Yacine est une jeune agripreneure. Du haut de ses 29 ans, elle a entre autres créé Femmes Agronomes du Monde (FAM), FAM Magazine, JabaBio, et est également présidente du Réseau des Jeunes Agripreneurs d’Afrique (RJAA). Son parcours, ses ambitions, et les obstacles qui ont jalonné son chemin… Voici un portrait haut en couleurs.
Il y a des parcours qui suscitent admiration et peuvent en inspirer d’autres. C’est le cas de Yacine Yade. A seulement 29 ans, la jeune femme a déjà des accomplissements longs comme le bras, et des ambitions à faire tourner la tête. L’agripreneure, entendez entrepreneure agricole, a déjà créé Femmes Agronomes du Monde (FAM) en 2018, « une initiative visant à accompagner les groupements de femmes dans la production, la transformation, et la valorisation des produits agricoles », FAM magazine, une revue agricole qui traite de l’actualité du secteur afin de mettre en valeur leur travail, puis en mai 2021, elle franchit une étape importante en lançant ‘‘JabaBio’’, un mini-supermarché qui se fixe comme mission d’aider à la commercialisation des produits naturels et bio dans le but de régler les problèmes de débouchées rencontrés par les groupements de femmes.
Toujours au plan des réalisations, Yacine Yade est présidente du Réseau des Jeunes Agripreneurs d’Afrique (RJAA), Vice-présidente chargée des questions de genre et d’inclusion sociale à la Confédération des Réseaux de Jeunes Agripreneurs du Sénégal (CRJAS), Conseillère en formation à l’Office National de Formation Professionnelle (ONFP), membre du Réseau des Jeunes Professionnels pour la Recherche et le Développement Agricole en Afrique (YPARD-SN), Représentante de One Billion trees Africa au Sénégal, entre autres. Pourtant, malgré cette litanie de réalisations à faire tourner la tête, Yacine a encore énormément d’ambitions, dont une qui lui tient à cœur. « Mon objectif en tant qu’entrepreneure est de nourrir l’Afrique. Nous devons produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons. Mon ambition va au-delà de ce cadre : un jour, je souhaite contribuer à nourrir le monde. Pour y parvenir, il est essentiel que la jeunesse s’engage pleinement dans l’agriculture et prenne conscience de l’impact qu’elle peut avoir dans ce domaine », clame-t-elle, inébranlable.
Les germes de l’entrepreneuriat
L’entrepreneuriat agricole n’est pas une opportunité d’affaire pour Yacine Yade. C’est plutôt une vocation qui a pris racine depuis l’enfance. Au contact de son défunt père, cultivateur, à qui elle apportait le repas aux champs, la jeune femme a cultivé cette passion. Et quand le moment est venu, elle n’avait qu’à se lancer, avec un background fait d’expériences champêtres, de vécu familial et d’amour pour la terre. Elle a donc entrepris, après un BAC S2 décroché en 2016, de s’inscrire en agronomie et agrobusiness.
Alors que dès le collège elle clamait à qui voulait l’entendre qu’elle allait percer dans l’agriculture, Yacine Yade va se donner les moyens de réaliser son rêve. Elle décide donc de se lancer dans l’entrepreneuriat agricole dès sa 2ème année universitaire. Pourtant, ce chemin n’est pas sans embûches. « Être entrepreneur exige une grande résilience. On fait face à des coups bas, des pertes, des nuits blanches, des échecs, voire des arnaques », soupire-t-elle, avant de se rassurer avec une citation de Xavier Dolan qui lui sert de rappel, mais aussi de mantra pour tout surmonter : « Je pense que tout est possible à qui rêve, ose, travaille et n’abandonne jamais ». Cette conviction, assure-t-elle, la pousse à ne jamais renoncer, quels que soient les écueils. Car, le but qu’elle s’est fixé est gravé dans le marbre, même si c’est dans sa tête pour le moment : figurer parmi les meilleurs, tout en rendant ce secteur attractif pour la jeunesse, en particulier pour les femmes. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle se donne les moyens d’y arriver. D’ailleurs, dans ce sens, Yacine Yade est au Maroc depuis quelques mois pour suivre un Master en ingénierie et qualité dans une industrie agroalimentaire. Elle veut renforcer ses acquis afin de parer à toute éventualité. On ne récolte que ce que l’on sème, non ?
Femme et entrepreneuriat, un mélange parfois compliqué
Yacine Yade a su percer dans un milieu concurrentiel où, dès le départ, elle avait deux caractéristiques qui parfois, peuvent être rédhibitoires : elle est jeune, et femme. En effet, sous nos tropiques, les investisseurs ou partenaires font plus confiance aux hommes, souvent d’âge mûr. Malgré tout cela, l’agripreneure ne se laisse pas abattre, loin de là. Ses convictions en bandoulière, elle creuse le sillon pour elle, mais aussi pour les autres femmes confrontées aux mêmes difficultés qu’elle a rencontrées. Car oui, souvent les femmes doivent faire deux fois plus pour avoir autant que leurs camarades masculins.
« En tant que femme, les défis sont nombreux : les stéréotypes de genre car l’agriculture est souvent considérée comme un domaine réservé aux hommes, ce qui oblige les femmes à prouver constamment leur légitimité. Pourtant, il est indéniable que les femmes jouent un rôle central dans ce secteur ; l’accès au financement : les femmes entrepreneures font face à des difficultés d’accès au financement, ce qui freine le développement de leurs projets ; le réseautage limité : les cercles professionnels restent parfois moins accessibles aux femmes, notamment dans les instances de décision. Pourtant, nous avons notre place et notre mot à dire pour influencer les orientations du secteur agricole », déplore-t-elle.
Mais cela ne peut ébranler l’opiniâtreté de la jeune femme, qui souhaite que l’Etat puisse soutenir les femmes et les entrepreneurs en général en simplifiant l’accès au financement en proposant des prêts à taux réduit pour les jeunes entrepreneurs ; en mettant en place des incubateurs régionaux pour accompagner et soutenir les jeunes dans le développement de leurs projets ; en facilitant l’accès à des terrains agricoles pour les projets innovants dans le secteur ; en promouvant le consommer local à travers des campagnes nationales afin de renforcer l’économie locale ; en formant et en sensibilisant sur les opportunités entrepreneuriales, en mettant un accent particulier sur les femmes et leur place dans l’entrepreneuriat.
Passionnée dans l’âme, ambitieuse à souhait, Yacine Yade est un modèle à suivre. Elle incarne en effet le don de soi pour montrer au monde qu’à force de volonté et d’abnégation, tout est possible. Et à travers le chemin qu’elle laisse sur les terres qu’elle sillonne, plusieurs générations de femmes peuvent suivre la voie et cultiver les valeurs chères à l’agripreneure. Car, après tout, « La passion et les rêves sont comme le temps, rien ne peut les arrêter, et il en sera ainsi tant qu’il y aura des Hommes prêts à donner un sens au mot ‘‘LIBERTE’’ » (Eiichiro Oda).
Oumar Boubacar NDONGO