Face à un déficit budgétaire préoccupant et une dette publique élevée, le Sénégal, sous l’impulsion du Premier ministre Ousmane Sonko, se tourne résolument vers le numérique pour redresser son économie.
Le Plan de redressement économique et social, baptisé « Jubbanti-Koom », fait du secteur digital un levier stratégique pour la croissance et l’optimisation des recettes publiques. C’est une démarche audacieuse qui vise à transformer l’écosystème numérique, souvent informel, en un moteur de développement inclusif et durable.
Le cœur du plan « Jubbanti-Koom » réside dans une série de mesures fiscales ciblées, conçues pour exploiter les niches du numérique jusqu’ici sous-régulées. Le gouvernement entend ainsi dégager de nouvelles marges de manœuvre budgétaires. Parmi les réformes phares, la taxation du Produit Brut des Jeux (PBJ) issus des paris sportifs et jeux de hasard en ligne est particulièrement notable.
Ces activités, majoritairement opérées par des sociétés étrangères, pourraient rapporter jusqu’à 400 milliards FCFA par an, selon les estimations. Une fiscalité sur les gains des joueurs est également prévue. Cette initiative a un double objectif : générer des revenus pour l’État tout en protégeant les consommateurs, notamment les plus jeunes, des dérives d’un marché insuffisamment encadré.
Au-delà des jeux : un élargissement de l’assiette fiscale
L’ambition du gouvernement sénégalais ne se limite pas aux jeux en ligne. Le plan prévoit d’intégrer d’autres segments en forte croissance dans l’assiette fiscale. La publicité en ligne, les vidéos à la demande (VOD), les revenus des influenceurs et le mobile money sont désormais dans le viseur des autorités. La numérisation de la commande publique est également un axe stratégique, promettant une meilleure traçabilité des flux financiers et une rationalisation des dépenses de l’État.
Concernant le mobile money, qui est devenu un canal de transfert d’argent essentiel pour des millions de Sénégalais, une optimisation de sa fiscalité est en cours d’élaboration, dans un souci d’équité avec les acteurs bancaires traditionnels. L’objectif est de capter une part des flux financiers transitant par les opérateurs télécoms et les fintechs locales, afin de mieux formaliser ce secteur.
Ces réformes fiscales s’inscrivent dans une vision plus large, celle du « New Deal Technologique » du Sénégal. Cette stratégie, qui projette ses objectifs jusqu’en 2034, vise à doter le pays de capacités numériques de pointe (cloud souverain, data-centers, cybersécurité) et à renforcer la maîtrise locale des technologies. Elle prévoit également une accélération de l’identification numérique des citoyens, une étape indispensable pour l’efficacité des réformes fiscales.
En s’appuyant sur ce socle technologique, le gouvernement espère faire du numérique non seulement un moteur de croissance, mais aussi un outil de souveraineté économique, en réduisant l’évasion fiscale et en structurant un écosystème plus formel et productif. À l’horizon 2050, le Sénégal aspire à devenir une société numérique, un pays de services à forte valeur ajoutée.
Cheikh Tidiane Ndiaye