Sans rien broder de son parcours, beaucoup d’observateurs considèrent Oumar Kane dit « Reug Reug » comme le « meilleur lutteur » de tous les temps en lutte traditionnelle sans frappe au Sénégal.
En lutte avec frappe, il affiche au compteur 15 victoires, 2 sans verdict et 1 défaite en 18 combats. Le 8 novembre dernier, en Mma (Mixed martial arts), l’enfant de Thiaroye est devenu le champion du monde des lourds de la One Championship après son triomphe historique face au Russe Anatoliy Malykhin. Une victoire qui fait de lui l’une des valeurs sûres du Mma africain et mondial. Portrait d’un éternel combattant !
Oumar Kane dit « Reug Reug » sur le toit du monde ! C’est en Mixed martial arts (Mma). Le lutteur sénégalais est entré dans l’histoire de cette discipline en venant à bout de Anatoliy Malykhin, lors du combat pour le titre de champion des poids lourds de la One Championship, organisation reine en Asie. « Reug Reug » avait pourtant envoyé un message fort au champion russe après sa victoire sur Marcus « Buchecha » Almeida, 17 fois champion du monde de Bjj (jiu-jitsu brésilien) et invaincu du Championnat One poids lourd en Mma.
Une victoire qui marque un tournant dans sa carrière. Sa victoire est d’autant plus remarquable que Malykhin n’avait, auparavant, jamais perdu le moindre combat. Avec cet exploit historique, « Reug Reug » est devenu le premier Sénégalais champion d’une grande organisation de Mma et au Sénégal, on ne cesse de s’en réjouir. Un accueil triomphal lui a été réservé, vendredi 15 novembre, lors de son retour au bercail. « Avec ce titre mondial qu’il a décroché, Reug Reug a offert à son fief, Thiaroye, ce qu’il n’a jamais eu comme trophée ou titre », se félicite Ousmane Diop, ancien lutteur de Thiaroye et l’un des meilleurs de sa génération. « Reug Reug » est venu de très loin. Son père Diagar Kane est décédé alors qu’il était un jeune garçon.
Avec ses deux frères et sœurs, il vivait avec leur mère. Les moyens leur faisant défaut pour subvenir à leurs impérieux besoins, leur oncle paternel, Aladji Kane, a assumé le rôle de gardien de la famille. Le lutteur n’a jamais oublié ce soutien : « Mon oncle a pris soin de nous; il estimait que c’était désormais sa responsabilité ». D’où est venu son surnom ? « C’est encore mon oncle qui m’a donné le surnom de Reug Reug. Il a toujours pensé que j’avais un esprit et une attitude de guerrier. C’est ce qui l’a poussé à me donner ce surnom de Reug Reug », explique le lutteur. Ce nom était celui d’un personnage d’un téléfilm sénégalais qui passait à la télévision nationale, il y a plus de trente ans. Le jeune Oumar Kane ne pouvait échapper à la pratique de la lutte. Son grand-père paternel, Modou Kane, nous dit-on, était un lutteur très talentueux. Son grand-père maternel, Modou Diène, était également un grand champion de lutte. « Reug Reug » avait donc la lutte dans le sang. Il avait la légitimité pour devenir un champion de lutte.
ENTRÉE TIMIDE DANS L’ARÈNE
C’est en 2010 que le jeune Oumar Kane a été confié au manager Palla Diop. « Il n’avait pas de carte nationale d’identité et était obligé de me présenter une copie de son extrait de naissance pour lui en trouver », révèle Palla Diop. Lorsqu’ils se sont rendus au Cng, informe-t-il, le Directeur administratif leur avait notifié que l’athlète ne pouvait pas avoir de licence en frappe. « On lui avait conseillé de démarrer par la lutte simple où il a fini par réaliser de très grands exploits et gagné de nombreux trophées », se réjouit le manager. Le 25 décembre 2011, « Reug Reug » livre son premier combat contre « Clinton » de l’écurie Walo.
Ce dernier est déclaré vainqueur après une chute qui n’était pas claire. N’acceptant pas le verdict, l’enfant de Thiaroye introduit alors un recours devant la Commission règlements et discipline du Cng. Après avoir visionné les vidéos de l’affrontement, la Commission décide de casser la décision arbitrale et d’en faire un sans-verdict. Avec ce résultat mitigé, d’aucuns considéraient que le petit-fils de Pape Kane avait fait une entrée timide dans la lutte avec frappe. Trois mois après ce combat contre Clinton, il a rectifié le tir en battant Alioune Sèye Jr de Jaxaay (11 mars 2012), avant de dicter sa loi à Boy Niague 2 (15 avril 2012) et à Boy Diouf (20 mai 2012), et terminé en beauté sa saison 2011-2012.
À l’époque pensionnaire de Thiaroye-Cap-Vert, il a suivi sa voie, écrasant sur son passage Obama (7 février 2014), Sa Ngoumbeu (22 juin), Bazooka Bou Ngoye (2 mai 2015). Des succès qui lui ont donné des ailes et permis de titiller les champions des paliers supérieurs. Et pour démontrer sa vraie suprématie, « Reug Reug » a dominé Fall Yarakh (6 juin 2016). Après ce triomphe, aucun espoir ne pouvait refuser d’en découdre avec lui. C’est ainsi qu’il a balayé Balla Gaye Jr (30 janvier 2016) avant d’étouffer Brise-de-Mer.
