Formé dès l’enfance par son père, maître Dame Seck, Mouhamadou Rassoul Seck, s’est imposé en -97 kg lors du dernier championnat d’Afrique de hand-to-hand fighting au Maroc (26-28 septembre). Calme, discipliné et habité par la rigueur du Budo, le jeune champion de 19 ans incarne l’avenir des arts martiaux sénégalais. Nous l’avons rencontré à Yoff, le vendredi 24 octobre 2025, lors du stage dirigé par l’expert marocain Mouhamed Dellale.
Le soleil décline sur le Centre aéré de la Bceao à Yoff. Sur le tatami, les frappes claquent au rythme des consignes précises de Mouhamed Dellale. Dans un coin, un jeune homme au regard calme et aux dreadlocks serrées répète ses enchaînements avec concentration. Aucun geste de trop, aucune parole inutile. C’est Mouhamadou Rassoul Seck, champion d’Afrique des -97 kg, tout juste revenu du Maroc avec l’or autour du cou. À 19 ans, il n’a rien d’un champion tapageur. Il avance à pas mesurés, le sourire discret. « Je ne parle pas beaucoup, je préfère prouver par le travail », confie Rassoul entre deux respirations, essuyant la sueur de son front. Son calme impressionne presque autant que sa détermination. À ses côtés, deux coéquipiers (Ababacar Seck -62 kg) et Mahmoud Barry -67 kg) ainsi que son père observent attentivement la séance.
Chez les Seck, les arts martiaux sont plus qu’un sport : c’est une tradition, une manière de vivre. «On commence à s’entraîner dès qu’on tient debout », raconte Rassoul, sourire en coin. Son père, fondateur du Sama-Do, lui a transmis très tôt les principes du Budo : respect, maîtrise de soi, rigueur. « Je n’ai pas encore un grand palmarès, ce qui faisait douter de mes capacités à rivaliser au niveau continental. Mais j’ai remporté un tournoi interclubs de taekwondo à 11 ans et participé à un tournoi international de Sama-Do en Gambie en 2021 », précise-t-il, le regard empreint de modestie.
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Rassoul a exploré plusieurs disciplines : taekwondo, hapkido, kick-boxing, taekwon-do Itf, avant de s’orienter vers le Mma, puis le hand-to-hand fighting. « C’est un art complet : il faut savoir boxer, frapper avec précision, lutter, se défendre au sol et garder son sang-froid », résume-t-il. Sa victoire à Marrakech n’est pas le fruit du hasard. En février, il rejoint l’équipe nationale pour six mois de préparation intensive. Trois combattants, deux encadreurs et un seul mot d’ordre : discipline. « On savait que le Sénégal avait sa carte à jouer», raconte-t-il. Sur le sol marocain, Rassoul a livré des combats maîtrisés et stratégiques, sans jamais céder à la précipitation.
Derrière ce parcours sportif, se cache un jeune homme curieux et studieux. Après la classe de 3e, il s’oriente vers la formation professionnelle : à Rabat, il devient technicien réparateur et programmeur de smartphones. De retour à Dakar, il enchaîne les formations en infographie, audiovisuel et marketing digital. « J’aime apprendre, découvrir de nouvelles choses. Le sport m’a appris la rigueur, et je l’applique dans tout ce que je fais», confie-t-il.
Dans la salle, l’ambiance monte. Mouhamed Dellale corrige un mouvement, maître Seck observe. Rassoul écoute, hoche la tête, puis reprend son travail, précis et fluide. Aucun signe de suffisance, juste l’envie de progresser. Son père commente simplement. « Il a compris que le vrai combat, c’est contre soi-même », glisse-t-il. Alpha Boiro, 4e dan de hapkido et élève de maître Dame Seck, est aussi soulagé par ce qu’il voit. «Rassoul est très jeune, plein de potentiel et sérieux dans le travail. Il réalisera d’autres exploits », témoigne-t-il.
Quand le stage s’achève, Rassoul salue ses camarades et range son kimono vert clair. Son calme tranche avec la tension du combat, mais derrière ce masque tranquille se cache un compétiteur redoutable. Le jeune « Lion » du hand-to-hand sénégalais n’a peut-être pas encore rugi à pleins poumons, mais son pas est sûr, et son regard déjà tourné vers l’avenir.
Abdoulaye DEMBÉLÉ


