Il n’a pas choisi son métier par hasard. Très tôt, Alioune Kébé a compris que tout dans le monde des affaires tourne autour de la fiscalité, qu’elle fait fonctionner un pays. Et pourtant, ce juriste d’affaires promis à une belle carrière à Bordeaux, n’a pas hésité, quand sa patrie a eu besoin de son expertise, à rentrer au bercail. Aujourd’hui à la tête du Centre national de la fonction publique locale et de la formation (Cnfplf), il ambitionne d’insuffler à cette structure stratégique une nouvelle dynamique afin de lui permettre de jouer efficacement son rôle.
Avec seulement 20 euros en poche, il a débarqué, en 2004, en France avec, en bandoulière, l’ambition de poursuivre ses études. Parti avec ses propres ressources, il n’avait pas de bourse et dans cet univers qui a vu des destins se forger et aussi des vies se ruiner, Alioune Kébé, armé de son seul courage, de son abnégation et de sa détermination à réussir, s’est battu. Il a donné le meilleur de lui-même, pour concrétiser son rêve. Sa maîtrise en Droit des affaires et fiscalité des entreprises en poche, le natif de Saint-Louis a rejoint l’université Montesquieu Bordeaux-IV pour des études en fiscalité et droit des affaires. Il rejoint ensuite l’Institut des hautes études économiques et commerciales (Inseec) de Bordeaux où il s’inscrit pour un Master of science. Ce master en fiscalité, droit des affaires, conseil et gestion d’entreprise qu’il a fait en contrat de professionnalisation lui a ouvert les portes du monde professionnel. Alioune Kébé signe alors son premier contrat de travail en tant que juriste d’entreprise junior et plus tard instructeur de marché ; un profil au sein des entreprises privées qui s’occupe de toutes les procédures de passation des appels d’offres publiques. Au bout de cinq ans, en 2020 précisément, il se met à son propre compte en co-fondant, à Bordeaux, la Sas Medical Supply, une structure spécialisée dans le recrutement médical et la gestion des ressources humaines au niveau des établissements de santé sur l’ensemble du territoire français.
Spécialiste en fiscalité
Dans son cursus, Aliou Kébé a opté pour la fiscalité. Conscient que le parcours Droit des affaires lui donnait la possibilité, à la maîtrise, de faire un choix entre Droit bancaire ou fiscalité des entreprises, il s’est aussitôt intéressé à la fiscalité. « Je voulais être juriste d’affaires parce que j’étais convaincu que c’est la fiscalité qui fait fonctionner un pays », estime-t-il. Aujourd’hui, Alioune Kébé est à la tête du Centre national de la fonction publique locale et de la formation (Cnfplf) ; une direction stratégique consacrée aux collectivités territoriales qui, souvent, ne maîtrisent pas totalement les questions fiscales. « Je suis déjà dans mon domaine, car je suis à la tête d’une institution qui est beaucoup interpellée par la fiscalité, parce qu’au niveau des collectivités, ils ont des problèmes de connaissance des textes qui régissent notre fiscalité, notre Code général des impôts, particulièrement chez les élus », soutient-il. Et il compte bien leur faire bénéficier de son expertise en la matière. « Nous allons les aider, avec le soutien de l’État qui a le pouvoir et les prérogatives de mettre en place des mécanismes, surtout avec le ‘’New Deal Technologique’’ qui vient d’être lancé », fait-il savoir. Par ailleurs, son séjour en France lui a permis de s’engager en politique ; un engagement motivé par une volonté de participer aux activités sociales de ses compatriotes. Et pourtant, il avait très tôt la possibilité de se jeter dans l’arène politique. Son père, Aliou Kébé, militant de l’Afp, fut le maire de Keur Madiabel pendant 22 ans et député des 13e et 14e législatures. Mais le jeune Alioune Kébé ne s’est jamais intéressé à ses activités. Néanmoins, il s’intéressait beaucoup à la chose politique. Et son souci, c’était avec qui s’engager. À distance, il observait la scène politique, suivait les acteurs. Ce n’est qu’à partir de 2018 qu’il a commencé à s’intéresser véritablement à Ousmane Sonko. Et c’est le jour où celui-ci présentait son livre « Solutions » que Kébé a pris l’engagement de le suivre, de le soutenir. « C’est ce qui a fait qu’en 2020, j’ai intégré le mouvement des cadres patriotes de France devenu plus tard le mouvement des cadres patriotes (Moncap) de la diaspora », relève-t-il.
