De la nouvelle génération de figures politiques, Guy Marius Sagna est sans doute l’un des plus constants dans ses combats et formes de lutte. Derrière cette apparence rebelle, se cachent un bouquet de qualités humaines, qui en font un homme adulé par tous ceux qui le côtoient.
Rouleau compresseur pour les contradicteurs, défenseur de la veuve et de l’orphelin pour les âmes désemparées. Excessif, populiste, tapageur, idéaliste passionné, pour les uns. Attachant, constant dans l’engagement, authentique par le verbe et l’action, incorruptible…pour les autres ! Et bien d’autres qualificatifs ! Le bonhomme, aux airs de déménageur, ne laisse personne indifférent. Guy Marius Sagna est atypique autant dans son cheminement de citoyen africain que dans sa posture politique, prolongement de son long combat pour une Afrique souveraine et porteuse d’espoirs légitimes. « L’Africain du Sénégal », comme il aime à se présenter, longe, continuellement, une allée de dynamisation des consciences, de mobilisation des esprits et des intelligences au service du bien-être collectif. Le « député du peuple », véritable mur de lamentations, redonne de la fraîcheur à l’hémicycle considéré à tort ou à raison comme une chambre d’enregistrement.
Derrière cette apparence fougueuse, se cache une âme douce, serviable, presque timide dans sa routine quotidienne. Comme par hasard, il n’écoute que de la « musique douce », quand sa voix de stentor et ses harangues pétulantes ne s’évertuent pas à rappeler aux pouvoirs publics et à une certaine élite socio-économique leur responsabilité. Mais dès qu’il s’agit de principes, de dénoncer des injustices, de défendre les droits des travailleurs ou des questions de droit tout court, Guy met le bleu de chauffe. Sans gants. Malgré son calme légendaire, face aux situations les plus périlleuses, il n’y va pas de main morte. Comme cette scène à l’Assemblée nationale où il arrache l’urne pour contester un vote. Un homme entier.
C’est d’ailleurs ainsi que le décrit son compagnon de lutte Bentaleb Sow. Ayant d’abord connu Guy Marius sur les réseaux sociaux, l’actuel conseiller à la présidence dit avoir beaucoup appris de l’homme avec qui il a fini par partager le mouvement Frapp (Front pour une révolution anti-impérialiste populaire et panafricaine). Même si le courage et l’engagement sont les traits de caractère qui ont bluffé le plus de monde, lui est plutôt impressionné par son intelligence : « Les gens mettent en avant son courage, mais moi, c’est son intelligence qui m’impressionne. C’est quelqu’un de très structuré et de très bien informé ».
Engagement précoce
Bentaleb croit connaître les raisons de cette aptitude de Guy à faire face à toutes les situations. « Il a reçu une bonne formation de la gauche. Il est structuré, pragmatique et clair dans ses idées. Il va au fond de sa pensée. Rien ne peut le bâillonner. C’est la vérité et l’esprit révolutionnaire. C’est quelqu’un de très résilient et de très endurant », soutient-t-il, parlant de « sa source d’inspiration ».
Guy Marius Sagna a de qui tenir. Il été façonné par un oncle. Un ancien de la gauche qui l’a très tôt abreuvé de livres et autres sources documentaires ayant trait à l’impérialisme. Il n’avait que…11 ans à l’époque. Ce souvenir est imprimé dans sa mémoire reconnaissante : « Mon oncle me faisait même assister à des réunions du mouvement de gauche appelé « Fernient ». De l’impérialisme au progrès social, en passant par la lutte des travailleurs…j’en ai beaucoup lu ». De fil en aiguille, ce qui devait être une simple transmission oncle-neveu façonnera la vie de Guy Marius Sagna. Fidèle au mouvement devenu par la suite « Xall Wi », un journal de gauche, il en devient un des rédacteurs. Le journal s’impose, grandit et donne naissance au Rassemblement des travailleurs africains-Sénégal (Rtas). Ici, déjà, celui qui a grandi aux Parcelles assainies laisse apparaître des élans révolutionnaires.
