Le Sénégal sort d’une période d’épreuves. Des années de tensions politiques, de divisions sociales et d’incertitudes économiques ont marqué durablement les esprits. Les blessures sont réelles. Des familles pleurent encore leurs morts et la dette colossale laissée par le pouvoir précédent pèse lourdement sur les espoirs d’un développement durable. Pourtant, dans cette pénombre, une lumière s’annonce à l’horizon : les Jeux olympiques de la jeunesse de 2026.
Dans un contexte de déséquilibre budgétaire, ces jeux ne doivent pas être perçus comme une dépense superflue, mais bien comme une opportunité historique. En effet, au moment où le pays cherche à se reconstruire, les JOJ peuvent devenir un puissant vecteur de cohésion nationale, de relance économique et de renaissance culturelle.
Le sport a ce pouvoir unique de relancer les nations dans les moments de doute. L’histoire nous l’enseigne à maintes reprises.
En 1995, Nelson Mandela parvient à réconcilier une Afrique du Sud encore fracturée par l’apartheid grâce à la Coupe du monde de rugby. Ayant compris que le sport pouvait devenir un instrument de rapprochement entre communautés, il choisit de soutenir l’équipe nationale, symbole jusque-là réservé aux Blancs, et appelle les populations noires à en faire autant. Ainsi, la victoire des Springboks en 1995 symbolise l’unité nationale du peuple sudafricain. L’expression « One team, one country » (une équipe, un pays) est devenu un slogan national et a servi à construire un récit fondateur post-apartheid.
De même, l’exemple de l’Allemagne de 1954 illustre également cette force de résilience. Humiliée et dévastée après la Seconde Guerre mondiale, elle retrouve sa fierté et son identité autour d’un simple ballon de football. Ce fut « le miracle de Berne ». Cette nation, devenue amorphe depuis sa débâcle de la Seconde Guerre mondiale, reprend vie. Les Allemands qui avaient honte de leur drapeau le brandissent désormais avec exaltation. Le pays reprend du poil de la bête sur le plan économique et retrouve sa position sur la scène mondiale. L’ex-chancelier Helmut Kohl évoquera le « Wir sind wieder wer », ce sentiment de retrouver sa propre identité. Le sport redonne ainsi vie à une nation blessée.
Vingt ans plus tard, l’Allemagne accueille la Coupe du monde de 1974 chez elle, dans un contexte de guerre froide. Elle remporte le tournoi face aux Pays-Bas. La conséquence positive de cette victoire, c’est le renforcement durable du sentiment national.
Pareillement, après la Seconde Guerre mondiale, le Japon, ruiné et meurtri, retrouve son souffle grâce aux Jeux olympiques de Tokyo en 1964. Ces Jeux symbolisent sa renaissance pacifique et marquent le début d’une modernisation spectaculaire, avec l’apparition du train à grande vitesse (Shinkansen), la construction d’autoroutes et les innovations dans les télécommunications. On parlera alors de « miracle japonais », et Tokyo en deviendra la vitrine.
De son côté, l’Espagne, dans les années 1980, sort difficilement de la dictature franquiste. Les Jeux olympiques de Barcelone en 1992 transforment littéralement la ville et le pays. Barcelone devient une métropole moderne, vitrine culturelle et touristique de l’Europe du Sud, tandis que les Espagnols redécouvrent la fierté d’une démocratie épanouie.
Il est largement reconnu, par ailleurs, que la réussite dans l’organisation des Jeux Olympiques contribue à accroître le prestige d’un pays, à renforcer sa confiance et à établir de nouvelles collaborations internationales. C’est ce que la Chine a tenté de réaliser en 2008. Les Jeux olympiques de Pékin illustrent brillamment la puissance et la modernité du pays. Ils génèrent un immense sentiment de fierté nationale et une cohésion inédite autour du drapeau, symbolisant l’intégration officielle de la Chine parmi les grandes puissances mondiales.
Enfin, en 2018, malgré un contexte politique tendu, la Russie réussit l’organisation exemplaire d’une Coupe du monde de football. Regain de fierté nationale, essor du tourisme et amélioration de son image internationale, fût-elle temporaire, figurent parmi les résultats obtenus.
Vers un miracle sénégalais ?
Ces quelques exemples montrent que les grandes messes du sport ne sont pas de simples événements, mais des leviers de renouveau national et de rayonnement international. Alors, pourquoi le Sénégal ne vivrait-il pas, lui aussi, son propre miracle?
Même s’ils n’ont pas l’envergure des Jeux olympiques, les JOJ de 2026 peuvent devenir le moteur d’une nouvelle ère. Sur le plan politique, ils offriront un espace où toutes les sensibilités nationales pourront se regrouper sous une même bannière, représentée par la mascotte AYO, emblème « de fierté, d’hospitalité et d’unité dans la diversité ». D’un point de vue économique, ils favoriseront l’emploi, le développement des infrastructures, le secteur touristique et l’innovation locale. Ce sera l’opportunité de présenter un Sénégal ragaillardi et sûr de lui. D’un point de vue culturel, les JOJ favoriseront la célébration de la jeunesse africaine, sa créativité, son enthousiasme et son hospitalité. Le Sénégal, paré de ses plus beaux atours, exhibera sa richesse culturelle à la face du monde.
Les JOJ devront être le miroir d’une fierté retrouvée, le symbole d’un pays qui choisit la créativité plutôt que la morosité, la construction plutôt que la lamentation. Il faut voir dans ces jeux une chance unique de redorer le blason d’un pays dont l’image a été ternie par la mauvaise gouvernance et la dissimulation d’une dette odieuse.
Avec ces JOJ, le Sénégal doit croire à nouveau en ses forces, ses talents et sa jeunesse. D’autant plus que c’est le tout premier événement olympique qui se tient en Afrique, un moment historique qui souligne l’importance de ces Jeux pour la nation et pour le continent africain.
Les JOJ 2026 doivent être le cri du cœur d’une nation qui renaît.
Dr Khadim Ndiaye
Montréal, Canada


