Avec ses nombreuses casquettes, Aïssatou Tissou Diallo Touré est multitâche. Mais toutes ses activités ont un dénominateur commun : l’humain. Coach de vie, formatrice en leadership, et aussi auteure, la Guinéenne a déjà publié deux œuvres qui se veulent une ode à l’humanité, au bien-être collectif.
Dans un monde qui selon certains devient de plus en plus individualiste et machinal, où les intérêts crypto personnels priment, une personne essaie de remettre l’humain au cœur des enjeux : Aïssatou Tissou Diallo Touré. Consultante, formatrice, coach, facilitatrice mais aussi auteure, elle est par ailleurs diplômée d’une maitrise en marketing et commerce de l’Ecole Supérieure de Gestion et de Commerce Internationale de Paris (actuelle Paris School of Business), d’un diplôme international d’assurance de l’Ecole Nationale d’Assurance (Enass) de Paris. Non elle n’est pas dispersée, mais plutôt multitâche.
Toutefois, tout n’a pas été tranquille, loin de là. Des écueils ont en effet jalonné son chemin. « Je dirais que mon parcours a été tout sauf linéaire. Il a été fait de détours, de chutes, de remises en question, mais aussi de belles rencontres, de résilience et d’élans du cœur. J’ai traversé des tempêtes intérieures que peu voyaient de l’extérieur. Et pourtant, c’est ce chemin cabossé qui m’a ramenée à l’essentiel : l’humain. Aujourd’hui, je le qualifierais d’authentique, parce que chaque étape, même douloureuse, m’a permis de me rapprocher de moi », confie-t-elle.
Le déclic
Cette passion pour l’humain a poussé Aïssatou à écrire deux livres introspectifs. En 2019 d’abord, elle a publié « Tous les secrets de nos cœurs / Au-delà des apparences », apparu chez L’Harmattan Guinée. Puis en février 2025, son deuxième roman « VIVRE de Bon’Heur » est sorti chez L’Harmattan Sénégal.
Ces deux œuvres constituent une bouée de sauvetage pour bon nombre de gens qui vivent des conflits internes et qui taisent des souffrances jugées parfois taboues. Pour Madame Touré, il fallait donc agir. C’est ainsi qu’elle a décidé de se lancer dans le coaching. « J’ai appris que derrière chaque sourire se cache parfois une détresse. Que les gens souffrent souvent en silence, par peur d’être jugés, incompris ou rejetés. La souffrance psychologique est invisible, mais elle ronge. Elle est souvent masquée par des masques sociaux, des rôles, des obligations. J’ai aussi compris que lorsque l’on offre un espace d’écoute sincère, les cœurs s’ouvrent. Et c’est là que la transformation commence », explique la femme qui fêtera bientôt ses 50 ans et qui est la fondatrice de At Expériences, un entreprise spécialisée dans le coaching.
Faire fi des pressions sociales
Pour la Guinéenne, le regard des autres est un carcan silencieux qui peut parfois agir silencieusement, au point de dicter nos choix, même inconsciemment (études, relations, métiers, manière de vivre sa douleur…). Ce regard doit être combattu selon Aissatou, sinon on risque de passer à côté de soi. L’auteure et coach a d’ailleurs une théorie. Selon elle, on nous a appris très tôt que la valeur venait de l’extérieur. L’enfant reçoit des idées selon lesquelles il faut être « comme il faut » pour être aimé et reconnu, à défaut de chercher la validation de l’intérieur. De ce fait, avoir l’approbation des autres est devenu une manière de vivre chez de nombreuses personnes.
