Plus qu’un simple exploit, la victoire des Lions du Sénégal face à l’Angleterre, le 10 juin 2025 à Nottingham, symbolise l’avènement d’une nouvelle ère : celle d’un collectif parfaitement huilé, bâti autour d’un 4-3-3 audacieux, porté par un sélectionneur qui s’affirme et assume pleinement ses choix.
Depuis sa prise de fonction, Pape Thiaw n’a jamais caché ses intentions de faire évoluer le jeu des Lions. Sous ses ordres, l’équipe nationale de foot joue haut, joue vite, joue juste. Face à l’Angleterre, son 4-3-3 a été appliqué dans toute sa rigueur : un milieu technique et mobile, des animations offensives tranchantes sur les côtés, et un pressing constant dès la relance adverse. Une partition tactique maîtrisée, qui tranche nettement avec les versions antérieures des Lions, souvent trop dépendantes des exploits individuels ou des fulgurances de Sadio Mané.
Une rigueur défensive retrouvée
Avec Thiaw, la ligne défensive sénégalaise affiche à nouveau une solidité rassurante, portée par un Edouard Mendy impérial dans ses cages. Le gardien d’Al Ahli, malgré le tumulte de ces derniers mois, n’a rien perdu de son explosivité ni de ses réflexes décisifs. Devant lui, la charnière centrale formée par le capitaine Kalidou Koulibaly et Moussa Niakhaté inspire confiance : impact physique, lecture du jeu et relances propres sont au rendez-vous.
Sur les côtés, Krépin Diatta à droite et Malick Diaw à gauche incarnent parfaitement l’identité de jeu prônée par Thiaw : rigueur défensive, projections tranchantes et volume de jeu. Tous deux n’hésitent pas à se muer en soutiens offensifs tout en verrouillant leur couloir. Un bloc bas bien en place quand il le faut, mais capable aussi de presser haut à la perte.
Jackson, figure de proue du pressing
Plus qu’un simple buteur, Nicolas Jackson incarne l’attaquant moderne : capable de marquer, de délivrer des passes décisives, mais surtout d’être la première ligne du pressing. Enzo Maresca en est bien conscient à Chelsea, où il l’a installé à la pointe de l’attaque. Résultat : une qualification en Ligue des champions et un sacre en Conférence League.
Avec les Lions, Jackson n’a pas encore enfilé le costume de buteur attitré, mais il insuffle une dynamique précieuse à l’attaque par son activité incessante. Contre l’Angleterre, il a harcelé la première relance, provoqué des erreurs, et incarné ce « premier défenseur » que Pape Thiaw recherche. Et au-delà de l’intensité, il a brillé dans l’ombre : passe décisive, appels tranchants, décrochages intelligents… Jackson a livré une prestation qui conforte sa place dans ce nouveau dispositif.
Sarr – Diouf, la gauche de Thiaw
Dans cette nouvelle animation, Pape Thiaw a su tirer le meilleur de ses hommes. Positionné plus axial par exemple à l’image d’un Ousmane Dembélé au PSG avec Luis Enrique, Ismaïla Sarr a libéré le couloir gauche pour El Hadji Malick Diouf, qui s’est illustré par ses montées incisives. Résultat : des dédoublements à répétition, des centres millimétrés, et une entente technique redoutable qui a mis en grande difficulté la défense anglaise. L’égalisation de Sarr est d’ailleurs née d’un mouvement intérieur parfaitement exécuté, hérité de son rôle chez Crystal Palace.
Habib Diarra bouscule la hiérachie
En attaque, Cheikh Tidiane Sabaly et Boulaye Dia s’affirment comme de vraies options en attaque. Le premier a réussi ses débuts en sélection en portant l’estocade aux Three Lions sur le troisième but, le second bien relegué sur le banc par la concurrence, reste une référence en Serie A italienne. Au milieu, le trio Idrissa Gana Guèye – Lamine Camara – Habib Diarra semble avoir conquis la confiance du sélectionneur. Buteur contre les Three Lions et désormais plus grosse vente du Racing Club Strasbourg, le futur joueur du promu Sunderland (transfert à 37 millions d’euros en cours de finalisation), a clairement gagné ses galons de titulaire. Mais le retour de Pape Matar Sarr et la forme actuelle de Pape Guèye pourraient redistribuer les cartes.
À droite, Iliman Ndiaye a étalé toute sa classe. Percutant, technique, et appliqué, l’attaquant d’Everton semble désormais s’imposer dans la ligne offensive des Lions. Son rendement relance une interrogation majeure : quelle sera sa place lorsque Sadio Mané fera son retour ?
Mané bientôt de retour… mais à quel poste ?
Absent pour « raisons personnelles », le leader technique des Lions a manqué les deux rencontres face à l’Irlande et à l’Angleterre. Si son absence pouvait paraître problématique, elle a surtout offert à Pape Thiaw l’opportunité d’installer un projet de jeu pleinement collectif, sans dépendre des fulgurances individuelles de l’enfant de Bambaly.
Le retour annoncé de Sadio Mané pour les matchs de septembre contre le Soudan (à Dakar) et la RDC (à Kinshasa) pourrait poser une petite équation tactique pour Thiaw : où le réintégrer sans perturber l’équilibre actuel ? Le trio offensif Iliman Ndiaye – Jackson – Sarr a montré une belle complémentarité. Peut-on imaginer Pape Thiaw reléguer le meilleur buteur et passeur de l’histoire des Lions sur le banc ?
Le choix s’annonce cornélien, d’autant que la mission est claire : qualifier le Sénégal pour la Coupe du monde 2026 (États-Unis – Canada – Mexique). en place. Le Sénégal joue son avenir en qualifications, et le sélectionneur, lui, joue a coup sûr le sien sur le banc des Lions.
C.G. DIOP