Après 2013 et 2021, Mady Touré brigue une nouvelle fois le fauteuil de président de la Fédération sénégalaise de football (Fsf). Le fondateur de l’Académie Génération Foot propose une vision nouvelle et durable pour bâtir un modèle de gestion ancré dans la compétence, la transparence et l’excellence. Dans cet entretien, il revient sur les enjeux, son programme « Ensemble pour le changement du football sénégalais » décliné en sept axes, mais aussi les défis pour écrire une nouvelle page glorieuse de notre football.
Vous êtes candidat à la présidentielle de la Fédération. Qu’est-ce qui motive cette candidature ?
Je dois d’abord dire que cette candidature, c’est une candidature à titre collectif. Depuis 2013, je suis candidat pour le fauteuil de président de la Fédération. En 2021, j’ai été motivé par plusieurs choses. Le football est devenu une économie et je me suis toujours dit que je pouvais apporter ma contribution au développement de mon pays. C’est ce qui m’a toujours motivé à vouloir être candidat, pour apporter une touche nouvelle au développement de notre football, en instaurant une vision claire, partagée et ambitieuse afin de transformer le football sénégalais en une force compétitive, inclusive et moderne. Mon ambition, c’est de redonner au football sénégalais son âme collective et son efficacité structurelle. J’ai donc pensé que c’était le moment opportun de revenir pour pouvoir aussi toucher les points essentiels de notre football.
Après 2013 et 2021 donc, vous présentez encore votre candidature. Est-ce qu’on peut dire que c’est le bon moment pour Mady Touré ?
Vous savez, je ne peux pas dire qu’avec cette élection mon heure a sonné, mais mon heure a toujours sonné, c’est une décision divine. Je suis convaincu de cette candidature, donc je dois avoir les pieds sur terre, travailler et convaincre les acteurs. Parce que si ça dépendait du peuple sénégalais, je pourrais dire que mon heure a sonné, mais ce sont les représentants des clubs qui votent, qui vont décider le samedi 2 août qui prendra les destinées de notre football. Ce qui est certain, c’est que nous proposons un programme bien défini ; un programme ambitieux qui repose sur 7 axes, à savoir une gouvernance rénovée et contractuelle, le renforcement du football amateur, la valorisation et le marketing transformationnel du football, le leadership et la professionnalisation du football féminin, la rénovation de la Direction technique nationale, l’accord quadripartite entre la Fsf, l’État, les collectivités territoriales, la Caf et la Fifa ainsi que les partenariats, mais aussi et surtout la politique sociale ou le football comme levier social. C’est une vision claire, audacieuse et durable pour bâtir un nouveau modèle de gestion, ancré dans la compétence, la transparence et la rigueur.
On a vu que Mady Touré s’appuie sur une task-force vraiment impressionnante. Quels sont les défis d’ici le 2 août ?
Je ne parlerai pas de défis, mais plutôt d’objectifs. Parce que vu mon parcours, j’ai de très bons arguments à proposer aux acteurs. Mon parcours a été fait collectivement. C’est pour cette raison que je m’y suis appuyé pour parler aux autres. Aujourd’hui, Djamil Faye, Babacar Ndiaye et Algaf Diagne, qui travaillent avec moi, sont de fortes personnalités dans le football sénégalais. Chacun de ces présidents a apporté quelque chose à son club. Si je prends l’exemple d’Algaf Diagne, il est le président de Wally Daan de Thiès, qu’il a réussi à hisser en Ligue 1. Babacar Ndiaye a réalisé de belles choses avec Teungueth Fc qui a été champion du Sénégal en 2021. Quant à Djamil Faye, on ne l’a pas laissé travailler avec Guédiawaye Fc, mais il est en train de faire un excellent travail avec Jappo olympique club de Guédiawaye. Djamil exerce aujourd’hui son talent à l’international et je l’ai convaincu de revenir au bercail pour apporter son savoir-faire au football sénégalais. Au-delà de ces trois personnes, il y a Aboubakry Ba qui s’occupe de notre communication et qui a fait ses preuves. C’est pour dire que cette task-force, c’est tout un ensemble, et c’est cet ensemble-là qui nous donne ce slogan-là : « Ensemble pour le changement du football sénégalais ». C’est une équipe professionnelle et résolument engagée à apporter ce changement tant attendu et écrire un nouveau chapitre de notre football.
Je suis un fédérateur, j’appelle toutes les personnes de près et de loin, dans la discipline, à rejoindre notre cause et porter notre ambitieux programme. C’est un programme bien étudié et chacun a apporté sa touche personnelle. C’est cela la nouveauté dans notre candidature.
Cette année, sept candidats briguent la présidence de la Fédération. Cela veut dire que les enjeux sont énormes ?
