Trait caractéristique : son diastème. Profession : journaliste. Appréciation des pairs : excellente. Nom : voir le surtitre. Surnom : césure sénégalaise au milieu d’un vers d’humanisme pur.
Diastème : critère de beauté et de générosité, pour certains. Mais que valent ces critères dans un visage toujours renfrogné ? Visage souriant : indicateur de bonté, dans bien des cas. Diastème et visage souriant : c’est beau, c’est bon. Monsieur a l’un et l’autre. Il est alors, dans le sens intégral de l’expression, un bel homme. Aussitôt aperçoit-il ses amis, aussitôt le souffle rafraîchissant de son cœur soulève ses lèvres. Le diastème, ainsi, s’annonce comme une césure au milieu d’un alexandrin de dents blanches. Le sourire, ainsi, s’annonce comme l’or d’une aurore sur un visage qui prédit une journée de quiétude. « Brother » (mon frère), dit-il. Énergie, il dégage. El Hadj Gorgui Wade Ndoye, le Rufisquois qui fait rayonner le Sénégal en Suisse, est un Africain authentique, ouvert aux souffles du monde. Positif : tous le lui témoignent. Une voix respectée de l’Afrique en Occident : son magazine panafricain en ligne « Continent Premier », faisant référence à l’Afrique comme berceau de l’humanité et des civilisations, en est la preuve. Esprit positif et ouvert : une âme portée par la paix, qui aime porter des messages de dignité et de paix. Diastème : un vide, une séparation entre deux rangées de dents. Le visage qui le porte, pour sa part, est un pont entre des mondes. Il est bien connu de ce côté-là : c’est le seul journaliste ouest-africain accrédité auprès des Nations unies à Genève. Il est tout aussi connu de ce côté-ci : son « Gingembre Littéraire » est un rendez-vous qui a fini par occuper une place de choix dans l’agenda culturel sénégalais. Dr Khadim Bamba Diagne parle de lui en disant qu’il « apporte une respiration au pays ». Pour cette âme positive, la paix ne se conçoit pas sans la vérité. La vérité, cette encre avec laquelle le journaliste corrige des copies de préjugés sur l’Afrique et les Africains, écrites par l’ignorance des uns et le mépris des autres… jusque derrière les murs onusiens. Mais Gorgui ne corrige pas avec un rouge qui signifie effusion de bile colérique. Avec bienveillance et détermination, en toute intelligence, sur fond de sagesse. Étonnant ? Non. Tous les indices étaient dans le nom. « Gorgui » signifie « l’homme », « le patriarche », « le sage ».
Un journalisme de combat
Monsieur Ndoye est de ceux-là qui parlent fort. Ce qui ne signifie peut-être pas crier. Ce qui signifie certainement passion. Pour ce métier – le journalisme – qui, chez lui, revêt ce sens : « j’ai fait du journalisme pour informer, mais c’était un journalisme de combat, comme pour arracher le rire Banania des murs et illustrer factuellement les grandes joies et les peines de cette grande Afrique qui n’est pas un pays, mais un continent si complexe et si méconnu par ceux qui l’ont réduit en esclavage, colonisé et qui l’exploitent encore sans la voir réellement, par ceux qui refusent encore de lui rendre justice ». Monsieur Ndoye est de ceux-là qu’on qualifie de voix fortes. Ce qui ne signifie sûrement pas : abuser de sa position pour son bien uniquement. Ce qui signifie, sans l’ombre d’un doute : user de son aura pour le bien des siens. Écrire, oui, mais aussi parler et échanger avec le reste du monde pour faire exister l’Afrique autrement. Il lance, aux Nations unies, un cycle de conférences intitulé : « La place de l’Afrique dans le XXIᵉ siècle : souveraineté et démocratie », dont le point culminant est le colloque du 12 janvier 2012, qui a regroupé d’éminentes personnalités comme Iba Der Thiam, Awa Marie Coll Seck, Boubacar Boris Diop, Anne-Cécile Robert, Sanou Mbaye, etc. « Et c’est ce cycle de conférences qui a donné naissance, le 1er mai 2019, au concept inédit et original du « Gingembre Littéraire » de Continent Premier, lancé en présence d’éminents penseurs comme Souleymane Bachir Diagne, etc. ».
La 7ᵉ édition du « Gingembre Littéraire », dont la thématique au Sénégal porte sur le vivre ensemble, aura lieu à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis les 27 et 28 novembre, autour des migrations sénégalaises sous le prisme du changement climatique. Auparavant, une première édition a eu lieu à l’Université du Québec à Montréal (Uqam), au Canada, les 8 et 9 novembre, autour du thème : « Le rôle des diasporas dans la souveraineté des États ». Être une voix forte n’est pas chose qui s’improvise. Encore faudrait-il avoir les qualités qui font qu’on le devienne. Ces qualités, Monsieur Genève les regroupe sous l’appellation « valeurs remarquables de ce pays » qu’est le Sénégal. Valeurs locales et apports extérieurs « qui font qu’à l’étranger, nous sommes respectés ».
