Insalubre, cimetière d’épaves de véhicules, foirail de moutons depuis quelques années, les abords du Stade Léopold Sédar Senghor ont retrouvé un cadre plus propre depuis le 19 avril, grâce à une opération de déguerpissement. Sur place, les populations s’en réjouissent, mais elles réclament un suivi de la mesure.
Jadis, c’était un enfer de détritus fréquenté par des mécaniciens, charretiers, maçons, garagistes… Il fallait détourner le regard, se boucher le nez, tellement les odeurs incommodaient. Pourtant, des individus y trouvaient au quotidien leur pitance dans des conditions de vie exécrables. Mais ce visage repoussant relève d’un autre temps. Depuis le 19 avril, grâce à une opération de déguerpissement menée par le Comité d’organisation des Jeux olympiques de la jeunesse (Cojoj), les alentours du stade Léopold Sédar Senghor, fraîchement réceptionné, ont retrouvé un cadre plus sain, loin de ce climat qui favorisait l’insécurité.
Ce sont des espaces aménagés, débarrassés du paysage de cauchemar et du cimetière d’épaves de véhicules. Jeudi 24 avril 2025, le taxi de Khada Ndiaye avale sans anicroche la voie dégagée qui jouxte le stade. Son client déposé à la cité Mixta d’à côté, le taximan savoure : « nous avons beaucoup souffert du désordre qui avait pignon sur rue dans ce quartier. Gravats, résidus d’animaux, véhicules en panne, eaux usées… tout y était. En plus, cela favorisait la présence de brigands sur les lieux. La résistance des artisans À certaines heures surtout la nuit, je ne prenais plus de client pour Grand Médine ».
Quartier logé dans la commune de Patte d’Oie, Grand Médine a une forme de bidonville aux atours d’un univers interlope avec ses innombrables maisons en chantier, ses ruelles serpentées, faute de lotissement sérieux. Mais aujourd’hui, il est totalement libéré des crottes de moutons, vestiges de foirails de Tabaski. On est loin de ce cocktail de liquides septiques, rejets d’égouts, des restes de viande en putréfaction.
L’espace hideux a cédé la place à un goudron qui ne laisse apparaître le moindre déchet. « On respire mieux maintenant », s’extasie Amina Coly dont la maison est contigüe au stade. « On n’a plus d’ordures et les bruits des mécaniciens sont de vieux souvenirs », sourit la ménagère. Son voisin, qui tient un atelier de couture, relativise le soulagement ambiant. « Depuis que je travaille dans ce quartier en 2018, j’ai vécu des dizaines de déguerpissements de mécaniciens et gérants de foirails. Mais un mois après, ils reviennent et l’environnement ne s’en porte que très mal. Au Sénégal, on a un problème de suivi de la loi », se plaint Amadou Dème.
Sur place, ce sont des regards éteints qui se succèdent à d’autres. Des visages fermés sur lesquels on lit la lassitude. « On n’a plus où aller. Ce lieu était notre gagne-pain », se plaint Gora Faye, garagiste de 32 ans, désabusé sur les abords de la route de l’aéroport. Lui et des dizaines de ses camarades ont formé un collectif pour déplorer leur départ de cet endroit.
Visage émacié, bouffant avec frénésie une cigarette, le mécanicien Matar Samb, porte leur parole. « Nous n’avons pas opposé la violence à la mesure de déguerpissement parce que nous sommes des républicains. Mais les autorités doivent nous proposer quelque chose parce que nous ne sommes pas des bandits. Où irons-nous maintenant » ? S’interroge le quadra, des taches d’huile de vidange sur le visage. Si eux cogitent sur leur sort et annoncent une manifestation pacifique le 30 avril prochain sur le site, les habitants de Grand Médine se félicitent de l’amélioration de leur cadre de vie.
Babacar Guèye DIOP