Le thé a sa patrie, c’est la Chine. Cette célèbre infusion consommée partout à travers le monde a son musée dans la ville de Dali (province du Yunnan). Le groupe Xiaguan, qui en produit, s’est doté d’un lieu de mémoire retraçant l’histoire du thé.
DALI (Yunnan, Chine) – Sous une fine pluie, une bâtisse imposante nous accueille, prête à exposer ses trésors. Elle en renferme une palette. C’est toute l’histoire d’un breuvage millénaire qui est présentée dans le musée du thé Tuocha de l’usine Xiaguan à Dali, ville incrustée dans les entrailles des montagnes de la province du Yunnan (sud-ouest de la Chine). Dans sa mission de mémoire du thé, le musée expose fièrement ses 12 distinctions nationales et provinciales ainsi que ses nombreux trophées. Que de chemin parcouru pour cueillir tous ces lauriers ! Fondé en 1902, le musée s’est évertué à garnir ses étagères de variétés de thé que se plaît à présenter le conservateur en uniforme noir, Zhang Zen Xing. Les pièces du musée remontent le plus loin possible dans le temps. Certaines, comme un fossile de feuilles de thé aux nervures bien visibles, illustrent le long compagnonnage de la célèbre boisson avec les Chinois.
L’évolution des modes de conservation et de conditionnement des différentes espèces de thé défile sous les yeux du visiteur. On en trouve sous toutes les formes. Bien concassés, les paquets de thé épousent tantôt des formes rondes avec un creux au milieu, tantôt coniques, tantôt en boule, etc. Les moyens de transport d’antan (à dos de chameau, de cheval…) expliquent certaines formes et le recours au bambou comme matériau d’emballage. Le Pu’er, une variété fermentée très prisée dans le Yunnan, perpétue cette tradition de conservation. Présenté sous forme de tablettes, le thé tibétain aiguise aussi notre curiosité. Cette usine, du fait de son savoir traditionnel dans le processus de fabrication du thé, est classée sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco pour la Chine. Les entrepôts de l’usine peuvent contenir jusqu’à 30.000 tonnes de matière première de thé.
De nombreux bocaux soigneusement rangés renferment du thé vieux de plus de cent ans, explique Zhang Zen Xing. Un pot peut être vendu jusqu’à 20.000 yuans, soit plus d’un million et demi de francs CFA, nous explique-t-on. Le « roi des thés » ou Pin’ta tient bien son rang : 10 kilos s’échangent contre 1,6 million de FCFA, apprend-on. En matière de commercialisation, l’usine du groupe Xiaguan s’est bien implantée en Chine à travers plus de 600 boutiques, mais s’est aussi fait un nom à l’international avec des exportations vers une vingtaine de pays, révèle le conservateur.
Un rituel méticuleux
Sa renommée et son savoir-faire, elle les a fait découvrir à ses hôtes sénégalais lors d’une séance de dégustation de thé. Tout un cérémonial entoure le rituel de préparation, assuré par des dames élégantes dans leurs robes de soie verte. Avec dextérité et raffinement dans les gestes, l’une d’elles manipule la théière pendant que les autres disposent les tasses devant les visiteurs, impatients de découvrir les arômes des différentes variétés. « Il faut réveiller le thé avec l’eau chaude », confie la dame tout sourire. La séance rappelle le sérieux que les femmes chinoises consacrent à la préparation de la fameuse boisson. « En Chine, les femmes font le thé avec raffinement et élégance dans certains gestes. Parce que quand elles préparent, elles font des vœux. C’est tout un spectacle », confie l’un de nos guides. La boisson chaude est toujours au rendez-vous lors des grands moments en famille, après les repas ou avant les réunions, ajoute-t-il.
« On utilise différents ustensiles et de l’eau à différentes températures », nous explique-t-on. Le degré de chaleur de l’eau est intimement lié à la variété que l’on veut préparer (90 à 100 degrés pour le thé Pu’er, le thé noir ou Long, 80 à 90 degrés pour le thé blanc ou jaune et 70 à 80 degrés pour le jasmin). Ensuite, il faut « réveiller » le thé avec un bon dosage, avant de le servir, accompagné de litchis et de jujubes verts. Puis vient le thé noir, de couleur rougeâtre, au goût se rapprochant beaucoup de notre bon vieil « ataya ». Sauf qu’ici, le thé est servi sans sucre, mais toujours avec beaucoup de déférence.
À peine le verre à moitié vide, la serveuse accourt pour en rajouter, aussi longtemps qu’on n’a pas tapoté des doigts sur la table pour exprimer qu’on en a assez bu. Ignorant cette marque de politesse, certains parmi nous ont, par respect, avalé plus de thé qu’ils n’en avaient jamais bu en un seul jour. « J’en ai pris 13 tasses », lance le recordman d’une soirée. Le « dieu du thé » a été bien généreux avec ses invités. « Pour avoir écrit Le Livre du thé, sous la dynastie Tang, Lu Yu est honoré et a été surnommé “dieu du thé” », précise un jeune employé du musée, ou plutôt du temple centenaire de Tuocha. Sur le chemin du retour, l’effet stimulant du thé n’a pas tardé à créer une belle animation dans le bus. Les inoubliables chaudes gorgées ont dissipé la fatigue et la somnolence chez certains.
Un reportage de Malick CISS et Oumar KANDE (envoyés spéciaux en Chine)