L’ouverture de l’autopont de Front de Terre a permis de rendre la circulation plus fluide dans l’axe Bourguiba, « Xar Yalla » et Front de Terre tout en favorisant un meilleur cadre de vie pour les riverains. Le défi est de préserver cet ouvrage de l’occupation anarchique.
Beaucoup de voitures passant sur le pont comme par ses flancs, des vrombissements de moteurs, des klaxons, des personnes visiblement pressées et marchant sur les trottoirs, le tout dans une atmosphère vivante et ambiante. C’est le décor qui se plante dans cette zone de Front de Terre en ce mercredi 27 novembre. L’ouvrage qui domine l’environnement émerge vers l’horizon depuis lequel des véhicules, en sens inverse, descendent à toute allure avant de ralentir à l’embouchure du pont. Thierno Niang, un conducteur de moto, est soulagé depuis l’ouverture de l’autopont à la circulation le 26 novembre 2024.
« Auparavant, nous étions obligés d’aller jusqu’à Xar Yalla, en passant par Ceteo, pour entrer à la Zone de captage. Pour se rendre à Dakar, c’était aussi le même parcours du combattant qu’il fallait effectuer. C’était vraiment difficile. Maintenant, c’est le soulagement », raconte-t-il. Un constat que partage Hamidou, un chauffeur de taxi.
« La mise en service de cet ouvrage était très attendue. Aujourd’hui, c’est devenu plus facile de se rendre aux Maristes, à Patte d’Oie ou à Dakar », explique-t-il. Pour lui, il n’y a pas plus important pour un taximan que le gain de temps. « Si pour parcourir un trajet on fait 5 mn à la place de 15 mn, on ne peut que s’en réjouir », estime-t-il. Selon une étude publiée, en 2021, par le Conseil exécutif des transports urbains durables (Cetud), le coût relatif au carburant perdu en période de congestion est estimé à environ 104 milliards de FCfa. S’il faut toujours en croire l’étude, un Dakarois perd 40 heures par année du fait de la congestion ; ce qui correspond à une perte globale de 156 millions d’heures par année.
Les riverains apprécient positivement l’aménagement paysager. C’est le cas d’Ibrahima Sané, trouvé assis sur un des bancs en pierre aménagés sous le pont. Sokhna Aminata Kane, une habitante de Xar Yalla, toute couverte de son « meulfeu », reconnait que l’ouverture du pont est un ouf de soulagement pour les riverains. Si des gens comme Ibrahima et Aminata louent les apports bénéfiques de l’ouvrage, ce n’est pas le cas de Moustapha Dieng qui s’active dans le commerce. De l’autre côté de la route qui passe par le flanc gauche du pont, dans un espace encore ensablé, il étale sur une table ses articles.
« En vérité, cet ouvrage a impacté négativement sur nos activités. Auparavant, il y avait une centaine de personnes qui travaillaient là où se trouve désormais le pont », affirme-t-il. Installé avec trois de ses amis sur le même lieu, Moustapha n’arrive toujours pas à comprendre le non-paiement du dédommagement qui, dit-il, leur était pourtant promis. « Pour l’heure, aucun kopeck n’est tombé dans nos poches », fulmine-t-il sous les murmures affirmatifs de ses collègues. Lui qui dit ne plus savoir où donner de la tête, confie vivre dans la crainte d’être déguerpi. « Pas plus tard que ce matin, des policiers sont venus pour nous rappeler que nous devrions quitter les lieux », déplore-t-il.
Contre l’occupation anarchique
Plus loin, un brouhaha attire l’attention. Une foultitude de bambins, dans une effervescence récréative, a pris d’assaut les toboggans installés dans cet espace ensablé pour amortir les chutes. Cette aire de jeux sur laquelle les constructeurs ont beaucoup insisté tout comme les terrains de foot et de basket, n’a pas attendu longtemps pour être le charme des marmots qui se la coulent douce sous les regards vigilants des agents de sécurité de l’autopont. Ces sentinelles de l’ordre veillent au respect de la bonne circulation des personnes tout comme des véhicules. Habillés en gilets jaunes, ils gesticulent pour indiquer, stopper et baliser le chemin aux passants et aux voitures. Momar est l’un d’eux ; il est assis avec quelques collègues visiblement essoufflés après leur tour (d’autres sont sur le pied d’œuvre). « Il y a des gens qui viennent demander leur destination et nous la leur indiquons. Nous verbalisons également ceux qui ne respectent pas les règles de circulation », fait-il savoir.
Sur les bordures d’une des routes, une équipe de jeunes arborant des gilets jaunes s’activent à débarrasser le sable et les quelques déchets qui jonchent le sol. Ils sont chargés de faire reluire l’ouvrage et ses alentours en le débarrassant de ses nuisances. Pelles, balais, râteaux et une brouette sont utilisés dans leur arsenal de déblayage. Visage luisant de sueur, Habib Diagne, en débardeur et un balai dans la main, ne cache pas son enthousiasme. « L’infrastructure est splendide », dit-il. Habib de demander ainsi aux riverains de préserver l’ouvrage. « Les riverains doivent éviter de jeter les ordures sur les lieux publics. Le métier que nous faisons n’est pas de tout repos, alors à charge pour eux de nous aider à rendre cet espace plus propre », plaide-t-il. Une recommandation que partage Thierno Niang qui craint que le monstre du désordre qui a avalé la plupart des ponts à Dakar n’étende ses tentacules sous ce pont de Front de Terre. Il pointe ainsi les occupations anarchiques, non sans proposer que la sécurité y soit renforcée, car, argue Thierno, il faut préserver les milliards investis.
Mame Assane KARÉ (Stagiaire)