Esprit patriotique
Son engagement lui a valu d’être nommé, le 8 janvier 2025, Directeur général du Centre national de la fonction publique locale et de la formation (Cnfplf). « Dans un premier temps, je ne connaissais pas l’ampleur du chantier, mais c’est après que je me suis rendu compte que les autorités m’ont confié un très grand projet qui demande beaucoup d’abnégation et va nécessiter beaucoup de travail, mais surtout une vision et une stratégie bien définies et très claires », affirme-t-il. A l’en croire, les Sénégalais sont meilleurs en matière de législation, mais sont loin d’être très pragmatiques à l’étape de la pratique. Et selon lui, le Pastef prône ces valeurs de pragmatisme qui permettront de faire de sorte que les projets aboutissent et aient un impact direct sur le quotidien des Sénégalais.
En décidant de revenir au Sénégal, Alioune Kébé a choisi de militer à Touba, au détriment de Keur Madiabel où sa famille a une belle ancienneté politique et de Saint-Louis où il a vu le jour et a grandi. « J’ai choisi Touba pour l’enjeu électoral énorme qu’il a toujours constitué, mais aussi parce que je rêve de faire partie de ceux qui contribueront à l’œuvre édificatrice de cette belle cité souhaitée par Cheikhoul Khadim », justifie Alioune Kébé qui aspire à devenir un fervent mouride, au sens ésotérique du terme. Parce que, croit-il savoir, le vrai mouride, c’est celui qui œuvre au quotidien dans la Voie, mais aussi celui qui cherche quotidiennement l’agrément du Cheikh.
Spirituellement lié à Touba, Alioune Kébé y vient régulièrement se ressourcer. Et dans la cité religieuse, il œuvre dans le social. D’ailleurs, rappelle-t-il, il avait déjà créé, en France et au Sénégal, « Agir ensemble pour demain » ; une association à but non lucratif qui lui a permis de faire de nombreuses actions sociales, surtout dans le milieu hospitalier où il évolue. Il a eu à faire des dons de matériels médicaux à Touba, à l’hôpital Matlaboul Fawzeyni et à celui de Saint-Louis. Il a aidé des jeunes à se former, en leur offrant des bourses d’études, et a également accompagné des femmes dans leur quête d’autonomie. « J’œuvre beaucoup dans le social, auprès des femmes et des jeunes. Ce sont des gens qui sont beaucoup dans la foi et la résilience et qui espèrent que ce qu’on leur a promis viendra un jour vers eux », fait-il savoir. Régulièrement, il vient échanger avec les femmes pour voir comment améliorer leurs conditions. « Présentement, nous sommes sur des projets communautaires qui vont bientôt voir le jour », promet Alioune Kébé qui ne regrette pas d’avoir mis en parenthèses quinze années de sa vie passées à l’étranger pour venir se mettre au service de son pays. Pour lui, c’était un devoir, voire une obligation de venir soutenir le président Bassirou Diomaye Faye, et le Premier ministre, Ousmane Sonko, pour tous les sacrifices qu’ils ont consentis pour accéder au pouvoir. « C’est dans l’ordre naturel des choses de venir participer à ce travail. Je me suis dit que je serais lâche si je ne l’avais pas fait. C’est juste du simple patriotisme pur et dur », fait-il savoir. Et le vrai patriotisme, indique-t-il, c’est ce don de soi-là, qui ne doit pas être qu’un slogan, mais des actes qu’on pose au quotidien. « Je crois que si on doit se sacrifier pour son pays, on ne doit pas hésiter. Pour moi, ce sacrifice en valait la peine et c’est ça le vrai sens qu’on doit donner au patriotisme », affirme-t-il.
Samba Oumar Fall