’identifie pleinement. Elle tombe rapidement sous le charme de rappeurs tels que Nix, Awadi ou encore Carlou D.
La jeune passionnée commence à mettre sur papier les textes de ses modèles. Ce style est une façon pour la ressortissante de Bargny, de se dévoiler dans un cercle où la parole vaut de l’or. Il est une manière de pouvoir évacuer certains sentiments à travers le rap. « J’apprenais à maîtriser les textes et je me suis vue dans ce style. Il me correspondait, car c’est une musique qui est informatrice, éducatrice et qui permet de dire ce que tu penses en toute liberté », explique-t-elle avec une pointe de fierté perceptible au ton de sa voix. Cette voix, Oumy Gueye en fera sa force. Née dans une famille lébou « très conservatrice », la ressortissante de Bargny, va tout faire pour se frayer sa voie.
Rythme de la passion
L’aventure musicale commence avec des amis rappeurs en 2009. Ces derniers, sous le charme de son timbre vocal, vont lui proposer une collaboration. Le titre « Take It Easy » prend ainsi vie. Doucement, mais sûrement, Oumy Gueye commence à enchaîner les punchlines. Elle passe à la radio, tout en poursuivant ses études. Tout se passe sans fausse note, jusqu’au jour où on lui propose de tourner une vidéo. « J’appréhendais la réaction de mon père. Je ne voulais pas qu’il me voie à la télé sans sa permission », se rappelle-t-elle. La passionnée de musique finit par parler de vive voix à son père de son amour pour cet art. Compréhensif, il lui propose de continuer à rapper, tout en poursuivant ses études.
La rappeuse respecte le deal. Après son baccalauréat, elle atterrit à la Faculté des sciences économiques et de gestion (Faseg). Sa licence en poche, l’artiste enchaîne avec une formation de trois ans en journalisme et communication, à l’Institut supérieur des sciences de l’information et de la communication (Issic). Oumy Gueye avoue avoir eu du mal à suivre le rythme. « Ce n’était pas évident de mixer études et musique », confie-t-elle. Cependant, il en faut plus pour démonter celle qui veut faire entendre sa voix à travers le rap.
Trois fois meilleure hiphopeuse
Le rap a été la mélodie du bonheur pour Oumy Gueye. Au fil des ans, et au rythme des rimes, elle gagne en visibilité et en confiance. Son talent et son originalité commencent à être reconnus par ses pairs. « J’ai gagné trois fois le trophée de la meilleure hiphopeuse, en 2017, 2018 et 2019. C’était une vraie fierté », dit-elle avec émotion. Cette consécration a été d’abord une occasion pour elle de montrer que c’est bien possible d’être une femme et de s’imposer dans le hip-hop galsen. « À nos débuts, ce n’était pas évident d’avoir des modèles féminins. Il n’y avait que Sister LB et Déesse Major. Alif, il y a eu un moment où on ne voyait plus de femmes qui faisaient du hip-hop », narre OMG. Cela a fait écho dans l’esprit de la rappeuse.
« Je me suis dit qu’il fallait se battre pour qu’il n’y ait plus de cassure entre les générations de rappeuses », soutient la hiphopeuse. Aujourd’hui, cette dernière se réjouit de voir de nouvelles générations de rappeuses émerger dans le milieu. En dépit de ces avancées, la rappeuse dénonce certaines disparités. « Il y a beaucoup de combats qui restent. Il y a beaucoup de choses qu’on doit changer. Par exemple, les hommes sont mieux payés aujourd’hui que les femmes. C’est une injustice », fustige-t-elle. Une inégalité qui fait partie de la longue liste de maux qu’elle évoque dans ses clips en tant qu’artiste pluridisciplinaire.
L’art au service du social
OMG a toujours fait de la musique un moyen pour parler tout haut, de ce que plusieurs murmurent tout bas. En artiste engagée au service de son peuple, elle dénonce, à travers ses tubes, les violences conjugales, le viol, et prône l’autonomisation des femmes. « Je milite aussi pour la promotion de l’égalité hommes-femmes dans les industries culturelles et créatives », souligne-t-elle.
La rappeuse est également impliquée dans le projet Farm Factory, qui promeut l’agriculture au Sénégal. Fière de ses origines léboues, Oumy Gueye est en première ligne pour porter le plaidoyer contre l’érosion côtière dans sa ville natale, Bargny. Mais elle ne se limite pas seulement à cela pour sa communauté. Chaque année, l’artiste organise les 48h de Bargny. « C’est un festival annuel avec, au programme, des foires et des formations destinées aux femmes entrepreneures. Il y aura aussi un concert, des festivités autour des danses traditionnelles… », a listé la Léboue. Une Léboue fortement attachée à sa communauté !
Arame NDIAYE (texte)-Jamil THIAM (video)