Deux tragédies, deux clubs, deux attitudes diamétralement opposées face à la mort. Le décès de Diogo Jota le 3 juillet 2025 dans un accident de la route et celui d’Emiliano Sala le 21 janvier 2019 dans un crash d’avion ont bouleversé le monde du football. Mais si la douleur des familles reste universelle, la gestion humaine, financière et juridique de ces drames par les clubs concernés soulève une question de fond : où commence la responsabilité d’un club, et jusqu’où va le devoir moral ?
Liverpool, l’élégance dans le deuil
D’un côté, Liverpool, endeuillé par la disparition brutale de Jota, a choisi de faire preuve d’une dignité exemplaire. Le club a immédiatement annoncé qu’il verserait l’intégralité des deux années restantes de salaire du joueur à sa famille, soit environ 15,5 millions d’euros l’équivalent de 10,1 milliards FCFA. Un geste fort, sans contrainte judiciaire, mû par la conviction des Reds que le lien entre un club et son joueur va au-delà du contrat, surtout quand une vie s’éteint brutalement. Liverpool a également retiré le maillot n°20 de Jota, décalé sa reprise d’entraînement et délégué joueurs et dirigeants aux obsèques. Ici, la compassion a dicté la conduite du club.
À l’opposé, le FC Cardiff City, après la disparition d’Emiliano Sala en janvier 2019 lors de son voyage vers le Pays de Galles pour rejoindre son nouveau club, a choisi la voie de la contestation judiciaire. Le transfert de Sala, conclu entre Nantes et Cardiff pour 17 millions d’euros, avait été signé et médiatisé. Pourtant, après l’accident, Cardiff a refusé de verser la somme due, arguant que le transfert n’était pas finalisé. Il a fallu des années, une décision de la FIFA, une confirmation par le Tribunal Arbitral du Sport (TAS), puis un rejet définitif du recours par le Tribunal Fédéral Suisse, pour que le club gallois s’exécute, en juin 2023, en payant enfin le montant du transfert.
Mercedes Taffarel, la mère d’Emiliano Sala, s’est confiée à L’Equipe quelques mois après le drame. Elle estimait que les dirigeants de Cardiff n’ont « pas pris soin » de son fils après le drame. Elle déversait sa « en colère » et réclamait « justice ». « Le contrat est signé. Je ne sais pas pourquoi ils ne veulent pas payer. On a vu les images, on a vu les photos. Sa signature était posée sur un papier. », fulmunait-elle.
Cardiff, la bataille judiciaire
Mais l’affaire ne s’est pas arrêtée là. Cardiff réclame aujourd’hui plus de 120 millions d’euros à Nantes, invoquant un préjudice économique lié à la disparition de Sala, qu’ils n’ont jamais vu évoluer sous leur maillot. Une démarche jugée cynique par de nombreux observateurs, quand la famille du joueur attend toujours un véritable geste d’indemnisation ou de reconnaissance.
Dans ce contexte, le contraste est saisissant. Liverpool a agi dans un esprit de responsabilité morale, considérant que l’engagement envers un joueur ne s’éteint pas avec sa vie. Cardiff, au contraire, s’est accroché à une lecture strictement contractuelle et juridique, contestant jusqu’au bout, et poursuivant même en justice les Canaris pour « compensation ».
C.G.D