Du jonglage technique aux vlogs immersifs, Cheikh Ba dit Cheikh Footstyle s’est imposé comme une figure incontournable du digital au Sénégal. Il ne se contente pas d’utiliser le ballon ; il en fait un outil narratif pour raconter des histoires, motiver et inspirer toute une génération. À travers ses contenus, il nous ouvre les portes de son univers, entre projets ambitieux et l’impact majeur de ses créations. Au-delà de ses contenus, Cheikh essaie également d’aider ses semblables. Dans l’affaire Cheikh Touré qui défraie la chronique, il s’est impliqué pour aider les familles des autres jeunes qui sont actuellement au Ghana.
Qui est Cheikh Footstyle ?
Mon vrai nom est Cheikh Ba. Je suis un jeune créateur de contenus, originaire de Thiès. J’ai un parcours scolaire classique. J’ai obtenu mon baccalauréat, puis un Bts. Je me suis lancé sur Internet il y a quatre ans. Actuellement, mon travail m’amène à résider à Dakar, bien que je revienne régulièrement à Thiès. Le football a toujours été ma grande passion. Mon objectif initial, comme beaucoup de jeunes, était de devenir footballeur professionnel. Cependant, plus le temps passe, plus les chances diminuent, surtout si on n’est pas intégré dans une structure de haut niveau. On se tourne alors vers d’autres domaines. J’ai eu du mal à décrocher un stage après mes études, mais une vidéo que j’avais réalisée a très bien fonctionné. C’est à ce moment que je me suis dit : pourquoi ne pas en faire mon métier ? Il est important de préciser que je ne me définis pas comme un « free-styleur », mais j’utilise le freestyle comme un outil pour créer du contenu.
Vous avez plus de 2,4 millions d’abonnés à travers vos différentes plateformes. Qu’est-ce qui explique cette affluence ?
Cette affluence s’explique par la forte consommation de contenus sportifs sur les réseaux sociaux. Il est plus facile d’atteindre un large public si l’on propose des contenus sportifs qui sont à la fois créatifs et amusants. Ce qui y contribue aussi, c’est notre volonté d’avoir un impact positif. C’est le cas par exemple avec les jeunes talents que nous mettons en lumière, comme Ciré et Fallou, ou les initiatives que nous menons avec des écoles de foot. C’est cette dimension d’aide et d’inspiration qui fidélise et attire de plus en plus d’internautes. C’est ce qui soutient notre structure aujourd’hui.
De nos jours, les créateurs de contenus occupent de plus en plus l’espace public. Qu’est-ce qui vous démarque des autres ?
Les créateurs de contenus sont devenus incontournables dans le monde moderne, notamment dans les stratégies de marketing. Tout le monde cherche à collaborer avec eux pour des publicités, des podcasts, etc. C’est la mode, le digital évolue et nous avançons avec lui en proposant des choses soft, consommables par tous.
Personnellement, j’essaie de me démarquer en étant plus innovant. Je mets en place de nouveaux concepts tous les deux mois pour diversifier mes contenus. Nous ne sommes pas là pour quelques années ; nous travaillons dur pour nous inscrire dans la durée. Il faut faire le nécessaire pour ne pas tomber dans la facilité. L’endurance, la persévérance et l’innovation constante sont essentielles.
Vous avez récemment annoncé, à travers vos réseaux, une collaboration avec la Ligue 1 française sur un projet. Pouvez-vous revenir sur cette collaboration ?
La Ligue 1 française recherchait des collaborateurs pour son projet intitulé « Trophée des Académies », qui regroupe plusieurs centres de formation et académies de football en Afrique. J’ai été choisi en tant que créateur de contenus pour accroître la visibilité de ce projet, notamment en réalisant du contenu pour leur page officielle. J’ai été extrêmement fier de voir un jeune Sénégalais comme moi apparaître sur cette page qui met en avant les plus grands joueurs du monde. C’est un succès, certes, mais nous l’accueillons avec beaucoup d’humilité. Je considère que ce n’est que le début et qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
À ce propos, avez-vous été approché par la Fédération sénégalaise de football ?
