Yaféra : Cinq familles dans le tourbillon du dénuement et du désespoir (2/5)

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Dans la localité de Yaféra, cinq familles mettent la communauté face à la dure réalité du dernier hivernage : inondation du village suite au débordement du fleuve Sénégal. Ces familles s’abritent encore sous des tentes, symboles de dénuement et de désespoir, car n’ayant pas pu reconstruire leurs maisons tombées. L’appel ici, comme partout ailleurs, est une « aide à la reconstruction ».

A Yaféra, le village est accessible par ses trois entrées routières possibles. L’accueil des populations reste toujours chaleureux et l’actualité toute autre que l’inondation d’octobre. En cette après-midi du 16 janvier, des jeunes s’étripent dans un match de foot intense. Il faut contourner le terrain non-gazonné pour accéder aux tentes des sinistrés. Ces habitats de fortune rappellent encore la tragédie qui continue de hanter nombre d’habitants. Ces tentes ont été déplacées d’une des entrées du village pour se dresser au cœur du village, jouxtant l’école qui avait accueilli également des sinistrés. Neuf petites et neuf grandes tentes forment le décor et abritent cinq familles. Les Keïta, Soumaré, Baby, Sidibé et Traoré sont les occupants des lieux baptisés Yaféra 4, dans le village. La 19ème tente, qui a perdu ses supports, n’est pas opérationnelle. En attendant le retour des chefs de famille, Adama Timéra, chargé de la commission sur les inondations, revient sur les dégâts de la furie des eaux. « Nous avons enregistré 26 maisons qui se sont affaissées et ne sont plus habitées. 48 maisons ont été inondées dont les propriétaires ont pu rejoindre », confie-t-il. Des familles entières sont toujours hébergées par des voisins ou parents. L’élan de solidarité villageois a permis d’électrifier les tentes et de les doter d’une borne-fontaine pour les besoins quotidiens. Le vent glacial ne dissuade pas les occupants des tentes qui préfèrent les supporter que de s’abriter sous les tentes. Celles-ci sont réputées très glaciales la nuit. Femmes et enfants sont dehors pour dévisser ou pour jouer. Le retour des hommes des champs de contre-saison les remet face à leurs responsabilités de chef de famille. Des responsabilités qu’ils ne parviennent pas à honorer. Le maître-mot pour les différentes familles est la reconstruction. Pour elles, comme pour les autres villageois, l’urgence est de disposer d’une « aide qui devrait nous permettre de reconstruire nos maisons », supplie Khalilou Keïta. Disposant d’une fabrique de pain traditionnel, M. Keïta a vu son four, en banco, céder en même temps que sa concession familiale. A la question de savoir pourquoi il n’a pas repris son activité, il rétorque que le plus difficile n’est pas de reconstruire le four, mais d’avoir les « moyens de redémarrer le business ». En attendant des jours meilleurs, il se contente de chercher des fagots de bois qu’il revend pour subvenir aux besoins de sa famille. A l’image de ses autres compères avec qui il partage la même galère, Khalilou Keïta entame ses propos par des louanges au Seigneur, mais aussi des remerciements appuyés à l’ensemble des habitants du village. « Nous avons survécu grâce à l’aide de l’Etat même si celle-ci n’était pas suffisante et ne nous parvient plus depuis quelques temps. Nous rendons aussi hommage à tous les ressortissants du village qui ont fait leurs, nos difficultés. Ils se sont mobilisés, corps et âme, pour atténuer nos souffrances. Nous n’avons pas choisi d’être ici et d’être exposés à la poussière et au vent. Nous ne dormons pas même si nous mangeons. Si nous n’avons pas pu reconstruire nos maisons, c’est par manque de moyens », dit-il, d’une voix triste.

Lassana Keïta est du même avis sur la question de la « reconstruction qui doit mobiliser tous les efforts et toutes les ardeurs ». Au-delà de l’habitat précaire, il met l’accent sur l’unique « toilette pour toutes les familles », la « vétusté des tentes qui ont suinté même lorsqu’il y avait une petite pluie dernièrement et qui ont mouillé nos bagages et vivres ». Les difficultés vécues par ces cinq familles les ramènent à leur réalité quotidienne : le manque de moyens pour s’atteler à la reconstruction. « Il faut reconnaître la mobilisation de l’ensemble des villageois pour nous venir en aide, mais la reconstruction nécessite de gros moyens que nous n’avons pas. Les cinq familles qui ont élu domicile dans cet emplacement n’ont pas d’émigrés à l’étranger », fait remarquer Lassana Keïta. Dans ce milieu soninké, l’émigration, surtout en France, est, depuis toujours, plus qu’une « bouffée d’oxygène pour les villages et familles ». Ibrahima Traoré de prévenir de l’imminence du mois de ramadan, en mars prochain, qui devrait se conjuguer avec « abondance de nourriture ». Ou encore de « chambres froides, frigos ou congélateurs, et ce qu’il faut y mettre comme vivres et boissons ». Comme pour rappeler que les inondations les poursuivent toujours.

D’autres craintes hantent le sommeil des habitants des villages parcourus : la chaleur et le prochain hivernage. « L’Etat a beaucoup fait, mais nous en voulons plus pour reconstruire et regagner nos maisons. Le temps passe vite et une autre saison pluvieuse arrive vite. Avec la prochaine chaleur, personne ne pourra occuper ces tentes », se désole par anticipation Boubacar Baby, visiblement le doyen d’âge des pensionnaires de Yaféra 4. S’il y a une chose dont les sinistrés sont persuadés, c’est qu’ils ne pourront pas continuer à habiter dans ce site.

En l’absence du dynamique et engagé chef de village, absent des lieux à notre passage mais toujours prompt à défendre la cause de son patelin que nous avons eu au téléphone, son fils Adama Timéra assure bien le relais. Suppliant les autorités d’envisager une « sorte de Plan Marshall pour la construction de logements dans chaque village sinistré ». « Notre sort a été voulu par le bon Dieu que nous remercions, mais nous n’avons pas connu de mort d’hommes ou d’animaux domestiques. Toutes nos pertes sont matérielles. Nous regrettons l’apparition de maladies de toutes sortes, les eaux suintantes et le défaut d’étanchéité font que plus personne ne peut passer la nuit dans les bâtiments inondés en ce moment de fraîcheur », regrette Adama Timéra, cultivateur et ancien commerçant.

La solidarité de la diaspora

A Yaféra, la répercussion des inondations s’est faite sentir auprès de sa diaspora qui s’est mobilisée dès les premières heures pour apporter soutien et assistance. Outre l’Association des jeunes, établie à Dakar, ce sont les émigrés, majoritairement installés en France, qui ont permis aux populations éprouvées de faire face. Vivres, matériels indispensables à la survie quotidienne ont été achetés grâce aux envois monétaires des émigrés tandis que de nombreux jeunes avaient arrêté, à l’époque, leurs activités pour non seulement compatir avec les populations, mais surtout pour les aider à alléger leur quotidien. Un fils de la localité, Mamadou Boucar Timéra, universitaire, s’est déployé avec son équipe, selon Adama Timéra, pour « étudier la situation, voir où passe l’eau, mais aussi la possibilité de mettre un bassin de rétention et des aménagements adéquats » pour éviter une inondation au prochain hivernage.

Par Ibrahima Khaliloullah NDIAYE (Photos : Ndèye Seyni SAMB)

Lire aussi : Retour sur les lieux du sinistre trois mois après la crue (1/5)

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