Athlétisme sénégalais : Un gros potentiel plombé par le manque de moyens (1/3)

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Riche en talents, l’athlétisme sénégalais fait face à un défi majeur. Il souffre d’une gestion déficiente et d’un manque de moyens financiers et matériels criants. Le budget alloué à la discipline est souvent insuffisant pour couvrir tous les besoins (voyages, équipements, salaires des entraîneurs et développement des programmes) des athlètes qui représentent notre pays sur la scène internationale. Nos ambassadeurs, malgré des performances prometteuses, vivent dans une précarité chronique.

Depuis quelques années, l’athlétisme sénégalais est en train de retrouver son lustre d’antan. Lors des derniers Championnats d’Afrique (du 21 au 26 juin 2024) à Douala, le Sénégal a décroché trois médailles d’or grâce à Louis François Mendy, Cheikh Tidiane Diouf et Saly Sarr. La dernière fois que le Sénégal avait réalisé un tel exploit, c’était en 2012, à Porto-Novo, au Bénin, avec le sacre de Ndiss Kaba Badji au saut en hauteur, de Gnima Faye au 100 m haies et de Amy Sène au marteau. Mamadou Kassé Hann s’était contenté de l’argent au 400 m haies, Amy Mbacké Thiam du bronze au 400 m et l’équipe du relais 4×400 féminin s’était parée de bronze. Après le fiasco d’Asaba, au Nigeria, en 2018 et les résultats mitigés à Maurice en 2022 (1 or, 1 argent et 1 bronze), ces performances réalisées en terre camerounaise prouvent que l’athlétisme sénégalais est en train de se relancer.

Cependant, derrière la gloire sur les pistes, la précarité constitue le quotidien de plusieurs athlètes. En effet, leur vie n’est pas un long fleuve tranquille, notamment du point de vue financier. Beaucoup d’entre eux doivent jongler entre études, travail et entraînements ; ce qui complique leur progression. De même, le financement des compétitions et des stages de préparation reste un enjeu crucial. Au Sénégal, l’athlétisme n’est généralement pas une source de revenus immédiats ou de stabilité financière pour la majorité des athlètes. À moins d’atteindre un niveau d’élite. Les athlètes professionnels peuvent gagner de l’argent grâce à des compétitions, des contrats de sponsoring et des primes, mais ces opportunités sont souvent limitées aux meilleurs performers mondiaux. Toutefois, pour la majorité, le soutien financier est souvent limité, parfois inexistant. Les indemnités journalières pour les compétitions internationales n’ont pas été revalorisées depuis plus de 20 ans, ce qui crée un fossé entre les attentes et la réalité. Parfois, les arriérés de primes peuvent s’accumuler pendant des années. Ce fut le cas avec les primes impayées depuis 2007 qui n’ont été réglées qu’en 2011. Ce manque de régularité dans les paiements affecte la motivation et la préparation des athlètes.

Cette situation soulève des questions sur la valorisation des athlètes dans un pays où le football et le basket-ball semblent bénéficier d’une attention et de ressources bien supérieures. « Il est primordial, pour un athlète international, d’être prêt financièrement, ce qui lui permet de faire de bonnes performances », soutient Cheikh Tidiane Diouf, le recordman national du 400 m en 44’’94 depuis les Jo de Paris en 2024. Et il sait de quoi il parle, lui qui a fait la navette Sénégal-France trois fois pour chercher les minimas. Il payait lui-même ses billets. « J’ai aussi fait des stages en Espagne, mais ce n’était pas du tout facile. Les performances ont un prix. Or, au Sénégal, nous n’avons pas de bourse olympique », se plaint le spécialiste du tour de piste. Il lance un appel aux autorités pour aider les athlètes. Et de promettre que « si les moyens sont là, des résultats suivront ».

Revers de médailles

En athlétisme comme dans toutes les autres disciplines, la médaille, objet de tous les désirs et symbole de la réussite sportive, est le Graal des athlètes de haut niveau. Au Sénégal, sa valeur est souvent perçue à travers le prisme des récompenses financières et de la reconnaissance. Malheureusement, les médailles remportées lors de compétitions, comme les championnats d’Afrique, s’accompagnent généralement de primes modestes. Après avoir remporté la finale du 110 m aux derniers Championnats d’Afrique, à Douala, au Cameroun, Louis François Mendy avait décrié la prime octroyée par le ministère des Sports, qu’il avait jugée dérisoire par rapport aux primes perçues par les footballeurs. Mais, au-delà de toutes ces considérations, le hurdler estime qu’une médaille est le fruit de sacrifices, de longues heures d’entraînement et de moments de doute. « Elle a une valeur symbolique immense, peut ouvrir des portes, inspirer des jeunes et créer des opportunités. Elle peut changer complètement la vie d’un athlète, sauf si le système d’accompagnement est amélioré », explique Louis François. Une médaille représente, pour lui, « un honneur et une responsabilité, celle de continuer à porter haut les couleurs de son pays ».

Comme lui, Frédéric Mendy, spécialiste du 400 m plat, estime qu’une médaille peut avoir une valeur symbolique et émotionnelle significative pour un athlète professionnel qui participe à de grands rendez-vous. À son avis, elle peut aussi pousser l’athlète à s’améliorer et à se fixer de nouveaux objectifs. « Sur le plan financier, une médaille peut offrir des opportunités de revenus supplémentaires à travers des publicités, la visibilité. Pour les opportunités professionnelles, les médailles, surtout des grands rendez-vous comme les championnats du monde, les Jeux olympiques, peuvent ouvrir des portes à des contrats de sponsoring ou d’autres choses », affirme-t-il.

La précarité est le dénominateur commun pour beaucoup d’athlètes. Vivre de l’athlétisme est, pour nombre d’entre eux, un réel défi. Ils doivent souvent jongler entre leur passion et des contraintes financières importantes. Selon Louis François Mendy, l’athlétisme, comme toute passion, demande des sacrifices. « Ce n’est pas toujours évident, surtout dans un contexte où les ressources et les soutiens sont limités. Mais, au-delà de l’aspect matériel, ce sport m’apporte un immense épanouissement personnel. La discipline, les valeurs et la visibilité que je gagne en tant qu’athlète me nourrissent aussi humainement », indique le hurdler. Saly Sarr soutient, pour sa part, que l’athlétisme pourrait nourrir son homme si toutefois les conditions sont réunies. « Si on s’investit, cela peut payer, dans le cas échéant, cela n’aidera pas à nourrir l’homme », fait-elle savoir. La conviction de Frédéric Mendy est que les athlètes professionnels peuvent gagner leur vie durant leur carrière professionnelle grâce à l’athlétisme, notamment par le biais de contrats de sponsoring, de compétitions sportives comme des grands meetings Diamond League et de publicité. Et d’ajouter : « On peut dire que l’athlétisme favorise un mode de vie sain. Ce qui peut aussi améliorer la qualité de vie et la longévité si les athlètes professionnels sont bien accompagnés par leur pays », relève-t-il.

Fama NDIAYE

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