Au Sénégal, le surf s’est ouvert progressivement aux femmes. Depuis quelques années, les pratiquantes de ce sport de glisse sont reconnues à leur juste valeur et sortent de l’ombre.
À la plage de Ngor, magnifiée par ses étendues infinies de sable doré bordées par des eaux cristallines, le surf est l’activité phare des riverains. L’île est un « paradis » entouré de vagues de classe mondiale. L’une des plus emblématiques est sûrement la vague Ngor Right, rendue célèbre par le film documentaire The Endless Summer, tourné en 1966, dans lequel le réalisateur Bruce Brown suit deux surfeurs, Mike Hynson et Robert August, lors d’un voyage autour du Monde à la découverte des meilleures vagues et d’un été sans fin. Près d’une dizaine de spots, aucun requin aux abords, une température abordable : le lieu est l’une des stations de surf les plus prisées du Sénégal.
Elles sont plusieurs sur la plage à vouloir se lancer à l’eau, ce dimanche, championnat du Sénégal oblige. Après avoir bien « waxé » leurs planches, pour ne pas risquer de glisser, les surfeuses en compétition plongent à l’eau. À plat ventre sur la planche, les bras balancés de chaque côté, Awa Sika Seck, l’une des candidates de la compétition, prend de la vitesse en ramant lorsqu’une vague se prépare à arriver devant elle. À côté, ses adversaires attendent d’avoir la priorité pour s’affronter aux vagues. Après une dizaine de minutes en mer, la jeune star de l’école « Take off Ngor » bat des jambes pour sortir de l’eau.
Marquée par les taches d’acné, planche en main, Awa Sika Seck se meut dans sa combinaison tout en s’essuyant. À la fin de la bataille avec les vagues, la protégée du coach Pape Samba Ndiaye réussit à dérober le titre de championne du Sénégal dans la catégorie Open à l’autre grand espoir du surf féminin Déguène Thioune, championne sortante. Awa Sika Seck aimerait se projeter vers d’autres scènes à l’international. « C’est un sentiment de bonheur de pouvoir se projeter à ce niveau. Nous croyons fort en ce que nous faisons et espérons réussir », lâche-t-elle. L’inclusion tardive des femmes La jeune pratiquante de surf explique qu’à ses débuts, tout n’était pas rose. « Voir une femme pratiquer le surf était très mal vu, mais maintenant nous essayons d’évoluer. Je suis sponsorisée par la marque Bugge et des gens me soutiennent », lance-t-elle.
Co-fondateur de Malika Surf Camp avec sa femme Martha Imarisio, Aziz Kane se rappelle qu’à son époque, les femmes n’étaient pas nombreuses à pratiquer le surf. Aujourd’hui, son école en compte une dizaine qui pratiquent ce sport de glisse. « Le surf se pratique depuis les années 1960 au Sénégal. Mais, au tout début, il n’y avait pas beaucoup de femmes. Nous, qui avons grandi près de la mer, étions plus en relation avec les touristes. En ce moment, c’était très difficile de surfer parce qu’il n’y avait pas de matériel. Moi, je fais partie de la deuxième génération de surfeurs sénégalais », se rappelle celui qui, très jeune, récupérait les planches de certains touristes pour pratiquer ce sport. « Ce contact avec des étrangers m’a permis de voyager en France puis en Italie où j’ai rencontré mon épouse avant de revenir au Sénégal pour créer ce club de surf », explique Aziz Kane.
Comme le couple Martha Imarisio et Aziz Kane, celle de Nicole Sweet et Chérif Fall est l’un des plus connus du milieu surf sénégalais. Reporter pour la Nba, Nicole Sweet a été coincée au Sénégal durant la pandémie de Covid-19. Elle fait la rencontre de Chérif Fall, le champion sénégalais de surf, puis se marie avec lui. Et depuis, elle s’est tournée vers la photographie de surf. Comparé aux États-Unis, Nicole Sweet estime que le surf est moins pratiqué ; même si la communauté sénégalaise de surf a beaucoup évolué entre-temps. Floraison d’écoles « À mon arrivée au Sénégal, il y a cinq ans, les femmes qui pratiquaient le surf n’étaient pas nombreuses. Mais, depuis quelque temps, il y a un grand changement. On remarque que cette communauté a bien grandi », témoigne-t-elle, en ne manquant pas de citer les nombreuses structures qui ont été créées.
Take off Ngor, Copacabana Club, Malika Surf Camp, ils sont nombreux, les clubs ou écoles de surf sénégalais. À l’image de Déguène Thioune et d’Awa Seck, d’autres filles comprennent que la formation est primordiale. De taille élancée, Khady Ndiaye aspire à devenir leader dans le surf. Du haut de ses 17 ans, Khady est fière de son vécu. Elle est l’une des nombreuses élèves suivies par Khadija Samb, l’une des premières surfeuses professionnelles du Sénégal, au sein de l’école féminine Black Girls Surf. « Le surf est devenu notre quotidien. C’est tellement bon de le pratiquer. Depuis que j’ai arrêté les études, je me suis tournée vers ce sport qui porte tous nos rêves », indique-t-elle.
Son mentor Khadija Samb la soutient dans ses propos. Pour elle, le surf peut faire l’avenir de plusieurs filles qu’elle encadre. « Je leur dis toujours de persévérer. Il faut renforcer les entraînements et être plus rigoureux. Seul le travail paie », conseille-t-elle. Khadjou, comme l’appellent les intimes, représente un exemple pour ces filles en formation. Elle fait partie de cette vague de femmes qui a ouvert la voie au surf féminin.
La formatrice apprend qu’elle se cachait pour aller s’entraîner en cachette. Originaire de Ngor, à 13 ans, elle est repérée par Rhonda Harper, une Américaine qui la forme dans la pratique du surf. Cette bienfaitrice a, par ailleurs, créé Black Girls Surf, une association qui vise une meilleure représentation des femmes noires dans le sport, notamment à travers le surf.
Marième Fatou DRAMÉ