Pour remplacer Aliou Cissé à la tête de la sélection nationale, la Fédération sénégalaise de football (Fsf) n’est pas allée chercher loin. Elle a jeté son dévolu sur Pape Thiaw. Le vainqueur du dernier Championnat d’Afrique des Nations (Chan) a profité de l’intérim qui lui a été confié après le départ de El Tactico pour montrer son savoir-faire. Son bilan de quatre victoires en autant de matches, associé à son style de management, ont fait la différence face à des concurrents comme Habib Bèye et Omar Daf. Désormais, Pape Thiaw devra montrer qu’il a les aptitudes nécessaires pour réussir le challenge qui l’attend. Le décryptage de Soleil des Sports.
Exit Aliou Cissé, bienvenue Pape Thiaw. Après dix ans passés à la tête de la sélection nationale, El Tactico a passé la main. Et c’est sur son intérimaire que la Fédération sénégalaise a jeté son dévolu. Dans la course pour conduire les destinées de l’équipe nationale du Sénégal, Pape Thiaw avait pris une sacrée avance par rapport à ses concurrents. Intérimaire lors des quatre derniers matches de l’équipe nationale du Sénégal, comptant pour les éliminatoires de la Can 2025, la patte de l’ancien entraîneur des « Lions » locaux et vainqueur du dernier Chan s’est fait sentir ; que ce soit contre le Malawi (4-0, 1-0), le Burkina Faso (1-0) et le Burundi (2-0). Pape Thiaw a convaincu plus d’un ; y compris la Fsf qui l’a confirmé à la tête des « Lions », préférant miser sur l’expertise locale. Plus de 23 ans après sa première sélection en équipe nationale du Sénégal, face à l’Ouganda, le jeune coach de 43 ans va maintenant diriger, du banc de touche, ses propres joueurs. Et son expérience en tant qu’ancien international sénégalais lui sera favorable. Badara Sarr estime que Pape Thiaw a les épaules assez larges pour diriger la « Tanière ».
Pour l’ancien coach de la Douane et du Casa Sports, Pape Thiaw a vraiment l’étoffe pour diriger cette sélection. « Durant son intérim, il a eu à faire 4 victoires en autant de rencontres. Et non point face à de petits adversaires. Il faut dire que le Burkina Faso en faisait partie. Le fait d’avoir gagné quatre matches de suite et d’avoir marqué 8 buts prouve à suffisance ses qualités », indique-t-il. Docteur Mohamed Ghandour a été l’un des premiers observateurs à souhaiter le maintien de Pape Thiaw sur le banc de la sélection nationale. Selon lui, Pape Thiaw est d’abord un choix légitime et ensuite un choix dans la continuité et dans l’intelligence de la gestion du groupe Sénégal. « On ne va pas dire que les faits m’ont donné raison, mais je pense que depuis la prise de fonction de Pape Thiaw, on a vu une autre équipe du Sénégal beaucoup plus offensive, plus audacieuse. Contre le Malawi, le Burundi et le Burkina Faso, je pense que le Sénégal a été beaucoup plus audacieux et offensif. On a eu une équipe beaucoup plus joueuse. Il y a eu aussi derrière la stabilité défensive que Pape Thiaw a apportée », a-t-il expliqué.
L’EXPÉRIENCE NIARRY TALLY ET LE SACRE AU CHAN
Très discret en dehors des pelouses, Pape Thiaw ne fait pas des vagues. Mais sur la pelouse, dans le rectangle vert, il savait prendre ses responsabilités. Ce qui l’a peut-être poussé à embrasser le métier d’entraîneur. Sans brûler les étapes, l’ancien joueur de Lausanne, en Suisse, a commencé en bas de l’échelle en prenant les rênes de l’équipe Niarry Tally-Grand Dakar-Biscuiterie en 2018. L’apprentissage est compliqué. À cause de mauvais résultats, Ngb flirte avec la relégation. Pape Thiaw est finalement remercié. Cet échec, loin d’avoir plombé les ailes de l’ancien joueur de Metz, lui a inculqué les exigences du haut niveau. Il est ensuite propulsé à la tête de l’équipe nationale locale après le décès de Joseph Koto. Ce qui semblait être un cadeau empoisonné, a permis à l’ancien « Lion » de réussir là où plusieurs de ses prédécesseurs avaient échoué. Thiaw avait la lourde tâche de qualifier le Sénégal au Chan 2022 après 11 ans d’absence. La mission est réussie face à la Guinée.