Sa machine huilée, « Reug Reug » devait réussir des tests face à des lourds. Déjà costaud mentalement et techniquement, il part en mission commando contre Bébé Saloum (4 février 2017) et Jordan (22 mai 2017) que l’ancien champion d’Afrique de sa catégorie (+100 kg) a écrasé. Il poursuit sa route pour épingler Elton de l’école Balla Gaye (31 mars 2018), puis Gris 2 de Fass (15 juin 2019). « Gouye Gui » de l’école Mor Fadam (20 février 2022) fut ajouté à la liste de ses victimes. Ces fructueuses sorties lui ont permis de monter très vite en puissance, avant de connaître un coup d’arrêt.
Son ascension sera freinée par Sa Thiès (5 mars 2023). Mais « Reug Reug » réussira à rebondir après sa prouesse face à Bombardier (24 décembre 2023) ; un succès qui lui a permis d’intégrer le cercle des Vip. L’actuel champion du monde de la One Championship devait défier, le 1er janvier 2025, Boy Niang 2 de Pikine. Une blessure inattendue de son protagoniste a provoqué le report de l’affiche tant attendue. Son manager, Palla Diop, demeure convaincu que Reug Reug deviendra « Roi des arènes ». Gris 2 qui a enregistré l’unique défaite de sa carrière contre « Reug Reug » témoigne: « Lorsque j’avais accepté de lutter avec Reug Reug, beaucoup de mes proches n’étaient pas en phase avec moi. Je ne pouvais pas l’éviter, conscient qu’il était un champion en devenir. Je m’étais dit qu’il fallait l’affronter ; je l’ai fait et il m’a battu».
Le petit-frère de Gris Bordeaux affirme que « Reug Reug a de l’avenir dans l’arène et dans le Mma, car il a tout ce dont a besoin un athlète pour réussir ».
RÉVÉLÉ EN MMA EN 2019
Ayant fait ses preuves en lutte avec frappe, Reug Reug (32 ans, 1m93, 120 kg) fait une immersion dans le Mma par Ares 1 Fc. C’était à l’occasion du premier événement de l’entité française organisé le 14 décembre 2019 au Musée des civilisations noires à Dakar. L’organisation Ares fighting Championship, première ligue afro-européenne, avait décidé d’organiser ce premier événement majeur de Mma en Afrique. Le choc entre l’expérimenté Sofiane Boukichou, vétéran du Cage Warriors, l’une des meilleures organisations européennes, et « Reug Reug» avait polarisé toutes les passions. La «Foudre » de Thiaroye avait réussi ce premier test avec talent.
Homme d’affaires et grand amoureux de notre sport traditionnel, Leyti Sène a fabriqué de toutes pièces le jeune Oumar Kane, qui devint plus tard son poulain. « J’ai fait la connaissance de Reug Reug en 2013. Sa maman et son oncle paternel me l’avaient confié afin que je puisse l’accompagner », révèle l’homme d’affaires. Dans le Mma, « Reug Reug » a fait ses débuts à la One Championship, le vendredi 22 janvier 2021, à Singapour. Il avait alors dominé le Camerounais Alain Ngalani. Leyti Sène ouvre cette page d’histoire : «On avait eu la chance de signer des contrats avec Ares, une ligue française patronnée (à l’époque) par le Franco-camerounais Fernand Lopez ».
Après avoir précisé que ces contrats étaient signés en plein Covid-19, l’agent du lutteur regrette que la pandémie ait tout chamboulé puisque « Reug Reug», à cause de l’interdiction à l’époque de la pratique du Mma en France, devait livrer des combats en Allemagne, en Afrique du Sud, aux États-Unis. « On avait rompu avec Ares et signé de nouveaux contrats avec la One Championship », renseigne le chaperon de la « Foudre » de Thiaroye. Après un parcours pas du tout facile dans cette ligue, « Reug Reug » est devenu un chouchou des réseaux sociaux internationaux.
Dans ce sport qui ne cesse de gagner en popularité, il a enregistré des victoires de prestige face à des combattants pétris de qualités ; ce qui lui a permis d’écrire sa propre histoire. Et depuis le vendredi 8 novembre, suite à son triomphe face à Anatoliy Malykhin, « Reug Reug » est devenu champion du monde de cette prestigieuse ligue de Singapour. Le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, honoré par cet exploit, l’a élevé au rang de Chevalier de l’Ordre du mérite.
Aujourd’hui, son plus grand rêve est d’affronter le Camerounais Francis Ngannou, détenteur de la ceinture des champions poids lourds du Pfl, dans un duel 100% africain. Peut-il décrocher ce combat des « Géants » d’Afrique ? Pour l’expert français, Bertrand Amoussou, «Reug Reug » commence à avoir une bonne expérience. « Je ne sais pas s’il aura l’occasion de rencontrer Ngannou. Pour moi, s’il veut affronter les meilleurs, il doit aller à l’Ufc », soutient-il.
Le titre de champion du monde des lourds de la One Championship a de quoi mettre un coup d’accélérateur à la carrière de «Reug Reug» qui se prévaut d’un palmarès en Mma de 7 victoires contre 1 défaite en 8 combats. « Le chemin a été trop long et parsemé d’embuches, mais on s’était fixé des objectifs à atteindre », estime Leyti Sène, qui reconnait avoir été une valeur ajoutée dans la réussite de « Reug Reug ». Et les perspectives sont réjouissantes pour le champion Mma qui veut contribuer à la création d’emplois pour les jeunes et à la lutte contre l’immigration irrégulière.
Par Abdoulaye DEMBÉLÉ