Mettre en avant son surnom et cacher sa vraie identité sont des manières subtiles pour les lutteurs de se protéger contre des attaques mystiques. Un phénomène qui est devenu général. Et dans ce sport, on en a vu de toutes les bizarreries.
Le surnom trouve parfois ses racines dans le besoin de distinguer les individus au sein d’une communauté. Il est souvent choisi par un individu pour cacher son patronyme ; ce qui est fréquent dans le milieu de la lutte où le mystique occupe une grande place. C’est pour cette raison que les acteurs préfèrent cacher leurs vrais noms à l’état civil. En réalité, pour marabouter un protagoniste, il faut connaître sa vraie identité, puisque les litanies et autres divinations mystiques sont faites sur la base des nom et prénom de la personne ciblée. Même le communicateur traditionnel Hypo Ngary est littéralement paralysé par cette crainte mystique. Interrogé sur son vrai nom, il a dit niet, estimant que «cela risquerait de l’exposer sur le plan mystique».
Préparateur mystique de Modou Lô, Serigne Ndiaye a donné une explication occulte à ces noms d’emprunt. «Il est difficile que les lutteurs dévoilent leurs vrais noms qui sont pourtant mentionnés dans leurs contrats. C’est le cas de Modou Lô qui s’appelle Doudou Lô. Balla Gaye 2, lui, s’appelle Omar Sakho », a-t-il informé. Doudou est dérivé de Modou, un diminutif de Mohamed. L’ami intime du « Roc » de Rock Énergie est d’avis qu’on peut effectivement atteindre mystiquement un lutteur à travers son nom d’emprunt. Grand marabout qui travaille avec plusieurs champions de lutte, dont Modou Lô, Serigne Djibril Niang a confirmé cette affirmation de Serigne Ndiaye. « Il est vrai que pour marabouter un individu, on a besoin de son vrai nom et de celui de sa mère. Mais, on peut bien atteindre mystiquement quelqu’un par son surnom.
Le fait de répondre par son surnom qui est connu par tout le monde suffit pour l’envoûter », explique-t-il. Pour lui, il est tout de même difficile pour les marabouts d’exorciser les jeunes lutteurs dont les combats sont tardivement régularisés au niveau du Cng. Mais, pour le communicateur traditionnel, Bécaye Mbaye de la 2Stv, « le fait de se surnommer n’a rien d’occulte ».
D’autres raisons sous-tendent ces noms d’emprunt chez certains lutteurs. C’est le cas de ceux qui ont, à l’état civil, des noms qui renvoient à ceux des guides religieux. Nous avions connu cela avec le lutteur Khadim Sarr de l’écurie Falaye Baldé. En cas de bagarre ou de défaite, certains talibés mourides ne cautionnaient pas qu’on dise que « Khadim », qui renvoie à Cheikh Ahmadou Bamba ou Khadim Rassoul, était malmené ou battu. Il avait été contraint de changer de surnom pour s’appeler « Boy Sarr ». Aussi, il y en a qui ont tiré leurs surnoms de leurs vrais noms civils. C’est le cas de Siteu qui est le diminutif de « Sita » ou « Siteu ».
Abdoulaye Dembélé