En phase finale, beaucoup ne donnaient pas cher de la peau des « Lions » locaux ; surtout que le championnat sénégalais était loin d’être une référence en Afrique. Mais, le technicien sénégalais avait insufflé une mentalité de gagneur à ses hommes. Ils ont déjoué tous les pronostics pour se hisser en finale et battre l’Algérie soutenue par des dizaines de milliers de supporteurs. Après le tir au but manqué par Kendouci, synonyme de sacre pour le Sénégal, Pape Thiaw, avant de libérer ses émotions, s’est d’abord prosterné sur la pelouse. Une humilité qui est l’une des qualités du technicien. Cette humilité n’a pas cessé de l’élever parmi ses pairs et de le propulser au sommet. Ayant cédé l’équipe nationale locale à Souleymane Diallo, Pape Thiaw est recruté dans le staff d’Aliou Cissé en mars 2024. Il poursuit son apprentissage du haut niveau et côtoie les joueurs de l’équipe nationale. En août 2024, il prend la place de Régis Bogaert au poste d’entraîneur adjoint.
Au même moment, la cote du champion d’Afrique, Aliou Cissé, était en train de s’effriter avec l’élimination du Sénégal à la Can en Côte d’Ivoire, des résultats mitigés en éliminatoires de la Can 2025 et en Coupe du monde 2026. Le compagnonnage avec l’ancien capitaine des « Lions » est mis fin le 2 octobre 2024. Pape Thiaw est logiquement choisi pour poursuivre les éliminatoires de la Can. Avec lui, la mayonnaise semble avoir pris. Durant 4 rencontres, les performances de la bande à Sadio Mané, sous les mains jugées « inexpertes » pour certains de Pape Thiaw, sont observées à la loupe. Le Sénégal écrase le Malawi (4-0) à Dakar avant d’aller gagner chichement à Lilongwe sur un coup franc de Sadio Mané dans les ultimes secondes. Les « Lions » montrent un visage plus reluisant en battant le Burkina (1-0) au Mali pour s’emparer de la tête du groupe L, avant de boucler les éliminatoires par un succès sur le Burundi (2-0). Sur ces dernières rencontres, des améliorations sont notées dans le jeu tant décrié des champions d’Afrique 2021. Les joueurs, comme libérés par le discours de Pape Thiaw, semblent plus motivés.
OBJECTIF CAN 2025 ET MONDIAL
2026 Certains joueurs se métamorphosent dans le 4-3-2-1 ou le 4-3-3. Et des joueurs comme Habib Diarra, Cheikh Tidiane Sabaly… en mettent plein la vue. Pour Badara Sarr, Pape Thiaw, arrivé à un moment compliqué, est parvenu à tirer son épingle du jeu. «L’équipe traversait une période assez délicate. La confiance commençait à manquer autour de l’équipe, surtout au niveau des spectateurs. Pape Thiaw a fait revenir la confiance. Il a permis aux joueurs de s’exprimer et a su ramener le système qui sied dans cette sélection », confie-t-il.
Le Docteur Mohamed Ghandour est d’avis que Pape Thiaw a d’énormes qualités qu’il pourra mettre au service de l’équipe nationale. « Il va apporter la connaissance du milieu puisqu’il a été là comme adjoint d’Aliou Cissé. Il connaît les réalités du football local et international puisqu’il a été professionnel et a joué à l’extérieur. Il a un discours qui fédère, qui passe au niveau des cadres, et c’est très important pour la cohésion et les résultats qu’on a pu avoir », croit-il savoir. Pape Thiaw a brillamment assuré l’intérim qui lui avait été confié. Il a réussi un carton plein : quatre matches, quatre victoires, huit buts marqués et aucun encaissé.
Des satisfactions sur le plan collectif comme sur le plan individuel ont été enregistrées, poussant le Comité exécutif de la Fédération sénégalaise de football (Fsf) à le confirmer au poste le vendredi 13 décembre, pour continuer sa mission. Un contrat d’objectif lui a ainsi été fixé. Le technicien aura la lourde tâche de qualifier le Sénégal au Mondial 2026 qui aura lieu aux États-Unis, au Canada et au Mexique. Le temps presse, car les éliminatoires reprennent en mars 2025. L’autre objectif assigné à Pape Thiaw sera de hisser, à nouveau, le Sénégal sur le toit de l’Afrique en remportant la Can 2025 prévue, du 21 décembre 2025 au 18 janvier 2026, au Maroc.
Des objectifs qui sont loin d’être hors de la portée du nouveau coach des «Lions» dont le coaching a, selon Badara Sarr, porté ses fruits dans la mesure où il a permis à des joueurs de jouer à leurs vrais postes et de réaliser ainsi des prestations convaincantes. « Il a ramené cette sérénité. Il a fait jouer les joueurs à leurs postes et leur a permis de retrouver la plénitude de leurs moyens, de pouvoir s’exprimer », indique-t-il. Le premier rendez-vous du nouvel entraîneur des «Lions», ce sera au mois de mars 2025, avec deux rencontres contre le Soudan et le Togo en matches comptant pour les 5e et 6e journées des éliminatoires de la Coupe du monde 2026.
Par Julien Mbesse SÈNE