L’ancien journaliste sportif, Serigne Mour Diop, met en garde contre les dérives passionnelles autour des grands duels. La lutte sénégalaise, sport de tradition et d’émotion, a toujours vécu de rivalités enflammées. Mais, selon le journaliste sportif Serigne Mour Diop, si ces oppositions nourrissent la ferveur populaire, elles ne doivent jamais franchir la ligne rouge. En évoquant la légendaire rivalité entre Mbaye Guèye et Robert Diouf, notre doyen rappelle combien la passion des supporters peut parfois se transformer en déraison. « Cette rivalité faisait le charme de la lutte, mais il ne faut pas l’exagérer », prévient-il. Dans les années 1970 et 1980, les deux champions symbolisaient deux écoles, deux caractères et deux façons d’aimer la lutte. Leur affrontement transcendait les générations et divisait tout un pays. « À l’époque, on assistait à des rivalités presque dures. Le public vivait les combats comme des batailles personnelles », se souvient le journaliste, qui a longtemps couvert les événements dans les arènes. Cette passion excessive a parfois conduit à des débordements. L’incendie de la maison du reporter Ablaye Nar Samb, accusé à tort d’avoir pris parti pour Robert Diouf, reste dans les mémoires. « Ce drame illustre bien jusqu’où la ferveur pouvait aller. Ce n’était pas la première fois que le monde de la lutte se laissait emporter par la tension. Heureusement, les acteurs eux-mêmes ont toujours su faire preuve de sagesse », note Serigne Mour Diop. Pour lui, les rivalités sont essentielles à la survie du sport, mais elles doivent être contenues. « Sans opposition forte, la lutte perd de son sel. Mais quand la passion se transforme en hostilité, c’est tout l’esprit du sport qui s’éteint », souligne-t-il. Le journaliste plaide ainsi pour un retour à l’essence même de la lutte sénégalaise : la bravoure, le respect et la fraternité. Aujourd’hui, alors que de nouvelles affiches excitent les foules, comme notamment Modou Lô contre Sa Thiès ou Franc – Tapha Tine, Boy Diop 2 – Liss Ndiago, Serigne Mour Diop invite les supporters à s’inspirer du passé. « Mbaye Guèye et Robert se sont durement affrontés, mais ils ont fini amis. C’est cette leçon que les jeunes doivent retenir : on peut se battre avec fierté sans se haïr », conclut-il. Ce qui est pertinent à partager, la lutte doit rester un sport d’honneur et non un champ de haine.
Abdoulaye DEMBÉLÉ