Non, pas encore. Il faut reconnaître que le fait de travailler avec des entités comme la Ligue 1 française et la Bundesliga sans collaborer avec notre propre football nous dérange un peu. Peut-être que nos dirigeants n’ont pas encore mesuré l’étendue de nos mérites. Le jour où ils nous solliciteront pour une collaboration, nous répondrons présents avec plaisir.
Récemment, nous avons été approchés par des autorités du football local, notamment le président de la Ligue sénégalaise de football professionnel (Lsfp), Babacar Ndiaye. Nous sommes en discussion pour une future collaboration, et ce serait une fierté de le faire pour notre pays.
Êtes-vous dans d’autres projets ou collaborations ?
Actuellement, nous pilotons deux ou trois projets, chacun ayant sa propre phase. Notre but est d’emmener ce que nous faisons à l’échelle internationale et, par conséquent, de valoriser le potentiel local à notre manière. C’est dans la même logique que nos vidéos de jonglage sur les toits et les murs. Nous voulons émerveiller le monde en utilisant nos ressources nationales.
Comment ces projets et collaborations se mettent-ils en place ?
Les collaborations se concrétisent par email, par Google Meet, ou parfois je me déplace à l’étranger pour rencontrer les partenaires. J’insiste sur un point : nous ne nous engageons pas avec n’importe quelle structure. Ce n’est pas parce qu’un grand groupe nous contacte que l’accord est automatique. Beaucoup d’organisations nous ont approchés sans finalement obtenir notre accord. Nous prenons le temps de bien sélectionner nos partenaires parce que, s’ils nous appellent, c’est qu’ils ont besoin de nous.
Qu’est-ce qui motive Cheikh Footstyle ?
D’abord, je suis très exigeant avec moi-même. Mon objectif est de toucher les gens en leur proposant des contenus qui les intéressent et qui apportent toujours quelque chose de nouveau, d’original et d’innovant.
Aujourd’hui, c’est un immense plaisir de voir le public s’intéresser à mes créations sur mes différentes plateformes. Quand les gens m’abordent pour me dire « Cheikh, tes affaires sont nice », c’est flatteur. Mais le plus important pour moi, c’est de voir l’impact réel. Par exemple, des jeunes me disent que grâce à moi, ils gardent espoir et se concentrent davantage sur leurs entraînements. Je pense notamment à l’exemple de Ciré Niang (Ndlr : un jeune espoir de Diambars Fc qu’il a aidé à passer un test au club de Bourges Foot en France). Ces retours me font énormément plaisir et me motivent, car ils prouvent que ce que nous faisons influence positivement la vie de beaucoup de monde.
Quelle est votre vision sur la création de contenus au Sénégal ?
La création de contenus est encore méconnue au Sénégal. Créer du contenu, ce n’est pas la même chose qu’être « influenceur ». Personnellement, je n’utilise jamais l’appellation « influenceur », et je la déteste même. Cependant, les marques et les campagnes préfèrent ce terme, ce qui explique, je crois, pourquoi on nous identifie sous ce nom. Mais il s’agit de deux métiers distincts.
En tant que créateur de contenus, nous devons nous donner les moyens. Investir dans des caméras de qualité, avoir des réflexions plus approfondies pour élever le niveau de nos concepts et, ultimement, participer au développement du Sénégal.
Aussi, pour avoir une carrière réussie, il faut avoir une ligne de conduite irréprochable pour ne pas se perdre. Il peut arriver que les gens ne comprennent pas le message que l’on veut transmettre et le manifestent dans les commentaires. Dans ces moments, il faut faire preuve de courage et ne pas craquer, car ce n’est pas facile. Il est impératif d’être professionnel jusqu’au bout et de gérer la pression avec lucidité.
Entretien réalisé par Djibril DIAO (Stagiaire)