Quand toute jeune elle tapait dans un ballon sur le terrain sablonneux de son quartier de Ndeungagne, à Yoff, Seyni Ndir Seck n’aurait jamais pu imaginer combien le football changerait sa vie. Son parcours de joueuse à dirigeant de haut niveau prouve que le travail, la résilience et la persévérance sont les clés de la réussite, quel que soit le domaine. Aujourd’hui présidente de la commission féminine de la Fédération sénégalaise de football (Fsf), fruit de son engagement indéfectible, la fondatrice de l’association Ladies’ Turn brigue un nouveau mandat. Son ambition : parachever l’œuvre de développement du football féminin et œuvrer pour une présence plus accrue des femmes dans les sphères décisionnelles.
Elle est partie de loin et sa passion pour le football a payé. Des terrains sablonneux de Yoff à la Fédération sénégalaise de football, Seyni Ndir Seck a réussi à concrétiser une partie de son rêve ; celui de voir le football féminin sénégalais se développer. Que d’investissements et de sacrifices pour y arriver !
Présidente de la Commission féminine de la Fédération sénégalaise de football (Fsf) depuis 2017, Seyni Ndir Seck est aussi présidente de la commission du football féminin au niveau de la zone Ufoa A et depuis quatre ans, elle est coordinatrice générale Caf et a eu à participer à plusieurs compétitions comme la Women’s Champions League, la Coupe Caf et la Ligue des champions chez les hommes. « Tout cela, c’est de l’expérience emmagasinée, qui va me servir pour mieux accompagner le football féminin et développer le leadership des filles à travers le football », explique la mordue de football dont le parcours est marqué par une détermination sans faille.
Plus qu’une passion, le football est un véritable mode de vie pour Seyni Ndir Seck. Elle a commencé à jouer très jeune, dans son quartier à Ndeungagne, avec les garçons de son âge. Plus tard, elle a porté les couleurs des Gazelles de la municipalité, puis a évolué pendant dix ans chez les Aigles de Médina. Elle a terminé sa prestigieuse carrière au Lycée Ameth Fall, à Saint-Louis. Seyni a aussi porté le maillot national. Elle a fait partie de la première équipe nationale en 2002 et a défendu les couleurs du Sénégal pendant dix ans avant de décrocher. Puis, soucieuse de changer les codes, elle est partie en France pour faire un Master en management et en organisation sportive. « Je me suis dit qu’il ne suffisait pas simplement de dire que je suis ancienne joueuse, donc j’ai le droit d’occuper tel ou tel poste. Je pense qu’aujourd’hui, le sport c’est une industrie et on se doit d’avoir une formation pour avoir les compétences requises si l’on aspire à faire partie des dirigeants », affirme-t-elle.
Un engagement indéfectible en faveur du football
Avant même de raccrocher ses crampons, Seyni avait déjà entamé des formations diplômantes pour servir le football sénégalais. Pour elle, être dans les instances, surtout quand on a un vécu en tant que sportive de haut niveau, est très important. « Je pense qu’il est très important d’utiliser cette expérience pour aider nos sœurs à ne pas vivre les mêmes difficultés que nous », explique Seyni qui s’est battue pour briser les plafonds de verre. « On avait une très belle génération, mais sur le plan organisationnel, il y avait beaucoup de manquements. Je me suis alors dit que si on avait une très bonne organisation, le football féminin pourrait aller très loin. C’est ça que j’ai essayé de faire », fait-elle savoir. Aujourd’hui, Seyni ne regrette pas d’avoir opté pour le football. « C’est grâce au football que je suis devenue ce que je suis. J’aime ce que je fais et je continue à l’aimer et chaque jour, j’ai encore du plaisir à me lever pour servir le football », avoue-t-elle.
Très engagée pour le développement du football féminin, Seyni Ndir Seck a créé, en 2009, l’association Ladies’ Turn avec comme objectif de promouvoir le leadership des filles à travers le football. « Aujourd’hui, nous avons eu à travailler avec beaucoup de grandes institutions au Sénégal et nous continuons à mener nos activités. Nous avons démarré au niveau des quartiers et depuis 2018, avec Plan international, nous sommes dans les écoles. Actuellement, nous sommes en train de travailler dans les régions de Thiès et de Kaolack et nous sommes très satisfaits des résultats », renseigne-t-elle. « Nous avons d’ailleurs repéré une fille à Khombole et elle a eu à jouer en sélection U17 et U20 filles. La preuve que le talent existe partout et qu’il suffit juste de donner l’opportunité à ces jeunes filles qui n’ont pas souvent la chance d’éclore », indique-t-elle.
