Depuis que le chef de l’État a demandé, mercredi dernier, en Conseil des ministres, de réformer le mouvement Navétanes, on en connaît qui ne dorment plus du sommeil des justes. En premier, celui qui préside aux destinées de ce championnat national populaire de quartiers depuis plus d’une vingtaine d’années. Et c’est tout à fait normal que lui et son engeance perdent le sommeil à la suite de cette instruction présidentielle.
D’abord, parce que jamais de mémoire, la question du Navétanes ne s’est invitée sur la table du Conseil des ministres. Ensuite, c’est tout un système de copains et de coquins qui risque de voler en éclats. Le surplace voulu et imposé par les actuels dirigeants du Navétanes a duré trop longtemps. Il fallait bien, à un moment où un autre, que quelqu’un siffle la fin de ce jeu de bonneteau entretenu par un groupuscule fort en esbroufe. C’est heureux que cela vienne de la plus haute autorité. On va enfin pouvoir secouer le cocotier pour redonner à ce mouvement son lustre d’antan et le réadapter aux enjeux de notre temps. Les énièmes scènes de violence de ces derniers jours soldées par mort d’homme à Guédiawaye sont certainement ce qui a décidé le chef de l’Etat à hausser le ton. Mais elles sont loin d’être le seul facteur qui, depuis des années, ont contribué à éloigner ce mouvement de ses missions originelles.
En réalité, le Navétanes a été dépouillé de sa substantifique moelle depuis belles lurettes, lorsque, de réformettes en réformettes, ses dirigeants se sont organisés pour rester à sa tête. Le subterfuge est du même artifice que celui de ces chefs d’Etat africains qui, à l’approche de la fin de leur mandat, s’arrangent pour retoucher les textes et demeurer encore au pouvoir. Dans leur démarche, les actuels dirigeants du Navétanes développent une forte appétence pour le football, car il apporte de l’argent. Les sous, le nerf de leur désir d’éternité. Evidemment, tout cela se fait au détriment des activités socioculturelles et socio-éducatives qui ont complètement disparu de la carte alors qu’on parle bien d’Associations sportives et culturelles.
Les compétitions de théâtre, les joutes à caractère cérébral comme les jeux de dame, de Scrabble, les dictées et mêmes les élections miss, bref toutes ces activités connexes qui permettaient d’occuper la jeunesse dans une saine émulation entre quartiers voisins ont été abandonnées. La faute à des dirigeants fossilisés qui refusent de se réinventer, de repenser le mouvement pour le mettre au diapason, à l’air du temps. Aucune contradiction n’est tolérée à l’interne. Toutes les voix dissidentes sont étouffées ou leur auteurs exclus des instances.
Les foucades du président de l’Oncav, plus préoccupé à enchaîner les mandats au sein de la Fédération sénégalaise de football sont de notoriété publique. Parce qu’effectivement, il y a à boire et à manger dans le Navétanes. Les recettes générées par les entrées au stade sont de plus en plus consistantes car il y a plus d’Asc à la faveur de la démographie galopante et de nouveaux quartiers, donc plus de matchs. Sauf que les infrastructures sportives ne suivent pas le même rythme. D’ailleurs, c’est l’une des raisons de l’impossibilité de circonscrire le Navétanes aux vacances scolaires. L’émiettement des Asc doit être posé sur la table. Peut-être faut-il encourager des fusions, ce qui aura l’avantage de réduire le nombre de matchs, de faire souffler nos infrastructures sportives et de raccourcir le temps des compétitions. On aurait ainsi des ensembles forts, utiles et impliqués dans la marche du pays. Le Premier ministre Ousmane Sonko vient de lancer l’idée de coopératives urbaines. Justement, les Asc, déjà existantes, sont une piste à explorer. Seulement, il ne faut pas commettre l’erreur d’y aller avec l’Oncav sans l’avoir réformée au préalable. Ses dirigeants ont déjà montré par le passé qu’en matière de situationnisme, ils sont assez rodés. elhadjibrahima.thiam@lesoleil.sn
Par Elhadji Ibrahima THIAM