Les mots du sélectionneur italien Gennaro Gattuso sur l’Afrique ont résonné comme un cri d’agacement, mais aussi comme un aveu d’impuissance.
« En 1990 et 1994, il y avait deux équipes africaines, maintenant il y en a huit (neuf en réalité, Ndlr)..Ce n’est pas une polémique, mais à notre époque, le meilleur deuxième se qualifiait directement pour la Coupe du monde. Voir que six nations sud-américaines se qualifient aussi facilement, ça laisse perplexe. Il faut revoir tout ça », a-t-il déclaré.
En affirmant implicitement que si l’Italie peine à se qualifier pour la Coupe du monde 2026, c’est parce qu’il y aurait trop de pays qualifiés en Afrique et en Amérique du Sud, l’ancien champion du monde a désigné les mauvais coupables. Le mal italien ne vient ni du Cap ni du Caire, encore moins de Buenos Aires, mais bien de Rome, Milan ou Naples. Depuis le sacre mondial de 2006 en Allemagne, la Squadra Azzurra n’est plus que l’ombre d’elle-même. Le déclin est manifeste : éliminée dès la phase de groupes en 2010 puis en 2014, elle a ensuite manqué les éditions 2018 et 2022. Aujourd’hui encore, l’Italie se retrouve contrainte de passer par les barrages pour espérer disputer le Mondial 2026, après une lourde défaite (1-4) face à la Norvège d’Erling Haaland, pourtant absente de la Coupe du monde depuis 1998. Le quadruple champion du monde n’a ajouté qu’un seul titre majeur à son palmarès, celui de l’Euro 2020, avant d’amorcer un lent déclin.
La génération dorée des Buffon, Totti, Del Piero, Pirlo, Nesta ou Cannavaro a laissé derrière elle un football essoufflé, enfermé dans son conservatisme tactique et incapable de se régénérer. L’Italie ne souffre pas d’un excès de concurrence mondiale, mais bien d’un manque de talents. Plutôt que de chercher des boucs émissaires, Gattuso ferait mieux de se tourner vers Coverciano, berceau de la formation italienne. La Serie A attire toujours des stars étrangères, mais produit peu de talents locaux. Autrefois, l’Italie dominait les compétitions européennes de jeunes avec cinq titres de champion d’Europe U21 en 1992, 1994, 1996, 2000 et 2004. Mais depuis deux décennies, la seule réussite notable demeure le sacre des U17 à l’Euro 2024. Les clubs comme l’Inter, le Milan, la Juventus ou le Napoli préfèrent importer plutôt que former, et les jeunes Italiens manquent d’espace pour éclore. Accuser l’Afrique d’occuper trop de places relève d’un manque de perspective historique. Pendant près de quarante ans, de 1930 à 1966, seule l’Égypte a participé à une Coupe du monde, en 1934.
Il faut attendre l’édition de 1970, avec le Maroc, pour voir à nouveau un représentant africain. Le continent comptera ensuite deux qualifiés en 1982, trois en 1994, puis cinq à partir de 1998. Pendant ce temps, l’Europe envoyait entre 13 et 15 nations à chaque édition d’un Mondial. Venons-en au fond des déclarations de Gattuso. Le diagnostic est pertinent, mais le ton, empreint de rancune et de maladresse, en fausse la portée. Plutôt que d’opposer les continents, le débat devrait porter sur la cohérence du système de répartition des places pour la coupe du monde lors des qualifications. Comment expliquer qu’une confédération comme la CONMEBOL (Amérique du Sud), composée de seulement dix nations, bénéficie de six qualifiés directs et d’un barragiste, alors que la CAF, forte de 54 pays, n’en compte que neuf, et l’UEFA, avec 55 membres, 16 qualifiés, soit tout de même le tiers des participants.
L’exemple de la RD Congo illustre bien cette ce déséquilibre. Après un parcours solide en qualifications, avec 22 points sur 30 et une victoire lors des barrages africains face au Cameroun et au Nigeria, les Léopards devront pourtant disputer un ultime barrage intercontinental en mars 2026 pour espérer se qualifier. Avec le nouveau format du Mondial élargi à 48 pays, il devient nécessaire d’harmoniser les critères de qualification et de repenser la répartition des quotas par confédération, afin que la performance sportive l’emporte enfin sur la géopolitique du football.
Cheikhgora.diop@lesoleil.sn