Présidente de la Commission féminine de la Fédération sénégalaise de football (Fsf) depuis 2017, Seyni Ndir Seck brigue un troisième mandat, motivée par l’ambition d’amener le football féminin encore plus loin. magistèreEt elle se prévaut d’un bilan « satisfaisant » durant les huit années passées à la tête de l’instance. « Nous avons réussi, pendant ces huit ans, à faire qualifier notre équipe nationale et à participer à la Can deux fois successives. Nous avons aussi participé à une Can Futsal, remporté deux fois le tournoi Ufoa A et couronné championne de l’Ufoa en U20, sans compter notre qualification historique aux barrages de la Coupe du monde ce qui était impensable il y a quelques années et dernièrement, la qualification historique d’un club sénégalais à la ligue des champions de la Caf », fait savoir celle qui a réussi, sous sa présidence, à qualifier le Sénégal à une phase finale après dix ans d’absence.
Trois grands axes pour développer le football féminin
Seyni assure que le football féminin sénégalais a véritablement évolué ces dernières années. La preuve, l’équipe senior a joué à toutes les dates Fifa, tout comme les sélections U17 et U20. Tout cela a été possible grâce aux efforts mis en place par la Fsf pour permettre aux différentes sélections nationales d’évoluer. « Aujourd’hui, le Sénégal dispose de cinq sélections nationales et je pense que c’est un bon ratio, sans compter qu’on a un championnat hyper régulier, une Coupe du Sénégal qui se joue à temps », rappelle-t-elle. Des pas de géant, selon l’ancienne internationale dont le programme repose sur trois grands axes. Pour ce qui est de la compétition, il s’agira, selon Seyni Ndir Seck, de consolider les acquis soit en première ou en deuxième division, mais aussi de créer un championnat U17 et U20 qui permettra d’accroître le nombre de licenciées, de faciliter le travail des sélectionneurs U17 et U20 et de qualifier durablement nos sélections nationales dans les compétitions majeures. Sur le plan de la formation, estime-t-elle, « il est important de renforcer les capacités des entraîneurs et préparateurs physiques, des arbitres, cadres administratifs et des organisateurs des compétitions. S’agissant du développement, Seyni Ndir Seck prône le renforcement de la gouvernance inclusive avec plus de femmes dans les instances, une meilleure prise en charge des filles, mais aussi une augmentation des subventions et primes dédiées aux clubs féminins.
Pour la Can « Maroc 2025 », Seyni estime que depuis la qualification, tout est mis en place pour que l’équipe soit compétitive et dans des conditions de performances. Pour Seyni Ndir Seck, le football sénégalais est sur la bonne voie pour atteindre le niveau escompté. « Le football féminin sénégalais peut concurrencer le Nigeria et l’Afrique du Sud. Il y a des avancées et on veut en faire encore plus et ce que je trouve parce que c’est ça qui motive et qui nous donne envie chaque jour de nous réveiller et de nous donner à fond pour faire avancer les choses et bouger les lignes ». Cependant, estime-t-elle, il est important d’avoir une meilleure prise en charge des filles, de renforcer la gouvernance avec plus de femmes au niveau des instances, mais aussi sur le plan de la formation avec un renforcement de capacité à tous les niveaux. Les défis sont nombreux. Il s’agit, selon Seyni Ndir Seck, de mettre en place une ligue de football féminin ; ce qui permettrait, à son avis, d’avoir une certaine autonomie, mais également de mettre en place un championnat semi-professionnel pour ensuite passer à un championnat professionnel. « Ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que le football féminin a un statut amateur et malgré cela, certains clubs ont anticipé en payant leurs joueuses. Nous voulons que ça se généralise. Ça permettra aussi d’éviter que les joueuses transhument d’une équipe à une autre parce que l’une paie plus que l’autre », indique Seyni Ndir Seck qui plaide pour une présence plus accrue des femmes au niveau des instances dirigeantes. Dans ce milieu très majoritairement masculin, les statistiques sont sans équivoque. « Le quota que nous avons, que ce soit au niveau de la Fsf ou des autres fédérations, est très bas. Pour la Fsf, nous avons une femme sur 33 pour le Comité exécutif. Je pense qu’il est important de faire un toilettage des textes et augmenter le quota réservé aux femmes. Si ça se fait, on pourra avoir de grosses satisfactions », assure-t-elle.
Par Samba Oumar FALL