Elle a défié les conventions et gravé son nom dans l’histoire de la lutte sénégalaise. Ndèye Siga Soumaré, Professeur d’éducation physique et sportive (Eps), arbitre internationale et vice-présidente du Crg de lutte de Thiès, incarne l’excellence et la persévérance, tout en montrant aux femmes qu’elles ont aussi leur place dans les arènes.
Au croisement de la passion et de l’excellence, Ndèye Siga Soumaré bouscule les codes de la lutte sénégalaise. Elle transforme sa passion en carrière exemplaire, imposant rigueur et équité tout en ouvrant la voie aux femmes dans un univers longtemps réservé aux hommes. Son teint noir profond capte la lumière, ses lunettes d’intellectuelle encadrent un regard attentif, sa tenue de sport témoigne de sa discipline, et son ton, doux mais empreint de sérieux, impose immédiatement le respect. Dès son enfance, Ndèye Siga Soumaré baigne dans le monde du sport. Les Associations sportives et culturelles (Asc) sont son premier terrain d’apprentissage. Entre jeux collectifs, courses et premiers contacts avec la lutte sénégalaise, elle découvre très tôt l’importance de la discipline, du respect des règles et de la combativité. Les lutteurs qui se produisent lors des tournois de quartier l’inspirent et éveillent en elle une fascination pour ce sport où force et technique se conjuguent. « J’ai appris à aimer la lutte grâce à ma formation au Centre national d’éducation populaire et sportive (Cneps) de Thiès », se souvient-elle avec un sourire. Sortie major de la troisième promotion de l’établissement, elle ne se distingue pas seulement par ses performances physiques, mais aussi par son engagement intellectuel. Il s’agit de comprendre les règles, d’analyser les mouvements, de saisir la stratégie de chaque lutteur. Cette double exigence, physique et mentale, devient sa signature.
Un virage vers la lutte
En 2016, un stage au service départemental des Sports de Thiès change sa trajectoire. Sur proposition du chef de service, Mame Moussa Cissé, elle suit la formation d’arbitrage. Deuxième de sa promotion, elle découvre un univers exigeant où chaque décision peut être contestée, où la rigueur des textes et la rapidité de réflexion sont cruciales. « Ce stage m’a permis de comprendre que l’arbitrage n’était pas seulement une question de jugement, mais un véritable métier qui nécessite rigueur, patience et impartialité », explique-t-elle. Très vite, elle s’immerge dans les compétitions locales, apprenant à gérer la pression, à anticiper les mouvements des lutteurs et à rester concentrée malgré l’agitation des gradins. Après sept années de pratique acharnée, Ndèye Siga obtient le grade régional et sort major de sa promotion. Sa carrière décolle véritablement lorsqu’elle est nommée première vice-présidente du Comité régional de gestion (Crg) de la lutte de Thiès, chargée de la lutte olympique. Elle participe activement à la formation des jeunes lutteurs et à la structuration technique des compétitions. Lors des éditions du Drapeau du chef de l’État (Dce), elle fait partie de la commission technique, informant l’équipe sur le règlement et l’arbitrage, et veillant à ce que chaque décision soit juste et conforme aux textes. « Ces expériences m’ont permis d’acquérir une vision plus professionnelle de la lutte, loin des clichés de folklore », souligne-t-elle.
La force tranquille d’une arbitre internationale
Sa passion pour le sport devient également un moteur pour son développement personnel : chaque compétition, chaque arbitrage est une occasion d’apprendre, de progresser et de perfectionner ses compétences. Ancien président du Crg de Thiès et du Comité national de gestion (Cng) de lutte chargé de la lutte avec frappe, Meïssa Ndiaye ne tarit pas d’éloges sur la jeune dame : « J’ai connu Siga lorsqu’elle venait de réussir sa formation d’entraîneur initiateur.