Oui, on peut dire qu’avec sept candidatures, les enjeux sont « très » énormes. Aujourd’hui, le football, c’est la première fédération partout dans le monde. Si je prends à titre d’exemple le Brésil, on sait qu’en matière de football, il y a une pression énorme. C’est pareil au Sénégal. Moi, j’aime ce genre de défis pour montrer ce que nous sommes capables d’apporter au changement. Et c’est ce que nous sommes en train de faire pour pouvoir mettre ce canevas de travail, d’avoir une bonne organisation, parce que quoi qu’on puisse dire dans le football, s’il n’y a pas une bonne organisation, on ne peut pas avoir une bonne fédération. Et le fait que le football soit devenu une économie nous impose de former des hommes en passant d’abord par les clubs, et aussi avoir l’appui de l’État, qu’il soit, à un moment donné, à nos côtés. Mais nous devons également soulager l’État et pour ce faire, nous devons avoir un dossier bancable pour que tout le monde se voie dedans, que les clubs soient autonomes et qu’il n’y ait plus de mécénat.
Quelle est la place de la gouvernance et de la transparence dans votre programme ?
Quand on prend le premier axe de notre programme, on parle de gouvernance rénovée. Et dans cette gouvernance rénovée, il y a trois points essentiels que nous devons nous focaliser à changer. Aujourd’hui, pour avoir une fédération forte, il nous faut un directeur général qui sera chargé de gérer la fédération comme une société. Quand on parle de gérer la fédération comme une société, cela implique forcément le changement des textes. Si c’était fait auparavant, on n’en serait pas là aujourd’hui à dire que Augustin Senghor n’aurait pas brigué un quatrième ni un cinquième mandat, parce que nos textes ne prévoient pas la limitation des mandats, donc lui permettent d’être toujours candidat. Donc, la révision des textes est notre premier chantier. En changeant les textes avec une limitation de trois mandats de quatre ans en norme avec la Fifa, soit douze ans au grand maximum. Pour ce qui est de la nouvelle gouvernance, il y a la protection des joueurs. Ces dernières années, il y a eu tellement de problèmes entre les joueurs et les clubs que nous avons décidé de créer une charte pour mettre fin à ces impairs. C’est cette nouvelle gouvernance avec une gestion éthique et efficace que nous allons mettre en place pour pouvoir équilibrer notre football.
Vous êtes président de club et candidat à la fédération. Comment comptez-vous changer la donne ?
Pour changer la donne, je commencerai par démissionner de la présidence de Génération Foot. Je ne ferai pas de cumul, parce que je dois être un président juste. Aujourd’hui, si vous voyez mes 7 points, cela veut dire 7 points, 7 jours de travail. C’est dire que la Fédération, ce n’est pas une mince affaire. Je serai donc essentiellement au service de la Fsf et ma seule préoccupation sera la gestion du football sénégalais. Donc, quand on nomme un directeur général, on doit être à ses côtés pour l’épauler, pour relever les défis surtout dans le domaine du marketing. Car il nous faut une très bonne politique marketing, qui permettra à la fédération d’avoir une certaine autonomie. Nous n’allons pas nous focaliser sur les marchés de l’équipe nationale, ça ne fait pas partie de notre programme. Nous devons aller chercher d’autres ressources additionnelles pour assurer l’autonomie de la Fédération. Même si on ne doit plus demander de l’argent à l’État, nous demanderons, en premier lieu, l’accompagnement de l’État à travers des recommandations, des lettres de confort. Nous allons nous inspirer du système marocain. L’État marocain ne donne pas d’argent ; ce sont les sociétés qui aident la Fédération et la Fédération aide les clubs. C’est ce processus que nous comptons mettre en place. Nous allons donc travailler main dans la main afin que chacun puisse apporter sa contribution pour que nous puissions avoir une Fédération très forte, encore plus performante.
Quelle stratégie comptez-vous mettre en œuvre pour qu’on puisse avoir un championnat fort, parce que notre championnat n’est pas attractif aussi ?
C’est vrai que notre championnat n’est pas attractif. La raison est que nous n’avons pas eu d’études marketing. Et aujourd’hui, si on n’a pas une bonne communication, on ne va pas avoir un bon football. Donc nous allons faire du football amateur le socle de notre football et je me suis engagé à ce que le poste de premier vice-président de la Fédération revienne au football amateur. C’est pour bien dissocier les rôles, pour que chaque membre du Comex puisse jouer sa partition, apporter sa contribution parce que chacun aura un rôle à jouer, avec des objectifs bien précis. Donc, pour pouvoir avoir un championnat fort, il faudra beaucoup miser sur la formation, la petite catégorie surtout, et que les tout jeunes jouent. La base d’un football performant, c’est à l’éveil. Nous allons donc commencer par l’éveil pour aller à l’excellence. Nous avons aussi ce manque d’infrastructures qui constitue un frein pour le bon déroulement du championnat. Nous allons donc moderniser les infrastructures sportives en collaboration avec l’État pour répondre aux exigences de la Caf et de la Fifa. Nous allons aussi pouvoir structurer pour avoir un bon championnat professionnel. Babacar Ndiaye est candidat à la présidence de la Ligue sénégalaise de football professionnel (Lsfp). Je suis convaincu que si demain il est élu, nous pourrons avoir un football professionnel digne de son nom, parce que la ligue sera gérée par des gens qui s’y connaissent.
Entretien réalisé par Samba Oumar FALL