Neuf Sénégalais sur dix n’ont sans doute jamais entendu parler de Curaçao, petite île caribéenne nichée entre eaux turquoise et récifs coralliens. Pourtant, ce confetti des Caraïbes vient d’accomplir l’impensable : décrocher, pour la première fois de son histoire, une qualification pour la Coupe du monde.
Un exploit d’autant plus retentissant que jamais un pays aussi peu peuplé – à peine 160 000 habitants – n’avait atteint un tel niveau. Cette performance, obtenue à la faveur d’un nul solide arraché à Kingston en Jamaïque (0-0), propulse Curaçao vers le Mondial 2026, organisé conjointement par les États-Unis, le Mexique et le Canada. Pour la « Familia Azul », c’est un rêve devenu réalité, un rêve aussi surprenant que mérité.
Un contexte qui ouvre une porte, un exploit qui la franchit
Si l’élargissement de la Coupe du monde à 48 équipes a offert plus de places à la zone Concacaf désormais entre six et huit au lieu de trois ou quatre par le passé, Curaçao n’a pas simplement profité des circonstances. L’équipe a dominé son groupe avec une maturité remarquable, terminant devant la Jamaïque, pourtant habituée aux grands rendez-vous régionaux.
Cette montée en puissance a également été facilitée par la qualification automatique des trois pays hôtes (Etats-Unis, Canada et Mexique), libérant des places pour les sélections émergentes. Mais encore fallait-il être capable de saisir cette opportunité. Curaçao l’a fait, avec une discipline, une rigueur et un état d’esprit rarement associés à un pays de cette taille.
Dick Advocaat, l’architecte d’un improbable succès
Derrière cet accomplissement se cache l’expérience monumentale d’un homme : Dick Advocaat. À 78 ans, le technicien néerlandais qui a déjà entraîné sept sélections avant Curaçao, a insufflé une culture de travail, une exigence et une organisation qui ont transformé la sélection. Son passage, certes récent, a laissé une trace déterminante.
Les joueurs ne s’y trompent pas. Juninho Bacuna, l’un des cadres de l’équipe, résume l’effet Advocaat en quelques mots : « Son impact a été immense. Il a changé notre manière de travailler, notre façon de combattre. Nous avons franchi un vrai cap. »
Cette influence du technicien néerlandais vainqueur de la Coupe de l’Uefa en 2008 avec le Zenith Saint-Pétersbourg, a été déterminante pour décrocher cet exploit. Curaçao a déjà été guidé par d’autres figures emblématiques du football batave, dont Patrick Kluivert – venu y écrire un chapitre personnel sur la terre où est née sa mère – ou encore Guus Hiddink, qui y a vécu sa dernière aventure d’entraîneur. Advocaat s’inscrit dans cette lignée, mais son empreinte, elle, restera gravée comme celle du sélectionneur qui a qualifié Curaçao pour son premier Mondial.
Une île minuscule dans la cour des grands
En rejoignant la Coupe du monde 2026, Curaçao devient non seulement le plus petit pays qualifié de l’histoire, mais aussi l’un des symboles les plus forts de la nouvelle carte du football mondial. Là où certains voient une anomalie statistique, d’autres perçoivent l’émergence d’une identité footballistique fière, méthodique et ambitieuse.
Le petit État caribéen rejoint ainsi Panama et Haïti – déjà qualifiés – dans la liste des représentants de la Concacaf. Mais c’est bien son histoire, singulière et romanesque, qui retient l’attention : celle d’une île-confetti, autonome au sein du royaume des Pays-Bas depuis 2010, devenue l’invité surprise d’une compétition où l’on attend habituellement dans cette confédération les géants.
Cheikh Gora DIOP

