Le stade Me Babacar Sèye n’est aujourd’hui plus qu’une carcasse lézardée, rongée par la rouille et envahie par les herbes folles. Habitants et sportifs saint-louisiens réclament la renaissance de ce monument en perdition.
Autrefois vibrant d’énergie les jours de match, le stade, jadis baptisé stade du gouverneur Wiltord avant d’être renommé en hommage à Maître Babacar Sèye — avocat, homme politique et ancien vice-président du Conseil constitutionnel sénégalais, assassiné le 15 mai 1993 — offre aujourd’hui un visage désolé. Ses murs d’entrée, couverts de fissures profondes, témoignent de son abandon. De l’éclatante peinture jaune d’antan, il ne subsiste qu’une couche défraîchie.
Le lieu semble désert. Seul Birame Diaw, gardien solitaire, veille sur les vestiges du stade. Assis devant l’entrée, il empêche tout vagabondage susceptible d’aggraver la détérioration des lieux.
« Le stade est fermé depuis 2015 pour des raisons de sécurité. Il est complètement à l’abandon », confie-t-il d’un ton résigné.
À l’intérieur, la désolation est totale. Pour y accéder, il faut pousser une porte rouillée, témoin du temps qui passe. Chaque pas sur le sol craquelé rappelle l’abandon, chaque regard vers les gradins fissurés ravive la mémoire d’un passé glorieux. Le stade est devenu un véritable dépotoir : des tas d’ordures jonchent le sol, le gazon synthétique déchiré a cédé la place aux herbes sauvages, et l’odeur âcre d’urine remplit les vestiaires rongés par la rouille et la moisissure. Les gradins, autrefois colorés par les cris et les chants, ne sont plus qu’une succession de dents cassées dressées vers un ciel gris.
Nostalgie d’une époque révolue
« Cette infrastructure a marqué l’histoire du football local. Nous sommes nostalgiques de cette époque », confie Demba Aw, commerçant du quartier Sor, témoin privilégié des compétitions mémorables qui animaient autrefois les lieux. Aujourd’hui, le quadragénaire regrette la dégradation du site et milite pour sa réhabilitation : « Le ministre Mansour Faye avait évoqué la délocalisation du stade pour y construire un centre d’affaires, avec un nouveau stade sur un autre site. Heureusement, le projet n’a pas abouti. Ce lieu est un pan de l’histoire qu’il faut préserver. »
Pour Bada Diawara, marchand ambulant, le stade évoque aussi des souvenirs précieux. « Mon ASC Boki Dem y disputait ses matchs. Entre 2006 et 2007, j’y passais beaucoup de temps », se remémore-t-il avec émotion. Amateur de football, il évoque également ses propres matchs improvisés entre amis, témoignant de l’attachement populaire au lieu. Aujourd’hui, lui aussi plaide pour une renaissance du stade, pour raviver l’esprit sportif d’autrefois.
Mamadou Diarra, président de la commission d’organisation de la ligue de football de Saint-Louis, partage ce sentiment. Avec regret, il rappelle que la fermeture du stade en octobre 2015, après un accident dû à sa vétusté, a porté un coup dur au football local. « Depuis dix ans, la réhabilitation tarde, et l’état du stade se dégrade de jour en jour », déplore-t-il. Faute d’infrastructure adaptée, les équipes locales peinent à s’entraîner et à maintenir leur niveau de performance. « Pourtant, avec une réhabilitation, il pourrait accueillir à nouveau des compétitions, notamment pour les jeunes catégories », espère-t-il.
Arame NDIAYE