C’était d’ailleurs la première session de formation que j’avais organisée en tant que président du Crg de Thiès, et elle en est sortie avec brio. Chaque fois qu’elle participait à une compétition de lutte, elle se donnait corps et âme, ce qui traduisait tout l’amour qu’elle a pour ce qu’elle fait ». Meïssa ajoute : « C’est une bonne épouse, une bonne maman puisque je connais son époux. C’est aussi une excellente arbitre. Elle mérite d’être accompagnée, car elle aime obtenir des résultats ». Dans un milieu souvent dominé par les hommes, Ndèye Siga se distingue par sa sérénité et sa rigueur. « Dieu merci, j’ai su être acceptée par le public grâce à ma sérénité et ma rigueur », affirme-t-elle. Sur le terrain, elle ne laisse transparaître aucune faiblesse ni peur. Zen et méthodique, elle applique strictement les textes et règlements, considérant l’impartialité comme sa première arme et la sérénité comme la seconde. « Les textes et rien que les textes… je les applique et je reste en paix avec ma conscience », précise-t-elle. Président de la Commission régionale des arbitres de Thiès, Aboubacry Dramé ne cache pas son admiration : « Je peux en dire beaucoup sur elle. Je l’ai vue naître et j’ai participé à son éducation. C’est une personne sincère, rigoureuse, passionnée et d’une grande simplicité. Dans l’enceinte, elle s’impose par son autorité naturelle et son impartialité, en appliquant les règles d’arbitrage avec justesse. Ndèye Siga est aussi une femme très ambitieuse, toujours en quête d’excellence ». « Mentalement, il est essentiel de rester concentrée et objective. Physiquement, il faut savoir se déplacer rapidement, s’orienter dans l’aire de jeu et collaborer efficacement avec les juges-arbitres », note-t-elle, le visage radieux. La professeure d’Eps raconte un souvenir marquant. Il s’agissait d’un combat intense entre deux lutteurs célèbres, où les spectateurs hurlaient et tentaient d’influencer ses décisions. « J’ai simplement appliqué les règles, sans me laisser distraire. À la fin, tout le monde m’a respectée pour mon impartialité. C’est ce respect qui compte, pas les applaudissements », raconte-t-elle, lourde de fierté.
Bien qu’elle ne soit pas la première femme arbitre au Sénégal, Ndèye Siga est l’une des rares à atteindre le niveau international.
Parallèlement, seules deux autres arbitres femmes possèdent aujourd’hui le grade départemental. Son parcours devient un modèle de persévérance et de réussite, prouvant que les femmes ont toute leur place dans la lutte, à tous les niveaux. « J’aimerais servir d’exemple de persévérance et de bravoure, et montrer à toutes les femmes que c’est possible », déclare-t-elle avec conviction. « Il suffit d’y croire, même si les contraintes sont importantes. Je souhaite une belle carrière à mes sœurs collègues arbitres », avoue-t-elle, très modeste.
Un modèle de persévérance et de réussite
Pour Ndèye Siga, l’ambition ne connaît pas de limites. Elle nourrit le rêve de servir dans les instances sportives au plus haut niveau international, que ce soit dans l’arbitrage, l’administration ou la gestion sportive. Chaque combat arbitré, chaque décision prise sur le terrain, chaque initiative dans les structures de la lutte lui permet de se rapprocher un peu plus de cet objectif. Même si elle ne retient pas les noms des lutteurs, chaque rencontre reste pour elle un apprentissage, une occasion de renforcer ses compétences et de perfectionner sa maîtrise des textes. « Chaque combat est unique dans la mesure où il m’enseigne toujours quelque chose de nouveau, que ce soit sur le plan technique, stratégique ou humain », explique-t-elle. Ndèye Siga Soumaré incarne la réussite dans un milieu où l’excellence et la rigueur sont indispensables. À travers son parcours, elle montre qu’avec détermination, passion et discipline, il est possible de briser les barrières et de s’imposer dans un environnement exigeant. Pour les jeunes lutteurs et surtout pour les jeunes femmes, elle reste un symbole d’engagement et de persévérance. Elle prouve que, dans la lutte comme dans la vie, la sérénité et l’impartialité sont les clés du succès, et que la passion, lorsqu’elle est accompagnée d’un travail acharné, peut devenir une véritable carrière internationale.
Avec Ndèye Siga Soumaré, la lutte sénégalaise gagne non seulement une arbitre de talent, mais aussi une ambassadrice qui inspire le respect et la confiance partout où elle intervient.
Par Abdoulaye DEMBÉLÉ