La Ummah islamique célèbre la fête de la Tabaski, appelée littéralement « fête du mouton ». Au-delà du sacrifice rituel, la Tabaski est un acte de dévotion, mais surtout un rappel à la soumission à Allah et au respect des parents. C’est ce que rappellent les imams Moustapha Sarr et Alioune Badara Ngom, qui sont revenus sur le sens profond de cette célébration.
Après la Korité, les musulmans célèbrent la Tabaski, ou Aïd al-Adha. Elle a lieu le 10 du mois de Dhou al-Hijja, le dernier mois du calendrier musulman. Appelée communément « fête du mouton » en raison du sacrifice animal qui l’accompagne, elle est parfois perçue, notamment par les plus jeunes, comme un simple moment de festivités ou de festin. Mais, précise Alioune Badara Ngom, imam à la mosquée de l’unité 6 des Parcelles Assainies de Dakar « La Tabaski est avant tout un événement historique qui rappelle un épisode fondamental de la tradition islamique : le sacrifice d’Ibrahim (Abraham) et son obéissance totale à Allah ». Et d’ajouter : « La Tabaski n’est pas seulement un rituel sacrificiel. C’est une fête riche de sens, qui lie histoire, foi, éducation et cohésion sociale. Elle rappelle l’importance de la soumission à Allah, la pureté des intentions, la transmission des valeurs aux jeunes et l’unité de la communauté musulmane à travers les âges ». Imam Moustapha Sarr, de Keur Mbaye Fall, abonde dans le même sens : « Le prophète Ibrahima, dont l’épouse tardait à enfanter, ne cessait de prier pour avoir un enfant. Il avait promis au Seigneur de Le remercier en sacrifiant cet enfant ». Le vice-président de la commission sociale d’aide aux malades de la Ligue sénégalaise contre le cancer (Lisca) précise que, lorsque Ibrahim eut enfin un fils, Dieu lui rappela sa promesse par un rêve : « C’est au troisième jour qu’il comprit qu’il ne s’agissait pas d’un simple rêve, mais bien d’un ordre divin ». Il poursuit : « C’est au moment d’égorger son fils qu’Allah le remplaça par un mouton. C’est en souvenir de cet acte fort que les musulmans perpétuent le geste symbolique en sacrifiant un mouton ». Selon Imam Ngom, également responsable du département formation et prédication du Rassemblement islamique du Sénégal (Ris-Alwahda), « la commémoration de cet acte est un rappel constant de la foi et de la dévotion, et constitue un exemple à suivre ». Imam Sarr ajoute : « Cet événement rappelle également le devoir d’obéissance des enfants envers leurs parents. Ismaël n’a pas protesté lorsque son père lui a annoncé sa mission ».
Le sens du sacrifice
Concernant le sacrifice proprement dit, les imams rappellent qu’il s’agit d’un acte surérogatoire, c’est-à-dire recommandé mais non obligatoire, à accomplir par tout musulman majeur disposant des moyens nécessaires. Imam Ngom déplore ainsi certaines dérives: « beaucoup de personnes s’endettent sous la pression sociale pour acheter un mouton, alors qu’elles en sont dispensées. Certains hommes polygames, par souci de paraître équitables ou par ostentation, se sentent même obligés d’en acheter un pour chaque épouse ». Il insiste : « Le sacrifice doit être accompli pour Allah seul, sans ostentation ni recherche de reconnaissance humaine ».
Les critères d’un sacrifice accepté
La Tabaski est communément appelée « Fête du mouton », car c’est le bélier qui est sacrifié par l’écrasante majorité des musulmans. Pourtant, comme le rappelle l’imam Moustapha Sarr, « Le bouc, le bœuf et le chameau sont également autorisés, à défaut d’un mouton ou d’une brebis ».
Toujours est-il que le mouton reste le choix privilégié. Toutefois, certains critères sont requis pour que le sacrifice soit valide sur le plan religieux. « L’animal doit avoir au moins six mois. Il ne doit être ni borgne, ni trop maigre, ni malade, ni boiteux », précise l’imam. Il ajoute que tout animal présentant des défauts physiques notables est proscrit. « Un mouton qui dégage une mauvaise haleine ou dont un membre est amputé de plus du tiers ne peut pas être sacrifié », précise-t-il. Un autre point important : il est déconseillé d’égorger le bélier avant l’imam le jour de la Tabaski.
« Le musulman peut accomplir le sacrifice dans les trois jours suivant Arafat, surtout s’il ne dispose pas des moyens de le faire le lendemain », indique-t-il. Quant à l’acte sacrificiel lui-même, il doit être accompli dans le respect de l’animal. « Dieu nous demande d’immoler le mouton avec pitié et douceur. Il faut éviter toute mutilation inutile », souligne l’Imam. De plus, la vente de la viande du mouton de Tabaski est strictement interdite. En revanche, il est fortement recommandé d’en offrir une partie en aumône aux plus démunis. Cette générosité peut également s’étendre au voisinage, indépendamment de la confession. « Pour préserver de bons rapports de voisinage, il est conseillé de partager le repas avec les voisins non musulmans », conclut l’imam.
Fatou SY