En effet, membre engagé du Rtas, il fait partie de ceux qui claquent la porte quand il s’est agi pour les leaders de négocier avec Abdoulaye Wade. C’était en 2000. Il s’en souvient comme si c’était hier. « Le débat, c’était est-ce que le Rtas devait accepter si le président Wade lui proposait un poste. Pour nous, il était hors de question. On l’avait soutenu mais on ne partageait pas forcément sa vision. Il fallait juste se départir du Parti socialiste qui n’avait que trop duré au pouvoir », raconte-t-il. Guy et des camarades finissent par se faire écarter du parti. Avec d’autres exclus de And Jëf, ils créent « Fernient »/Mouvement des travailleurs panafricains Sénégal (Mtps). Il trace sa voie avec la création de « Yoonu Askan Wi » avec les Madieye Mbodji, Joe Diop, Alla Kane… « Yoonu Askan Wi »/ Mouvement pour l’autonomie populaire. Ce mouvement a fusionné avec Pastef en 2015, précise Guy. Il en devient une icône. Un homme de confiance du leader de Pastef Ousmane Sonko.
Don de soi Agent de santé, travailleur social, son engagement contre l’impérialisme dans ses diverses déclinaisons a fini par éclipser et rendre peu connue du grand public sa trajectoire professionnelle. D’ailleurs, c’est durant l’épisode de son affectation que beaucoup découvrent que Guy était un agent du ministère de la Santé. Marquant à la culotte le régime précédent, son ministre de tutelle d’alors, Abdoulaye Diouf Sarr, décide de l’affecter à Kédougou. Sur tous les fronts, Guy n’a presque pas de répit. L’ancien du Lycée Lamine Guéye, où il a obtenu son baccalauréat, a partout laissé une belle impression à ceux qui l’ont côtoyé, par son courage, son engagement et sa constance dans la défense des droits. Daouda Guéye «Pikine» a découvert l’homme dans le contexte du 23 juin 2011.
Depuis, il ne cesse d’être séduit par son engagement et son courage : « Sa constance est remarquable. Il se singularise par le don de soi. Contrairement aux airs de dur qu’il laisse apparaître, c’est un homme trop gentil, très fidèle en amitié et très attaché aux relations humaines ». Contestataire jusqu’au bout des ongles, le natif de Ziguinchor, en 1979, est certes attaché aux principes et valeurs, mais reste un homme soyeux, sociable et très attaché aux valeurs sociétales. C’est l’impression qu’il a laissée à Aliou Gérard Koïta, membre du Secrétariat exécutif national du Frapp, qui joue aujourd’hui le rôle d’assistant personnel et de chef du protocole. Arrêtés plusieurs fois ensemble, les deux hommes sont très proches. Aliou décrit son mentor comme un homme entier, du reste très têtu.
Quartier de haute sécurité
Guy Marius et les incarcérations, c’était déjà connu. Ce qui l’est moins, c’est ce qu’il a eu à vivre dans les geôles. Entre 2012 et 2024, il a connu six emprisonnements. De Tambacounda à Dakar en passant par Ziguinchor, que de péripéties. Mais cela n’a pas émoussé son ardeur ni étanché sa soif de justice. C’est d’ailleurs au Cap Manuel que le « justicier » découvre qu’il existait des prisons dans les prisons. Avec neuf de ses camarades, il est arrêté lors d’une marche sur le palais pour la baisse du prix de l’électricité.
Pour freiner l’élan de cet homme que rien ne semble effrayer, il est envoyé dans un coin au sein de la prison. « J’étais le seul à avoir été amené dans cette partie où l’on met généralement les grands bandits ou les terroristes…J’ai fait trois mois là-bas alors que ceux avec qui j’ai été arrêté ont été libérés après quelques semaines », se souvient-il. Chasser le naturel, il revient au galop. En plein cœur de la prison, il ouvre un autre front. Cette fois-ci pour la baisse des prix des denrées. Il obtient gain de cause. « On m’a mis tout nu. Vraiment tout nu avant de me jeter dans une autre prison ».
« La douleur la plus atroce de ma vie »
Musculature bien développée, physique imposant malgré sa taille moyenne, Guy n’a pu résister à la furie des forces de l’ordre togolaises. Parti à Lomé soutenir des camarades de lutte, le député du parlement de la Cedeao n’oubliera pas de sitôt cette journée. « C’est la douleur la plus atroce de ma vie. Je ne me suis jamais senti aussi proche de la mort. Je croyais que j’allais mourir », raconte-t-il, avec un souffle qui en dit long sur l’épreuve. Endurant et constant dans l’engagement, il donne par son engagement un sens noble à la députation. Entre l’installation de la 15e législature et décembre 2024, il a déjà transmis 34 questions écrites. Dr Malick Diop a partagé avec lui l’Assemblée nationale. Malgré leurs camps opposés, il ne cache pas son admiration pour la constance et l’engagement de l’homme, symbole, peut-être, d’une réconciliation entre le peuple et ses représentants.
Par Oumar FÉDIOR