Avant la rencontre de Nice à Brest ce samedi (17 heures), le gardien azuréen Yéhvann Diouf raconte ses avant-matches. Il ne manque notamment jamais de prévenir les arbitres de la roublardise de certains attaquants sur les corners.
Quand commence votre avant-match ?
C’est après la causerie que je me mets vraiment dedans. Je vais monter dans le car, mettre mes écouteurs et là je serai en mode match. Dans les écouteurs, je peux tout mettre du rap, de la pop, parfois des musiques un peu plus anciennes-disco, funk. Dans le car, je regarde sur mon téléphone un rappel que j’ai sur les coups de pied arrêtés, sur la manière d’attaquer des adversaires.
Ce rappel vous prend combien de temps ?
De trois à six minutes, en fonction de l’équipe. Il y en a qui ont énormément de tactiques sur coups de pied arrêtés. D’autres qui n’en ont pas forcément mais qui ont de bons tireurs, ce qui leur permet de varier, ou de très bons receveurs. Réviser me permet de ne pas être surpris, de prévenir mes défenseurs si jamais je vois que la concentration baisse.
A l’échauffement, il y a quelque chose que vous faites différemment des autres gardiens?
On fait un peu tous les mêmes choses. Au début, on va faire des assouplissements, des accélérations, des décélérations, du jeu au pied-court, mi-long, long-, des prises de balle, des petits ballons au sol, des centres. On prend contact avec le terrain, parce que les surfaces sont différentes. L’herbe n’est pas la même partout.
Sur tel terrain, je peux me dire : « Aujourd’hui, je devrai prendre un peu moins de risque…’’
Lors de votre échauffement, vous vous concentrez sur des détails techniques ?
Non, je peux rater des petits trucs et me dire : « Il vaut mieux que ça arrive maintenant. Ou je vais me sentir trop bien et je vais me dire : « Il ne faut pas que je m’enflamme ! Je m’imprègne de l’ambiance du stade. Je fais semblant de ne pas entendre les supporters, sinon ils vont encore en rajouter. Mais ils me font bien rire, surtout à domicile. Il peut y avoir de sacrées pépites. À l’extérieur, les supporters essaient de te déstabiliser, tu as l’habitude, tu te fais insulter, tu reçois des moqueries. Ça fait partie du jeu.
Entre la fin de l’échauffement et le début du match, vous avez besoin de parler à certaines personnes ?
J’envoie toujours un message à ma femme, mais avant de sortir de l’échauffement. C’est toujours le dernier truc que je fais à ce moment-là. Après réchauffement, je vais parler quelques instants avec l’entraîneur des gardiens, de choses qu’on a déjà abordées. On peut se dire qu’il faudra réveiller les mecs si on a l’habitude de démarrer mollement. Ou qu’il ne faut pas oublier que tel joueur coupera au premier poteau, qu’il y a tel joueur qui viendra sur moi sur les corners et ne pas oublier de le faire remarquer à l’arbitre. Je vais toujours voir les arbitres pour le leur dire, surtout la saison dernière en étant capitaine. Avant les corners et même avant le match. Parce qu’il y a des petits malins qui viennent pour t’écraser les pieds (il rit !) Ils peuvent aussi pousser tes coéquipiers sur toi.
Qui est coutumier du fait ?
Lacazette était très chiant. Pas du genre à écraser les pieds, mais très roublard. En plus, il est assez costaud. Mais pas méchant, c’était dans le jeu.
Êtes-vous superstitieux ?
Non, mais le jour où je fais quatorze arrêts contre Lens/victoire 2-0 avec Reims, le 11 avril 2025, le matin, au petit-déjeuner, ma cuillère remplie de confiture tombe sur ma jambe. Et du bon côté. Je dis : « Les gars, ne vous inquiétez pas, ce soir, c’est bon ! Après la victoire, on en a bien rigolé dans le car.
Sentez-vous une pression lors des derniers instants avant le coup d’envoi ?
Je l’ai toujours, mais d’une manière plus contrôlée maintenant. Je pense qu’il faut l’avoir, ça permet d’avoir ce pic d’adrénaline qui vous maintient éveillé et vous donne envie de vous donner à 100%. J’essaie d’avoir une respiration et un rythme plutôt calmes. Ames débuts, ça pouvait m’arriver d’avoir le souffle coupé. Quand j’ai démarré face à Monaco (le 18 septembre 2022,0-3), lors de mon tout premier match en tant que numéro 1, le coach ne m’avait rien dit avant, donc je l’ai appris à la causerie, et là, ça m’a fait un oh! » J’ai senti d’un coup mon cœur battre très fort. Ça peut encore m’arriver, mais de manière plus positive, quand c’est un match à enjeu ou quand je suis dans une mauvaise période. Dans ce cas-là, je peux sentir cette crispation, mais je vais essayer de m’en servir.
Un avant-match qui vous a marqué ?
Celui de la finale de la Coupe de France (le 26 mai défaite 3-0 contre le PSG). Parce que c’était un contexte spécial, une ambiance spéciale et un stade mythique (Stade de France). A l’échauffement, j’étais moins dans la concentration que j’ai en Championnat : j’étais en mode plaisir, relâché, à me dire : « On va passer un bon moment, quoiqu’il arrive ». Dans l’avant- match, il y avait les avions qui passaient autour de nous, les trois présidents- des deux clubs et de la République- qui nous saluaient. Tout était particulier.
Dans de tels moments, vous profitez ou vous cherchez à ne pas perdre d’influx ?
C’est important de profiter ! Déjà parce que vous ne savez pas quand de telles choses vont se reproduire. Ça ne va tuer personne de regarder les supporters qui sont autour et de kiffer. On a tous été des enfants qui rêvaient de ces moments-là, donc c’est normal de profiter.
Antoine Maumon De Longevialle, L’Equipe