La grève des travailleurs de la justice, entamée depuis le 18 juin 2025, dirigée par le Syndicat des travailleurs de la justice (Sytjust) et l’Union nationale des travailleurs de la Justice (Untj), met les greffiers au-devant de la scène. Mais les «travailleurs non judiciaires» ce sont plus de 3. 000 employés qui se tuent à la tâche dans l’ombre, au service de l’État. Ils sont secrétaires, agents d’administration, sténodactylographes, juristes conseils, éducateurs spécialisés, agents de l’administration pénitentiaire…
Le personnel judiciaire est composé de magistrats, de greffiers et d’interprètes judiciaires. À côté, il y a le «personnel non judiciaire». C’est tout ce qui est personnel d’appui, c’est-à-dire qui vient en appoint au service du ministère de la Justice. Après le corps des greffiers, il y a celui des interprètes judiciaires et des secrétaires interprètes. À l’audience du tribunal des flagrants délits de Dakar, il arrive souvent, au pied levé, que le président demande s’il y a dans l’assistance, un justiciable qui se porte volontaire pour faire le boulot d’interprète.
Il y a moins de 50 interprètes judiciaires pour le Sénégal, dont un qui est devenu magistrat. «Ce qui se passe, c’est qu’ils sont recrutés pour ce travail, mais affectés à des postes de secrétaires, greffiers ad hoc, gestionnaires, parce que le personnel est insuffisant», confie notre source. Avant, on les appelait les secrétaires interprètes. C’est un corps qui a quitté la hiérarchie C pour migrer à B. En 2016, il y a eu une première promotion sortie du Centre de formation judiciaire (Cfj). Depuis lors, on n’en a plus recruté. Des agents recrutés puis libérés Le personnel d’appui, poursuit notre interlocuteur, s’occupe des tâches de secrétariat d’administration, de gestionnaire de courrier, d’archivage.
Parmi le «personnel non judiciaire» recruté pour la plupart par la Fonction publique, suivant un dossier, il y a les agents administratifs qui viennent avec le baccalauréat. Ils ont des décisions d’engagement qui leur permettent d’être engagés et nommés dans un corps. Il ne s’agit pas de concours. On s’inscrit sur la plate-forme du ministère de la Justice. Cette tranche est de la hiérarchie B4. Ensuite, il y a les commis d’administration qui sont à C3, titulaires du Bfem. Puis, suivent les agents d’administration, hiérarchie D3, niveau certificat d’études.
Enfin on a les agents de service, toujours de la hiérarchie D3, qui constituaient la hiérarchie E de la Fonction publique, en voie d’extinction. «Parfois, aussi bizarre que cela puisse paraître, on nous envoie des personnes qui n’ont aucun diplôme, qui ne savent ni lire ni écrire», confie notre source au ministère de la Justice, qui requiert l’anonymat. Une fois, il leur est arrivé de recevoir une dame illettrée en français qui ne savait que faire la cuisine. Elle a été affectée à la direction de l’Éducation surveillée, dans la cuisine d’un centre de sauvegarde sise dans la banlieue dakaroise.
Une autre a remis la fiche à remplir à celui qui lui faisait l’entretien, prétextant une blessure au doigt pour ne pas le faire. Elle avait le niveau Bfem selon ses dires et a été affectée au greffe. Quelques jours plus tard, l’administrateur des greffes (Adg) a signalé que la nouvelle recrue ne savait pas lire. Convoquée, elle n’a pas pu lire un mot du livre qui lui a été présenté et a été réaffectée à la cuisine. Quand ils ne peuvent rien faire, comme pour un chauffeur qui ne sait pas conduire, c’est un retour forcé au bercail pour «inaptitude professionnelle».
Hadja Diaw GAYE