Candidat pour présider aux destinées de la Fédération sénégalaise de football, Abdou Thierry Camara veut instaurer une nouvelle forme de gouvernance de la discipline au Sénégal. Il prône, entre autres, une gestion inclusive pour tirer le maximum des talents et autres ressources du football sénégalais.
Comment vous est venue l’idée de postuler pour la présidence de la Fédération sénégalaise de football ?
Quand on a des idées pour faire bouger les choses, on essaie d’être plus proche de l’action. J’ai déjà posé des actes dans le football, comme sur les infrastructures, et j’ai glané de l’expérience dans le domaine du sport à travers mes voyages. En un moment donné, on se dit qu’il faut que l’on soit utile dans un organisme ou dans un pays. La chose la plus importante pour moi, c’est d’être utile à son pays. J’ai estimé qu’avec certaines idées et certains savoirs, je peux être utile au football sénégalais. Puisque c’est plus facile quand on est en haut de pouvoir changer. Alors que quand on est en bas, on a beau parler, mais on ne sera pas entendu. Cette candidature est aussi un jalon pour qu’on entende mes idées. Je veux que les jeunes Sénégalais puissent bénéficier de mon expérience. C’est cela ma motivation première. Le poste de président de la Fédération est la position idéale pour changer la marche d’une association sportive comme celle-là. C’est pourquoi j’ai voulu briguer le poste de président de la Fédération.
Une fois élu, pensez-vous que ces ambitions soient réalisables?
Il suffit d’une volonté politique et le savoir-faire est bien là. Il suffit de le mettre en œuvre. Pour ce qui concerne les infrastructures par exemple, on sait comment faire pour réaliser un terrain. Il faut une volonté et de l’imagination. Ce qui manque, c’est de l’imagination. Après la victoire à la Can en 2022, rien n’a été construit ou imaginé. On a peut-être distribué des frais de participation aux différentes délégations et puis, plus rien pour le football. J’ai fait la « anière des Lions en 2002 et qu’est-ce qui empêche de faire la « anière 2 pour faire entrer de l’argent. Les plateformes numériques sont là. Sur le terrain, les joueurs font tout pour gagner et au niveau de l’administration, il faut aussi participer à la construction de l’édifice en ayant de la compétence et de l’imagination. Le nom de la Tanière, déjà connu mondialement, deux, trois ou quatre milliards de FCfa.
Mesurez-vous les difficultés des clubs au niveau national ?
Le football est avant tout une question de moyens. Quand vous avez des moyens qui permettent de garder de bons joueurs, de travailler, alors, les résultats vont suivre. L’équipe nationale a de bons résultats, parce qu’on a de bons joueurs. Si le championnat a les meilleurs joueurs, on va commencer à gagner en Afrique. Ce n’est pas compliqué, car les grands clubs à travers le monde ont de grands joueurs qui leur permettent de faire des résultats. Tant qu’on n’a pas réglé le problème de l’économie du football, on ne pourra pas développer le football. Nos joueurs internationaux sont gérés par l’économie du football européen ou d’ailleurs. Par contre, au niveau local, on n’a pas d’économie du football.
Comment battez-vous campagne pour vous faire comprendre ?
Je fais cette campagne pour apporter des idées nouvelles, pas pour amuser la galerie. Je suis là pour apporter de la valeur ajoutée. Les gens se fatiguent en campagne pour une élection. On se mobilise. On veut véritablement changer et aller à une autre dimension. Tant qu’on ne règlera pas les problèmes fondamentaux, on fera toujours de petites mesures. Et ce n’est pas ça, il faut un changement de paradigmes.
Que dites-vous de cette dépendance de la Fédération vis-à-vis de l’État ?
C’est est une paresse. Si un enfant tombe et qu’on le bloque, il ne va jamais apprendre à marcher. Un enfant qui apprend à marcher, doit tomber. Il faut qu’il tombe pour qu’il se relève. En un moment donné, il faut avoir les moyens de sa politique. Si on veut être indépendant, il le faut financièrement. Mais ça, c’est un plan. On veut aller étape par étape pour qu’on puisse être indépendant dans un avenir. Il faut aussi une discussion avec l’État.
Peut-on en savoir un peu plus sur votre programme ?
