L’un des plus grands et plus élégants lutteurs de par son look, Doudou Baka Sarr a marqué de son empreinte l’histoire de l’arène sénégalaise avec plus de 150 victoires. Disparu il y a de cela 18 ans (20 septembre 2007) à l’âge de 70 ans, l’arène pleure et se rappelle toujours son gentleman des années 1970.
Avec ses pagnes (« seurou rabal ») autour de la ceinture, un sous-vêtement blanc, des lunettes de soleil et une coiffure afro, Doudou Baka Sarr ne laissait personne indifférent. Fin danseur, ses « bàkk » étaient la référence et les lutteurs sérères, même ceux qui ne sont pas partenaires d’écuries, ont perpétué la tradition. Avec plus de 150 victoires à son actif, il s’était imposé comme un ténor de l’arène sénégalaise dans les années 1970. Sa silhouette puissante, alliée à une agilité rare et une technique irréprochable, faisait de lui un adversaire redoutable. Mais au-delà de la force, c’est son élégance qui marquait les esprits. Il excellait dans l’art du « bàkk », ces danses et chants rituels exécutés avant les combats devenait une véritable référence. Ses pas, empreints de grâce et de créativité, sont encore repris aujourd’hui par de nombreux lutteurs sérères, perpétuant ainsi une tradition à laquelle il avait donné ses lettres de noblesse.
Originaire de Dionewar, un village profondément enraciné dans la culture sérère, Doudou Baka Sarr a très tôt été bercé par l’esprit de la lutte et de la danse. Après avoir dominé son terroir natal, il a rejoint Dakar, où il croisa les plus grands de son époque : Mame Gorgui Ndiaye, Falaye Baldé, Moussa Diamé ou encore Robert Diouf. Grâce à sa détermination, il sut s’imposer dans ce cercle prestigieux et déjouer les pronostics, renversant même des adversaires plus aguerris que lui. Sa disparition le vendredi 20 septembre 2007 a suscité une vive émotion dans le monde de la lutte. Aliou Camara, dit Boy Bambara, son ancien rival devenu ami fidèle confiait : « j’ai perdu un grand sportif, mais aussi un ami et un père de famille exemplaire.» De son côté, Manga II, président de l’Association des anciennes gloires de la lutte, avait aussi salué la mémoire d’un homme « pieux, courtois, enraciné dans la tradition » et dont les prestations dans l’arène faisaient l’unanimité. Doudou Baka Sarr n’a jamais coupé le cordon avec sa passion. Même après sa carrière, il restait fidèle aux grands rendez-vous, notamment au drapeau des anciens lutteurs. Mais ces dernières années, il se battait contre une longue maladie qui l’a finalement emporté, en plein mois béni de Ramadan. Son parcours, fait de victoires éclatantes, de style unique et d’une fidélité indéfectible à la tradition, en fait une figure intemporelle de la lutte sénégalaise. Plus qu’un champion, il fut un artiste de l’arène, un gentleman respecté de tous.
Maguette Guèye DIÉDHIOU (Source : Babacar Simon Faye, « Le Soleil » du 22 et 23 septembre 2007)