Le quartier de Tableau Ferraille, à Yarakh, est plongé dans l’émoi après le drame survenu le lundi 15 décembre 2025, où Matar Sow a été tué par son ami M. Fall. Les deux hommes, dont les familles se connaissent depuis 80 ans, partageaient quotidiennement leurs repas. Malgré l’immense douleur de la perte de son fils aîné, Serigne Mor Sow, père de la victime, s’en remet au Seigneur, affirmant : « Nos familles se connaissent depuis 80 ans, je suis leur père à tous les deux ».
La quiétude procurée par la belle vue de la plage où sont accostées quelques pirogues aux peintures multicolores, le bruit apaisant des vagues mêlées à la brise matinale, contrastent avec les visages tristes des membres de la famille de Matar Sow, tué, le lundi 15 décembre 2025, par son ami M. Fall. Assis devant son domicile à Tableau Ferraille sis à Yarakh, entouré de ses parents et voisins, Serigne Mor Sow, père de la victime, la soixantaine, trace des lignes sur le sable, avec sa canne qu’il l’aide pour ses déplacements depuis trois mois. Le geste quasi mécanique lui donne de la contenance pour aborder le douloureux sujet de la perte d’un fils aîné.
Le défunt était plus connu sous le nom de Ndiaga Thiam. Ce surnom avait fini par lui coller à la peau, au point qu’on se trompait souvent sur son nom, en l’appelant « Père Thiam ». La victime allait avoir 36 ans, le 17 décembre 2025. Il a rendu l’âme trois jours avant son anniversaire. Le jour du drame, vers 14 heures, il faisait une petite somme dans sa chambre en se disant qu’il devait se tirer du lit pour faire ses ablutions et prier, lorsqu’il a entendu quelqu’un appeler sa petite sœur avec insistance. L’un de leurs voisins a fait irruption dans la maison et a crié que Matar Sow était blessé. « Quand je l’ai vu en face de la maison, assis, recroquevillé sur lui, j’ai senti qu’il n’était plus là », confie le père endeuillé, appuyant ses deux mains sur sa canne. Matar Sow a été conduit à l’hôpital Maristes. On lui a rapporté qu’il a rendu l’âme dès qu’on lui a fait une piqûre. « Quand il partait d’ici, je savais qu’il allait mourir », confie Serigne Mor Sow.
Sur l’origine de l’altercation ayant conduit au drame, le père explique que la victime avait reçu du fil à tourner du suspect. Pour il ne sait quelle raison, son épouse a demandé à son fils de rendre le matériel, il l’a fait. M. Fall aurait mal pris cela. Les deux amis n’étaient plus en odeur de sainteté depuis lors. Ils se sont disputés le jour des faits. Le suspect a donné un violent coup à son ami, qui l’a projeté au sol, la tête en avant. En tombant, son fils s’est fracturé le cou, a rapporté Serigne Mor Sow.
« On me dit de ne pas pleurer. J’essaie de tenir le coup. C’est dur de perdre son fils ainé. Il était mon bras droit. Ce qui me fait le plus mal, c’est qu’il est parti sans laisser d’enfant, ni d’épouse. Mais je m’en remets à Dieu. Nos familles sont liées depuis plus de 80 ans. Mon père est venu à Yarakh en 1933. Les amis de mon fils qui ont émigré en Italie et en Espagne n’arrêtent pas d’appeler. Ceux qui sont restés ici voulaient attaquer la famille de M. Fall. Je leur ai interdit de le faire. Cela devait arriver. Tous les matins, ils prenaient leurs petits déjeuner au restaurant de l’épouse de M. Fall. Sa famille a voulu prendre en charge les frais des funérailles. J’ai refusé. Je suis leur père à tous les deux », s’est résigné le père, le regard dans le vide.
Les confidences de l’épouse du suspect
Sokhna Thior, épouse du mis en cause, trouvée chez elle, non loin du domicile des Sow, a fermé son restaurant où la victime et son époux prenaient leurs trois repas quotidiens, autour de l’incontournable thé, dans une bonne ambiance. « Il n’arrêtaient jamais de conseiller à mes 4 garçons de suivre le droit chemin pour subvenir à mes besoins quand ils seront grands », confie-t-elle. Son mari ne lui refusait rien et ne pouvait même pas tuer une mouche, selon la jeune femme, qui a quatre garçons et deux filles avec son époux. Il lui a construit trois chambres et ouvert un restaurant, s’est réjouie la dame.
« C’est le destin qui a frappé. Quand le frère de Matar est venu ici ce matin (l’entretien a été réalisé le lendemain des faits, ndr), j’étais partagée entre la tristesse et la honte. Si on avait dit à mon mari qu’il ôtera, un jour, la vie à Matar Sow, il n’allait jamais le croire. Cela m’a pris de haut. Depuis trois jours, je n’arrive pas à manger ni à dormir », souligne-t-elle. Elle a aussi promis de partager avec la famille du défunt tout ce qu’elle gagnera dans le cadre de son travail. « Je prie pour que mon époux et nos familles traversent cette épreuve. J’ai mal, j’ai sincèrement mal », a soutenu Mme Fall, au bord des larmes.
Hadja Diaw GAYE