On a un plan écrit et en un moment, on va le sortir pour le partager avec les gens. Ce sont des chiffres qu’on a dressés qui constituent l’objectif à atteindre pour donner à la Fédération les moyens d’être indépendante à 80 voire 90%. Ça nécessite une technicité financière qui n’est pas aujourd’hui au niveau de la Fédération de football. Il faut permettre à des spécialistes qui en ont les compétences. Je reviens à évoquer le « ootball Bond .
Est-ce que l’environnement des affaires permet de réaliser toutes ces idées ?
Les acteurs économiques ne sont pas compliqués. Les gens vont partout dans le monde pour chercher de l’argent. L’essentiel est d’avoir un climat des affaires propice pour gagner de l’argent. Ce n’est pas forcément avoir de grosses sommes. Ce sont 5.000 personnes qui peuvent donner 500.000 à 1.000.000 de FCfa. Mais à condition qu’on leur explique clairement sur ces actions. Aujourd’hui, tous les clubs sont déficitaires, c’est ce qui fait que les gens ne vont pas acheter des actions au niveau des clubs sénégalais. Parce que derrière, il n’y a pas de dividendes. Donc il faut inventer quelque chose pour l’histoire du football.
La prolifération des clubs n’affaiblit-elle pas l’appui que la Fédération pourrait leur apporter?
Le fait qu’il y ait beaucoup de clubs est une bonne chose. Il y a deux types de clubs. Ce sont les clubs d’éducation et ceux de formation. Leur nombre permet de s’occuper des talents cachés qui peuvent se nicher dans les quartiers. Ce n’est pas ça le problème. Par contre, au niveau professionnel, il faut une rentabilité. C’est du pur business, c’est ça qu’il faut comprendre. Les petits clubs, en fin d’année, s’activent à vendre leurs meilleurs joueurs. Il y a différents modèles économiques comme dans beaucoup de championnats en Europe. En France, tous les grands clubs ont des centres de formation. Il faut qu’on aille vers ce schéma-là.
La transaction règlementaire des joueurs vous convient-elle en tant que candidat ?
Les textes sur le transfert des joueurs doivent être revus. Ce serait de manière collégiale, avec tous les acteurs des clubs. Il faudrait aussi passer par le vote, et que tous soient d’accord sur les orientations. Il faut aussi instaurer ce dialogue national sur le football pour des consensus forts. On doit faire le football par et pour les populations. L’État participe au football à partir de l’impôt des joueurs. Les citoyens vont avoir leurs mots à dire. Le choix des entraîneurs internationaux ne doit pas être exclusivement réservé aux techniciens, ni à l’administration. Ma proposition est que le Comex propose 40%, les clubs 40% et les 20% restant devraient être octroyés aux acteurs du football (joueurs, journalistes sportifs, membres du 12e Gaïndé, etc.). Tous ces gens-là ont des compétences avérées dans le football. Il y a des journalistes spécialisés qui ne vivent que de la discipline. Il est donc aberrant d’exclure tout ce beau monde. Quand il s’agit de cotiser pour les équipes nationales, on demande à tous de participer, et quand il s’agit de désigner, c’est dans un bureau que l’on sort un nom. Tant que cela existe, on ne pourra jamais avancer.
Le football sénégalais peut-il disposer d’un gendarme de ses finances ?
Le football du Sénégal, c’est un diamant brut qu’il faut polir. On a les talents, on a les joueurs et il faudrait maintenant polir ce diamant. Les jeunes font ce qu’on leur demande et il nous reste à assumer nos responsabilités. Je pense qu’on peut avoir confiance aux acteurs. Au niveau de la Fédération comme partout, il faut qu’on ait une Inspection des finances pour que l’argent du football reste dans le football. Et ça, c’est en amont, notamment dès le début, pour faire en sorte que la gestion puisse être transparente. Ce qui va attirer les investissements. On a l’impression que tout est biaisé dans ce pays. Tant qu’on a ces bras longs dans le football ou dans d’autres secteurs d’activités, ce serait difficile d’investir. Il faut penser à une justice équitable pour permettre aux gens d’investir et de mettre leur argent.
Entretien réalisé par Cheikh Malick COLY