Une audace bien léboue
Diastème : césure sur alexandrin dentaire ! Mais le vers incarné chair qu’il caractérise est doublé d’un esprit qui est une synthèse de cultures. L’aspect spirituel de cette synthèse jette ses racines loin, dans le royaume d’enfance rufisquois du journaliste. Royaume dont le cocon est cousu de fils d’eau, Lébou qu’il est de père, et de mère Halpulaar – une « Wane », bien de la lignée maraboutique et royale des Almaamy du Fouta. Royaume aux contours liquides, illuminé de psalmodies. Fils de maître coranique dont le mausolée du grand-père, Amalamine Ndoye, est seul vestige visible attestant de la présence humaine sur les rives de Ndayane, où s’érige le nouveau port moderne du Sénégal. Royaume dont le cours continue d’être rythmé par l’appel du muezzin. Y revenir — et l’exaltation qu’il ressent en en parlant le trahit — a toujours allure d’El Hadj (celui qui a fait le pèlerinage à La Mecque, en arabe).
Royaume immense comme l’océan, qui préparait l’esprit de l’ancien Sanarois (le Premier ministre Ousmane Sonko, issu de ce creuset d’intelligences et de solidarités, l’appelle « grand frère »). À des traversées qui dépassent Rufisque, sillonnent le Sénégal, font cap sur l’Afrique pour conquérir l’Onu et le monde. Il y a là de l’audace, une audace bien lébou et de Halpulaar. Le témoignage est d’un autre El Hadj, Dr Abdourahmane Diouf (Monsieur le ministre !), un autre Sanarois qui garde en mémoire ces nuits blanches de Suisse, qui ont eu pour but d’amplifier la voix de l’Afrique. Un canal en naquit : le magazine panafricain en ligne « Continent Premier », cofondé par ces deux anciens de Sadji avec leur condisciple mathématicien et informaticien Alassane Diop, réunira les mondes universitaire et journalistique. Ces jeunes pouvaient, dès lors, au cœur de la Genève internationale, faire dialoguer le continent africain avec le reste du monde. El Hadj Gorgui Wade Ndoye est un homme de culture. Pardonnez d’insister sur cette évidence ! Vous entendrez ce diplômé des universités Gaston Berger de Saint-Louis, de Genève et de Paris 8 citer de mémoire Senghor et Sartre, Césaire et Gaston Berger, des sages africains et le président de la République Bassirou Diomaye Diakhar Faye, himself !
« Les écrivains et autres sont des créateurs de beau, qui arrivent à transformer les souffrances secrètes des peuples en espoir ». Monsieur Ndoye cite ainsi de mémoire le chef de l’État, qui se prononçait lors du premier forum du livre et de la lecture. M. Ndoye est un homme de culture, de mémoire, de projection. Ainsi voit-il, en cette bride de discours, une prolongation de Malraux et du Fesman, un moment fondateur, un avenir qu’il espère de réconciliation entre la jeunesse sénégalaise et le livre et la lecture. La jeunesse ! Qu’elle est présente dans le discours de Monsieur Gingembre : réseaux sociaux, délitement social, craintes, nécessité d’agir.
L’Afrique au cœur, le Sénégal plus qu’au cœur
Les anciens ! Qu’ils sont présents dans le discours de Monsieur « Continent Premier » : devoir d’encadrer, responsabilité quant à la transmission…Ces craintes et ces espoirs se côtoient alors lorsque sur ses réseaux numériques il communique et proclame dans ses messages l’idée d’un « Sénégal éternel ». Diadème : on imagine une parure, quelque chose de scintillant et de grande valeur, qui trône sur la tête d’une personne appartenant à une royauté. Diadème : si elle venait à être personnifiée, la carrière journalistique de El Hadj Gorgui Wade Ndoye mériterait d’être représentée en un respectable personnage pourvu d’un diadème. Et il n’y a pas à imaginer, puisque la chose est déjà faite. En effet, il est actuellement sur sa terre natale pour témoigner de l’Histoire, en assistant au premier forum du livre et de la lecture, évoqué plus haut. Et de quelle manière ! C’est sur invitation du Président, du Premier ministre, du ministre de la Culture et de la direction du Livre. Il s’en réjouit, car c’est, dit-il, « une reconnaissance du travail du journaliste. C’est une reconnaissance aussi du travail que nous faisons avec le « Gingembre Littéraire ».
Nous mesurons toute l’importance de cette confiance que les autorités nous ont démontrée, en nous mettant en première loge, en nous donnant la parole et en nous distinguant avec le trophée et l’écharpe bien africaine remis par le ministre Amadou Bâ, avec ces mots : “Je vous lis et nous sommes fiers de vous.” Aussi, cela montre-t-il que quand on travaille avec dignité et engagement, les choses peuvent être très lentes, mais on y arrive toujours ». Gorgui Wade Ndoye, El Hadj, n’est pas de ceux-là dont la grande taille impressionne. Il est de ceux-là dont l’esprit d’élévation inspire. Vingt-cinq ans, ce n’est pas deux jours, et ce ne sont pas tous ces jours qui sont doux lorsqu’on est loin de soi et des siens. «Mais j’ai toujours l’Afrique au cœur, le Sénégal plus qu’au cœur parce que j’ai cru aussi que les valeurs que j’ai eues en quittant le Sénégal, ce sont les valeurs qui m’ont permis de résister à toute forme de racisme, à toute forme d’incompréhension ». Elles lui ont permis d’être debout, « pour pouvoir aussi parler de nous, c’est-à-dire nous en tant qu’humains, nous en tant que Sénégalais, nous en tant qu’Africains».
Moussa SECK