A force de côtoyer autant de monde dans son travail de coach et de facilitatrice, Aïssatou Tissou Diallo Touré a pu balayer une idée reçue: les hommes souffrent autant que les femmes. Cette peine vécue n’est absolument pas genrée. « La pression exercée sur les femmes est souvent plus visible. On attend beaucoup d’elles : qu’elles réussissent, qu’elles soient irréprochables, qu’elles se conforment à des normes multiples. Mais à travers mon travail, j’ai aussi découvert une autre réalité : celle d’hommes profondément touchés par la pression sociale, souvent en silence. Beaucoup d’hommes qui se confient à moi parlent de l’immense poids qu’ils portent : celui d’être « forts », de ne jamais faillir, de réussir coûte que coûte, de cacher leurs failles. La société ne laisse souvent à personne — homme ou femme — l’espace d’être pleinement soi, sans masque. Ce que cela m’enseigne, c’est que plus que des injonctions genrées, c’est notre besoin collectif de liberté intérieure qu’il faut entendre. Redonner à chacun, femme comme homme, le droit d’être humain avant d’être un rôle à tenir ».
Oser crier sa souffrance
Pour l’auteure, il ne faut pas simplement rester en marge et vivre dans sa bulle de souffrance et d’idées noires. Les séquelles psychologiques nées de traumatismes et de peines sont universelles. Elles ne sont pas l’apanage du monde occidental. Il urge donc, au Sénégal notamment, de mettre le doigt là où ça fait mal. Selon elle, dans notre pays, « la souffrance psychologique est encore taboue. On confond souvent dépression avec faiblesse ou manque de foi. Il y a un manque de sensibilisation, mais aussi de formation. Pourtant, le mal-être est réel. Et tant qu’on n’osera pas en parler, il continuera à faire des ravages en silence ».
« Cela dit que notre société a un besoin urgent de se reconnecter à l’essentiel. Que derrière les écrans, les réseaux, la performance, beaucoup de jeunes se sentent seuls, invisibles. Ils manquent d’écoute, de reconnaissance, de repères. Et surtout, d’espaces où ils peuvent être eux, pleinement, sans peur », souligne-t-elle. Cet état de fait peut notamment expliquer le nombre de suicides qui ne fait qu’augmenter au Sénégal, notamment chez les jeunes. Ces derniers ont besoin, selon Aïssatou, d’espaces d’écoute sans jugement. Il faut leur montrer qu’ils ont le droit de ne pas aller bien, tout en leur offrant des outils pour mieux se connaitre, mieux gérer leurs émotions, choix et stress.
Dans cette quête de s’accepter soi-même et de vaincre ses ‘‘démons’’, la coach de vie conseille de « S’arrêter. Respirer. Et s’autoriser à demander de l’aide. Parler, écrire, pleurer. Tout ce qui permet de libérer ce qu’on porte en silence. Le début de la guérison, c’est souvent l’acceptation ». A contrario, il faut absolument éviter un isolement prolongé, une perte d’envie, une fatigue persistante, les pensées sombres, une perte de goût concernant les choses qui nous passionnaient avant. Tous ces signes sont avant-coureurs d’une dépression.
Les espaces de socialisation doivent jouer leur rôle
Cependant, ce n’est pas seulement à la personne en proie à la dépression de chercher à s’en sortir selon la coach. Il est du devoir de tout le monde de s’impliquer, à son échelle, afin d’aider les gens en proie à ces troubles psychologiques. A ce titre, tous les lieux de socialisation comme les écoles doivent être impliquées. Tel le colibri, chacun doit apporter sa contribution à la construction d’une sphère de bien-être collectif. Loin d’être un désir utopique, cela pourrait se concrétiser avec l’appui de tous.
« Il est urgent de remettre l’humain au centre. D’apprendre à s’écouter, à se soutenir, à s’aimer. D’oser la vulnérabilité au lieu de glorifier l’apparence. C’est ensemble, et dans l’authenticité, qu’on construira une société plus saine et plus humaine », conclut Aïssatou qui, avec sa détermination en bandoulière, part en croisade afin de remettre l’humain au cœur de tout. Après tout, ne dit-on pas que « L’Homme est le remède de l’Homme » ?
Oumar Boubacar NDONGO