Les chrétiens du Sénégal ont, à l’instar de ceux du monde entier, célébré le Vendredi Saint ce 18 avril. Il s’agit de l’un des trois jours du Triduum pascal, entamé le jeudi, et marquant une période de prières, de recueillement, de silence et de célébrations.
Depuis quelques années, cette journée est marquée dans les paroisses par un chemin de croix vivant. Les jeunes y rejouent les moments clés de la Passion du Christ, de son arrestation à sa crucifixion. Le Vendredi Saint est sans doute la journée la plus intense des quarante jours du Carême. Ce 18 avril, les chrétiens du monde entier ont revécu les souffrances et la mort du Christ.
À la cathédrale Sainte-Anne de Thiès, le rassemblement a démarré à 15 h précises, à environ un kilomètre de l’église. Une foule immense, composée d’hommes, de femmes et d’enfants venus de tous les quartiers de Thiès, a afflué pour vivre ce moment fort du Carême. Le soleil de plomb n’a fait que renforcer la détermination des fidèles à vivre intensément cette démarche de foi.
Les jeunes de la paroisse ont interprété des scènes vivantes de la Passion. Le chemin de croix débute par une scène de complot entre dignitaires décidant de la manière d’arrêter Jésus, celui-ci étant vêtu de blanc et entouré de ses douze disciples à qui il demande de veiller et de prier, car l’heure est proche. Des soldats en capes rouges et armures, Marie — la mère de Jésus — en robe blanche et voile bleu, ainsi que d’autres femmes en tenues traditionnelles complètent le décor.
Jésus, portant sa croix, « battu à sang » et encerclé par des soldats, ouvre la procession, suivi d’une foule de fidèles chantant et récitant le chapelet, marquant des arrêts pour permettre aux jeunes de rejouer les scènes de la Passion. Les reconstitutions sont saisissantes, les coups de fouet suscitent parfois des réactions dans la foule.
À l’école Daniel Brottier, un espace a été aménagé pour représenter la scène finale. Jésus est crucifié entre deux malfaiteurs. « Père, entre tes mains je remets mon esprit », dit le jeune acteur incarnant Jésus, avant de rendre l’âme. Un silence absolu s’installe. Tous s’agenouillent pour commémorer la mort du Christ.
Après le chemin de croix, les fidèles se dirigent vers l’église dans une marche silencieuse. La tristesse sur les visages témoigne de la solennité du moment. L’Église entre ainsi en deuil. « Le vendredi est le seul jour de l’année où l’Église ne célèbre pas les sacrements, à l’exception de la pénitence et de l’onction des malades. Les funérailles sont célébrées sans chant, sans orgue, sans cloche. C’est une journée de jeûne, de silence et de contemplation du mystère de la Passion du Christ », indique le document de presse partagé par l’Union du Clergé Sénégalais (UCS).
Célébration de la Passion et vénération de la croix
À la cathédrale Sainte-Anne, la liturgie du Vendredi Saint commence. L’église est pleine à craquer. Les prêtres, vêtus d’étoles rouges sur leurs soutanes blanches, entrent en silence, précédés par les servants portant la croix. L’assemblée se met à genoux devant l’autel nu, exprimant ainsi le deuil de l’Église.
Dans son homélie, l’abbé Stanislas Thiaw, vicaire à la cathédrale Sainte-Anne, souligne l’importance du jour et le sacrifice de Jésus mort sur la croix par amour pour l’humanité : « C’est un grand jour pour l’Église. Le Christ crucifié sur la croix doit raviver notre espérance. La croix doit être pour nous une fierté. La croix est notre salut, moy suniou dam, tei mom la niu wara daamo », déclare-t-il.
La prière universelle solennelle suit, durant laquelle les fidèles se lèvent et s’agenouillent. « Elle embrasse toutes les souffrances du monde : l’Église, les responsables politiques, les pauvres, les malades, les catéchumènes, les non-chrétiens, les juifs, les athées. C’est un cri de compassion pour l’humanité entière », rappelle le document de l’UCS.
La vénération de la croix commence avec l’arrivée du prêtre portant une croix drapée d’une étoffe violette, couleur du deuil. Elle est présentée à l’assemblée, invitée à s’approcher pour l’embrasser. « C’est un moment intense d’union au Christ souffrant et de méditation sur les croix de notre monde. La croix, dans la foi chrétienne, n’est pas un échec, mais le lieu du don total. C’est la folie de Dieu qui sauve le monde », lit-on encore dans le communiqué. Elle invite à porter, avec le Christ, les souffrances du monde, à accepter les épreuves comme des chemins de croissance, et à choisir le pardon et la non-violence dans les conflits.
Après la communion, les fidèles quittent l’église en silence, laissant l’autel nu.
Hélène, paroissienne à la cathédrale, exprime son émotion : « Nous sommes entrés depuis quarante jours dans un temps de grâce, le Carême. Vivre la Passion du Christ est très important pour moi, car cela rappelle le sacrifice de Jésus qui a donné sa vie pour nous. »
Yvette, étudiante, ajoute : « Ça a été difficile de voir la personne qui jouait Jésus souffrir autant, être rouée de coups. Cela nous montre ce que Jésus a vécu, et nous appelle à vivre notre foi intensément. »
Pour Jean Gilbert, lui aussi paroissien de Sainte-Anne, c’est un jour d’introspection : « Le chrétien est appelé à garder le silence, à prier, à se recueillir, et à se souvenir de l’amour de Jésus pour l’humanité. »
« En cette année jubilaire, le Vendredi Saint devient un appel vibrant à l’espérance née du bois de la croix », conclut l’UCS.
Ce samedi, c’est le grand silence, dans l’attente de la résurrection. Une journée de méditation sur la Passion et la mort du Christ. Le Samedi Saint est un jour de prière, de jeûne et de veillée intérieure.
Jeanne SAGNA